Après la réforme de la retraite, place à la réforme « cinquième risque dépendance ». Le président de la République s’y était engagé en juillet dernier, annonçant qu’il engagerait les consultations sitôt la loi sur les retraites votée. L’un des chantiers prioritaires de la fin de son quinquennat, il l’a confirmé hier soir lors de son intervention télévisée retransmise sur TF1, France 2 et Canal +, sera donc la mise en place avant 2012 d’une nouvelle branche de la sécurité sociale. « Nous prendrons les décisions à l’été 2011 », a indiqué Nicolas Sarkozy.

Le pilote de cette grande réforme n’est autre que Roselyne Bachelot, qui, dans un jeu de chaises musicales,  reprend le dossier jusque-là dévolu à Nora Berra, à qui elle a transmis, sous le contrôle de Xavier Bertrand, le reste du portefeuille de la Santé. Une consultation de 6 mois sera lancée, sous sa responsabilité,  en 2011 avec les partenaires sociaux, les collectivités locales et les associations concernées. L’objectif est fixé : dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2012 figurera « un système qui permettra d’apporter une réponse à l’angoisse de la dépendance ». « Il faut faire un système juste et équitable de façon à ce que, sur tout le territoire, une personne âgée puisse vivre dignement soit chez elle, soit en maison de retraite, quelle que soit sa situation financière », a fait valoir Nicolas Sarkozy, en rappelant que la population de la France connaîtra une augmentation de 13 % d’ici à 2040 et que la tranche des plus de 60 ans aura augmenté de 30 à 50 %.  Le chef de l’Etat a par ailleurs précisé qu’il y avait 250 000 victimes de la maladie d’Alzheimer de plus chaque année.

En novembre 2007, le rapport annuel de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (Cnsa) avait proposé une définition des modalités de construction d’un nouveau champ de protection sociale pour le « cinquième risque ». L’idée, depuis, a été reprise par l’exécutif qui défend la création d’une quatrième branche de la « sécu » en sus de l’assurance maladie, de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, de la branche retraite et de la branche famille. Mais hier soir, Nicolas Sarkozy a choisi de poser les questions plutôt que d’afficher ses solutions : « Faut-il faire un système assurantiel ? Faut-il obliger les gens à s’assurer ? Faut-il augmenter la CSG (Contribution sociale généralisée) ? Faut-il avoir recours sur les successions quand les enfants n’ont pas la volonté ou pas les moyens d’aider leurs parents ? ».

Au congrès de l’Assemblée des Départements de France à Avignon, le 21 octobre dernier, Nora Berra, ex-secrétaire d’Etat aux Ainés, avait mis en avant les lourds enjeux de cette réforme, lors d’une table ronde « Financement de la solidarité : Faut-il passer de l’APA au 5ème risque ? » : « Nous ne devons surtout pas engendrer, pour les personnes dépendantes un système qui comme l’APA à sa création n’était pas solvabilisé sérieusement sur le long terme alors que la prévisibilité démographique existait pourtant. Cette imprévoyance historique coupable a fait peser sur les départements et sur la fiscalité locale l’essentiel des accroissements de charge, elle a induit des difficultés préoccupantes dans les équilibres budgétaires de certaines collectivités mais surtout, au-delà d’une certaine iniquité territoriale globale, elle a engendré en conséquence de profondes iniquités pour les personnes dépendantes elles-mêmes (…) Nous ne devons pas concevoir la prise en charge de la dépendance seulement comme une nouvelle charge sociale inéluctable. Soyons vigilants à ne pas nier la réalité de demain : une population active réduite de 10% ne pourrait pas supporter la charge d’une population dépendante qui aura doublé »

Outre le sujet du financement de l’APA – dont bénéficient actuellement 1,5 million de personnes pour un coût de 5,3 milliards d’euros par an -, d’autres thèmes seront au cœur des débats  : la solvabilisation des Français face au reste à charge, les politiques de prévention, le respect du libre choix qui induit d’adapter certaines politiques publiques (logement, urbanisme, mobilité) à cette réalité démographique. La dépendance  est « une affaire considérable », a souligné le chef de l’Etat.