Le vote hier soir tard, d’un amendement gouvernemental au projet de loi organique relatif à la dette sociale, a donné lieu à de belles empoignades y compris dans les rangs de la majorité. Cet amendement permet de prolonger de quatre ans, jusqu’en 2025, la durée de vie de la Cades (caisse d’amortissement de la dette sociale), qui pourra ainsi recevoir 130 milliards d’euros supplémentaires de dette cumulée, dont 62 milliards au titre des déficits de la branche vieillesse qui seront constatés de 2011 à 2018 au cours de la période de montée en puissance de la réforme des retraites. Cette dernière somme doit être prélevée sur le Fonds de réserve pour les retraites, est-il précisé par le gouvernement, dans un texte de présentation du Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2011 adopté hier  au conseil des ministres.  L’allongement de la durée de vie de la Cades nécessitait un véhicule juridique adéquat. Voilà qui est fait.
Mais cette affaire ne s’est pas faite sans mal. Comme le rapporte Le Monde, nombre de députés de tous les bancs sont bien conscients que ce choix ne fait que renvoyer la solution du problème à plus tard. D’autant plus que cet amendement gouvernemental permet de déroger aux principes édictés par la loi organique de 2005, établissant que tout nouveau transfert à la Cades doit s’accompagner de ressources correspondantes afin de ne pas reporter la date d’apurement de la dette. Or, le prochain Plfss ne prévoit que le transfert à la Cades, d’une somme de 3,55 milliards d’euros de recettes supplémentaires dès 2011, provenant de « l’effort global de réduction des niches fiscales et sociales  ». Même s’il pose également le principe de la mobilisation du fonds de réserve des retraites, le compte n’y est vraiment pas.
A la tribune de l’Assemblée, Jean-Luc Warsmann (UMP, Ardennes) a trouvé des accents de tribun pour contester une disposition contraire à l’esprit de la loi organique de 2005, spécifiant la volonté du législateur  de ne plus transférer les dépenses de protection sociale sur les générations futures. « Là, s’est-il emporté, en une loi, on nous demande de lancer 130 milliards d’euros d’emprunt (…) soit 50 milliards d’intérêts (…) sans mettre en face les recettes pour les rembourser. Lancer des emprunts lorsque l’on sait que l’on n’a pas l’argent nécessaire pour les rembourser, cela s’appelle faire de la cavalerie. C’est insensé, ce n’est pas responsable »… Et d’insister sur la somme de 3,35 milliards d’euros qui devrait abonder la Cades : « Ce n’est pas la peine d’avoir de fait de grandes études pour comprendre que, la première année, on va toucher beaucoup, moins la deuxième et de moins en moins ensuite. C’est la seconde cavalerie », et d’insister en affirmant que « jamais » sous la 5ème République, le Parlement n’a été saisi d’une demande de faire de la cavalerie à ce niveau. « J’ai donc le devoir d’appeler chacune et chacun à la réflexion, de vous demander de voter librement, de savoir écarter les amicales pressions (…). » Fort applaudi par la majorité et une partie de la gauche, le député n’a pas su convaincre son camp, rappelé au bercail sèchement par Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l’Assemblée. L’amendement a été adopté.
S’exprimant ce matin sur RTL, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer, a déploré « à titre personnel », l’allongement de la durée de vie de la Cades, tandis que se vote la réforme des retraites et que le gouvernement déclare vouloir réduire les déficits.  Regrettant que « depuis 15 ans » (date de création de la Cades, en 1996. Ndlr), « on ne cesse de rallonger la durée de la vie de la Cades, et donc de renvoyer sur les générations futures les dépenses d’aujourd’hui », Christian Noyer a rappelé l’idée qui avait prévalu lors de la création de cette caisse : faire en sorte que ceux qui ont creusé les déficits soient contraints, « immédiatement, dans les années suivantes, de payer la facture avec un prélèvement supplémentaire ».
Le vote sur l’ensemble du projet de loi organique aura lieu le 19 octobre prochain.