En 2009, le Sou médical – groupe Macsf – a noté une très légère augmentation de la fréquence des sinistres mettant en cause les médecins libéraux, laquelle se situe maintenant à 2,56 %, alors que la fréquence des sinistres est, en général,  sans grande évolution par rapport à 2008. Ce sont toujours les chirurgiens qui sont le plus souvent mis en cause, souligne le Sou.

Innovation de l’année passée : la constatation, à l’ouverture des dossiers, d’un nombre plus important de saisines de la Crci (commission régionale d’indemnisation des accidents médicaux, dont les moyens sont mis à disposition par l’Oniam – Office national d’indemnisation des accidents médicaux) que de procédures civiles. Néanmoins, souligne le Sou, ce sont les procédures directes qui demeurent prépondérantes.

Autre fait notable : l’augmentation « significative » du nombre de dossiers à coût important dans toutes les spécialités. Le Sou médical y voit plusieurs causes : l’alourdissement du coût de certains postes, comme l’emploi d’une tierce personne, ou la généralisation de la nomenclature Dintilhac, recommandations issues de la loi de 1985 dite loi Badinter sur la réparation des dommages corporels. Demeurant, de loin, la spécialité aux sinistres les plus lourds, l’obstétrique représente à elle seule 30 % des indemnisations allouées en 2009.

Au total, tous avis de Crci confondus, le Sou médical a recensé 12 % des dossiers dans lesquels la commission a estimé qu’une faute avait été commise par l’un des praticiens mis en cause. En outre, 68 % des décisions de justice au fond (sur 618 décisions) se sont traduites par une condamnation. « La tendance des dernières années dégageant un pourcentage de condamnation particulièrement élevé se confirme. Pour les obstétriciens mis en cause, le pourcentage des condamnations atteint même 80 % » est-il noté. « 60 % des décisions  pénales (tribunaux correctionnels et cours d’appel) aboutissent à une condamnation ; la peine la plus fréquemment prononcée est l’emprisonnement avec sursis ».

La jurisprudence a en effet évolué « dans un sens défavorable aux professionnels de santé » relève le Sou médical, qui avance un certain nombre de fait pour étayer cette analyse.  « Mis à part l’arrêt rendu par le Conseil Constitutionnel le 11 juin 2010 qui a validé le dispositif anti- Perruche introduit par l’art 1er de la loi du 4 mars 2002 (à l’exception de sa rétroactivité), une préoccupante tendance de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation à alourdir les contours du régime de la responsabilité médicale doit être signalée. On peut ainsi citer :

– Un arrêt du 4 octobre 2010 qui semble étendre la possibilité de condamner un

médecin pour l’éventualité d’une perte de chance hypothétique ;

– Un arrêt du 17 juin 2010 qui, en matière d’infections nosocomiales, applique au profit

de la victime une présomption de responsabilité à l’ensemble des établissements de

santé dans lesquels elle a été soignée ;

– Un arrêt du 14 octobre 2010 qui limite la liberté de prescrire du médecin en la

subordonnant à la balance bénéfice/risque ;

– Un arrêt du 3 juin 2010 qui pose le principe selon lequel tout non respect par le

médecin de son devoir d’information cause à celui auquel l’information était due un

préjudice, indépendamment d’une perte de chance subie ».

Selon l’analyse de l’assureur spécialisé, « l’avènement de la télémédecine et la montée en puissance de la chirurgie ambulatoire viendront profondément restructurer prochainement l’offre de soin et modifier les risques. »

S’agissant particulièrement de l’obstétrique, « l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2010, insuffisant et mal rédigé, n’a pas apporté de solutions pérennes. Il laisse en effet subsister des risques d’épuisement des garanties ou d’expiration des garanties », souligne le Sou en regrettant que plusieurs pistes semblent  définitivement abandonnées, tels que la limitation du montant des indemnisations allouées par les magistrats, l’augmentation des honoraires des médecins à proportion de leurs charges et notamment du risque ou la suppression du recours subrogatoire des tiers payeurs. Voire l’augmentation des plafonds réglementaires  de garantie.

Ancien directeur de la Cnam et conseiller santé de la Fédération française des sociétés d’assurances (Ffsa), Gilles Johanet a rédigé un rapport qui préconise trois solutions : la réécriture de l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale 2010 – c’est ce qui vient d’être fait dans le budget de la Sécu 2011, mais les effets seront « trop faibles » pour régler les difficultés, regrette le Sou. Deuxième solution : une socialisation totale du risque, les médecins n’ayant plus qu’à répondre de leurs fautes inexcusables : une quasi impunité des professionnels de santé difficile à accepter par la société civile, relève le Sou. Enfin, Gilles Johanet préconise la mise en place d’une meilleure mutualisation du risque, par l’intermédiaire d’un fonds qui pourrait être abondé par les assurés sociaux, les professionnels de santé avec un pool de réassurance qui s’inspirerait du régime des catastrophes naturelles. Bonne proposition, pour le Sou, à la réserve près qu’elle semble très difficile à mettre en œuvre et que nombre de médecins accepteront difficilement de payer pour le risque des autres.

Un autre rapport a été commandé, en novembre dernier, par Roselyne Bachelot à Gilles Johanet, qui sera disponible fin janvier 2011, « en vue de régler le problème dans les trois mois prochains, cette affaire n’a que trop duré », avait  lâché l’ex-ministre de la Santé.

Solution du Sou médical défendue également par le Syngof (syndicat d’obstétriciens): l’abandon du recours de l’Oniam au-delà des plafonds de garantie fixés à 3 millions d’euros par sinistre et 10 millions par année d’assurance, « la solution la plus simple à mettre en œuvre au niveau des textes ».

Pour lire le rapport :