Les 200 pages ne seront officiellement dévoilées que demain jeudi, date à laquelle Elisabeth Hubert remet son rapport au Président de la République sur l’avenir de la médecine de proximité. Mais son auteur a pris la main sur la communication et divulgué ces derniers jours ses réponses au « malaise » des médecins. Tout en précisant bien que « c’est l’ensemble du rapport, fruit de 90 auditions et de déplacements dans une dizaine de régions, qui a vocation à être déployé, comme une bobine de fil que l’on tire ».

Ses préconisations sur les nouveaux modes de rémunération reçoivent déjà l’aval de Nicolas Sarkozy, qui  les a reprises à son compte et a confirmé hier au Congrès des maires, vouloir « complètement repenser le statut et la rémunération » des médecins. Le rapport Hubert appelle à une réforme en trois niveaux : le maintien du paiement à l’acte pour les actes les plus simples et courants, l’introduction d’un élément de forfait pour la prise en charge des patients en matière de prévention et d’éducation thérapeutique et une nouvelle rémunération des structures, pour mieux prendre en compte (« avec des personnels dédiés ») les temps de coordination et de formation. « Tout cela bouleverse les relations conventionnelles », faisait remarquer lundi soir celle qui est également la présidente de la Fnehad ( Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile) devant les étudiants de Paris Descartes, lors des Rencontres d’Hippocrate, jugeant que « la voie conventionnelle doit perdurer mais voir son champ élargi ».

Le document consacre par ailleurs un large chapitre à la formation. « On est encore beaucoup trop CHU-centrés », déplore Elisabeth Hubert qui appelle de ses vœux la mise en place de stages obligatoires chez un médecin généraliste dans toutes les facultés de médecine et la  valorisation de la fonction de maitre de stage. Si elle n’est pas opposée à l’allongement en quatre ans de la durée de l’internat en médecine générale, elle souligne que cette réforme ne peut être engagée que si la durée du premier cycle des études médicales est réduite de 6 à 5 ans. A l’encontre de nombreux avis,  elle souhaite la régionalisation des examens classants nationaux (ECN), estimant que « le caractère national a montré toutes ses limites ».

L’effort pour améliorer l’attractivité de la profession devra aussi porter sur les systèmes d’information et la télémédecine. « Le DMP doit officiellement être ouvert début décembre, mais aujourd’hui, c’est plus une bibliothèque qu’un outil qui facilite la vie », regrette-t-elle, en souhaitant en premier lieu que soient créées des fiches de synthèse et des messageries sécurisées. Et pourquoi ne pas affecter, selon elle, une partie du Grand emprunt au développement des systèmes d’information en santé ?

Au risque de froisser ses anciens confrères, le Dr Hubert qui, « a constaté beaucoup de réticences »,  plaide pour le développement des coopérations.  Coopérations qui pourraient par exemple se concrétiser dans certains territoires identifiés et selon des cadres donnés, par des prescriptions anticipées. Elle appelle aussi à « lever les fantasmes » sur le DPC (développement professionnel continu) en faisant plus confiance aux professionnels et sur le problème de la responsabilité civile professionnelle, pas si inquiétant que cela, selon elle et à « mettre un peu d’ordre dans la permanence des soins ».

Alors que le chef de l’Etat a dit hier devant les élus locaux son intention d’aller « plus loin » dans le financement des études des futurs médecins qui s’engagent à s’installer dans des déserts médicaux, l’ordonnance d’Elisabeth Hubert sur ce thème reprend certaines idées du rapport Legmann comme la mise en place d’un guichet unique (lire ici). Elle innove avec  la proposition de création d’un taux à prêt 0 et d’un fonds de garantie qui permette à un praticien, au bout de quelques années, de se voir solvabiliser le bien qu’il a investi, « de façon à assurer sa mobilité ».

Outre ces propositions structurelles, qui « ont vocation à donner leur plein effet dans huit à dix ans »,  l’ancienne ministre de la Santé recommande des mesures conjoncturelles. Parmi celles-ci : la création d’une « mission de service public » dans les zones sous-denses, où les médecins remplaçants seraient appelés à donner une part de leur temps et où les médecins volontaires, y compris retraités, pourraient exercer une partie de leur activité.