Le député du Bas-Rhin, Yves Bur, rapporteur de la Commission des affaires sociales, analyse le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (Plfss) pour 2011 alors que la discussion parlementaire commence la semaine prochaine.
 
Egora : Vous avez évoqué devant les ministres de la Santé et du Budget, mercredi, un Plfss de convalescence. Pourquoi ?
Yves Bur : On peut aussi l’appeler Plfss de cicatrisation. Du point de vue financier, la crise a profondément marqué notre système social. Alors que la croissance s’est effondrée, alors que de la richesse a été détruite, notre système social a continué à jouer son rôle. Pas un euro n’a manqué au système de soins. Il faut quand même le souligner parce que cela a effectivement creusé le déficit de l’assurance maladie. Maintenant que nous sortons de cette période grise, il faut continuer à faire ce qui a été fait depuis 2007, c'est-à-dire, s’organiser pour  que chaque euro soit bien dépensé sur ce qui est vraiment utile et de la manière la plus efficiente possible. La constante avant la crise, pendant la crise et après la crise, est de faire en sorte qu’on continue à améliorer l’efficience de notre système de soins.  Et nous continuons à la faire avec le programme récurrent de maîtrise des dépenses, qui année après année, permet de limiter les dépenses naturelles de santé (de l’ordre de 7 milliards d’euros) à un Ondam de 3 % pour 2011, 2,9 % pour 2012 et 2,8 % pour 2013.
Par ailleurs, il faut souligner que nous ne sommes pas dans un système rationné. Je rappelle que nous ajoutons 4 à 5 milliards dans le système de soins, c'est-à-dire qu’il n’y a pas de rationnement. On ne voit que ce qui va mal, on oublie trop souvent ce qu’on rajoute ou ce que l’on maintient. Dans ce programme annuel d’économie, la moitié se fait sur le médicament, il faut le rappeler. Si on n’avait rien fait, aujourd’hui, le déficit serait de 15 milliards.  C’est un déficit structurel. A chaque fois que l’assurance maladie traverse une crise, cela se traduit par une dégradation qui très rapidement devient structurelle. Nous mettrons des années pour revenir à un niveau d’avant crise. Les prévisions du gouvernement montrent bien que malgré les prévisions de trois années en 2012, 2013 et 2014 à + 2,5 % de croissance et + 3,5 %  de masse salariale, on se retrouve avec un déficit de l’ordre de 22-25 milliards d’euros.
« Un sous-financement de notre système de santé »
 
Ce plan d’économies va-t-il assez loin ?
Aujourd’hui, j’ai la conviction que le programme d’économies a été dur à trouver. On a le sentiment que les économies sur les dépenses elles-mêmes deviennent plus ardues à mobiliser. Le gouvernement en a été réduit à augmenter un peu les restes à charge pour les patients. Cela devient de plus en plus difficile. C’est à mon avis un signe aussi. C’est la raison pour laquelle, je le dis depuis des années, nous sommes en face d’un sous financement de notre système de santé. Pour moi, tôt ou tard, il faudra demander aux Français de payer un petit peu plus sur la CSG. C’est la raison pour laquelle je me suis battu dans le débat sur la dette sociale pour ne pas dépouiller l’assurance maladie d’une CSG qui reste pratiquement sa plus forte recette.
 
Roselyne Bachelot a expliqué que l’impact des mesures d’économies sur les complémentaires santé serait « très modéré ». Qu’en pensez-vous ? 
Trop souvent, je considère qu’on ne regarde que ce qui fait augmenter le coût ; certes la taxe sur les contrats responsables complémentaires de 3,5 % ainsi que quelque déremboursements pèseront, mais on oublie que l’on fait des efforts sur le prix des médicaments, ce qui impactera directement ce que devront rembourser les assurances complémentaires. Nous essayons de continuer à encourager notamment à travers le Capi la maîtrise des prescriptions dont bénéficie aussi le système complémentaire. Je rappellerai simplement à chacun que j’avais parlé il y a deux ou trois ans de réserves des assureurs complémentaires qui semblent réelles au-delà de ce qui est exigé pour la solvabilité. Mais il est vrai qu’on ne peut pas demander au système complémentaire à la fois de prendre en charge davantage, d’accompagner notre système de santé notamment dans sa politique de prévention et d’accompagnement thérapeutique et en même temps leur faire porter les taxes.
«  Il faut généraliser le Capi »
 
La ministre de la Santé a manifesté son intention de retirer définitivement de la loi Hpst deux mesures particulièrement décriées par les médecins : le caractère obligatoire du contrat santé solidarité et de la déclaration d’absences. La soutenez-vous ?
Je n’ai jamais cru à ces deux mesures. C’était le minimum du minimum qui pouvait être fait pour donner l’impression que l’on s’occupe de ces questions d’accès aux soins.
 
Vous avez tout de même été l’instigateur de ces amendements, non ?
Non, je n’ai pas été vraiment l’instigateur. Mais j’assume, j’ai voté. En même temps, on ne règlera pas les problèmes de démographie en demandant à des médecins déjà surchargés d’aller travailler ailleurs. Le temps qu’on mette en place les contrats, avant 2015, on n’appliquait rien de toute façon. Concernant la déclaration des vacances, ce que je souhaiterais simplement, c’est que les médecins puissent assurer leurs patients d’une certaine continuité des soins. Le jour où nous aurons le DMP, cela sera sans doute plus facile.  Mais au final, cela ne sert à rien d’agiter un chiffon rouge pour quelque-chose qui ne sera jamais appliqué. Par ailleurs, face au succès du Capi, je considère qu’il faut quasiment le généraliser en l’introduisant dans la convention. Pour autant, ce Capi devra rester exigeant et ne devra pas être vidé de son sens à travers les négociations conventionnelles.
 
Allez-vous présenter des amendements en ce sens ?
Nous allons voir ce que le gouvernement va nous proposer. Mais s’il ne le fait pas, nous ouvrirons le débat.
 
Retrouvez mardi dans Panorama du Médecin l’interview sur ce sujet de Marisol Touraine, députée PS d’Indre-et-Loire