L’action de Xavier Bertrand au ministère de la Santé commence avec une affaire de santé publique particulièrement complexe.  « Tous ceux » qui ont été traités avec l’antidiabétique oral Mediator – et pas seulement ceux dont le traitement a dépassé trois mois – doivent consulter un médecin, a indiqué aujourd’hui le nouveau ministre de la Santé, allant plus loin que la recommandation donnée ce matin par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).

L ‘Inspection générale des affaires sociales (Igas) devra par ailleurs rendre au gouvernement un rapport d’étape avant le 1er janvier 2011 présentant des recommandations « sur les moyens de développer les études post-AMM (autorisation de mise sur le marché) » afin « d’avoir le repérage le plus précoce possible des complications rares mais sévères » susceptibles d’être observées sous traitement, quel que soit celui-ci, l’objectif étant de pouvoir « déclencher de nouveaux travaux dès qu’il y a des signaux faibles, voire très faibles ». C’est là tout le défi d’une pharmacovigilance moderne, bénéficiant d’importantes capacités de traitement de données complexes.

L’Afssaps a donc confirmé ce matin les résultats d’une étude réalisée à sa demande, cet été, par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) sur le devenir médical de 303 000 patients,  diabétiques et non diabétiques (73 % de femmes d’âge moyen de 53 ans), ayant reçu une spécialité à base de benfluorex, dont l’autorisation de mise sur le marché est suspendue depuis 2009. En extrapolant les résultats obtenus sur la période d’observation, l’Afssaps estime que ce médicament serait à l’origine d’environ 500 décès des suites d’une valvulopathie, depuis sa mise sur le marché en 1976. Toujours selon l’agence, le risque de développer une complication valvulaire apparaît principalement dans les deux premières années d’utilisation, persiste dans les deux années qui suivent l’arrêt du traitement et devient très faible au-delà.

Le Mediator  (chlorhydrate de benfluorex) a été initialement classifié et prescrit en tant qu’hypolipidémiant. Son indication a été validée en 1987 en tant qu’adjuvant dans les régimes adaptés aux personnes avec des hypertriglycéridémies. Puis en 1990, une nouvelle indication en diabétologie  a été validée, celle d’adjuvant au régime adapté pour les personnes diabétiques en surcharge pondérale. En 1998, le laboratoire Servier a sollicité auprès de l’Afssaps une nouvelle indication thérapeutique dans le traitement du diabète de type 2 en première ligne. Cette indication n’avait alors pas été accordée, pour insuffisance de données d’efficacité, notamment par rapport à d’autres traitements antidiabétiques oraux. Le Mediator a également été prescrit à des patients en surcharge pondérale pour ses facultés amaigrissantes, ce qui a donné lieu à plusieurs alertes de l’Afssaps.

« Ces chiffres (500 décès, Ndr) sont des hypothèses fondées sur des extrapolations »,  répond le groupe de recherche Servier, précisant que la prévalence des atteintes valvulaires cardiaques est de 2,5 % en population générale, une prévalence qui augmente avec l’âge, avec les facteurs de risque d’athérosclérose, notamment un diabète de type 2 ou une dyslipidémie. «  La simple constatation d’une valvulopathie chez un diabétique ne permet donc pas d’imputer celle-ci à un traitement médicamenteux, qui reste une cause très rare de valvulopathie, toutes classes thérapeutiques confondues », se défend l’industriel de santé.

Le laboratoire souligne que jusqu’au début 2009, « seul un nombre limité de cas d’anomalies valvulaires cardiaques constatées » avait été signalé et qu’en septembre 2009, une des études qui a confirmé l’existence d’un risque potentiel d’émergence d’anomalies valvulaires a précisément été conduite par le groupe de recherches Servier, en évaluant chez 847 malades, outre l’efficacité diabétique, l’état des valves cardiaques avant et après 12 mois de traitement. Servier conseille les patients traités par Mediator à « en parler à leur médecin traitant à l’occasion de leur prochaine visite de suivi pour rechercher une éventuelle symptomatologie fonctionnelle  compatible avec une valvulopathie ».

Le directeur général de l’Afssaps, Jean Marimbert, a précisé qu’il y aurait envoi d’un courrier émanant de la caisse d’assurance maladie à tous les patients ayant reçu plus de trois mois de traitement entre novembre 2008 et novembre 2009, un rappel personnalisé avant cette date étant impossible car les données personnelles de consommation de médicaments ne sont plus disponibles au-delà de 24 mois. Il estime qu’entre 1,5 et 2 millions de patients ont été exposés au médicament en France depuis 1976.

Les études de l’Afssaps sur le benfluorex ont été réalisées à partir des données de la base Sniiram (système d’information de l’assurance maladie) chaînées à celles du Pmsi  (données d’hospitalisation) et de l’Insee (registre des décès).

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Le rappel de l’Afssaps aux médecins

Les médecins traitants sont appelés à rechercher chez leurs patients qui ont pris du Mediator tout symptôme ou signe évocateur d’une atteinte valvulaire. L’Afssaps rappelle que l’interrogatoire et l’auscultation cardiaque sont un temps essentiel de dépistage d’une valvulopathie et qu’en cas de suspicion, le patient devra être adressé en consultation spécialisée afin que soit éventuellement pratiquée une échocardiographie. En cas d’anomalie valvulaire, c’est au médecin cardiologue de définir la surveillance du patient, qui devra consulter rapidement en cas de survenue ou d’aggravation des signes d’insuffisance valvulaire. Les recommandations les plus récentes considèrent que les valvulopathies (non opérées) ne nécessitent pas d’antibioprophylaxie systématique lors de gestes dentaires médicaux ou de toute procédure invasive.

En savoir plus : http://www.afssaps.fr/Infos-de-securite/Points-d-information/Le-Mediator-R-chlorhydrate-de-benfluorex-Point-d-information