Après les leaders de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), de MG-France et d’Union généraliste, Egora tend le micro à Christian Jeambrun, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). A la veille du dernier jour des élections, il délivre son message : celui d’un médecin qui ne veut pas oublier que son métier est fait « de bonheur et d’honneur ».
 
Egora.fr : Comment vous avez vécu cette campagne et quels en sont les moments forts ?
Christian Jeambrun : Le SML est en campagne depuis septembre 2009. Nous avons décidé de ne pas nous arrêter à la simple proposition de revalorisation tarifaire mais d’essayer de devenir un véritable syndicat de proximité et d’aller prendre le pouls sur le terrain. Nous nous inspirons pour cela du modèle de syndicalisme scandinave, orienté sur le service. Dans un premier temps, nous avons donc fait le tour de France, à la recherche d’infos. Nous sommes allés voir les gens syndiqués ou pas, ce qui nous a semblé important quand on sait qu’il y a eu 55 % d’abstention aux dernières élections. Personnellement depuis la mi-avril, j’en suis à 105 soirées. Derrière, il y a avait également toute une troupe qui tournait et qui en a fait au moins tout autant.  Nous sommes allés informer les médecins sur la loi Hpst (Hôpital, patients, santé et territoires).
De janvier à mars avril – la deuxième période- nous sommes entrés plus profondément en réflexion, en présentant de nombreux projets : les femmes médecins, la chirurgie…etc. Nous avons bien compris qu’il fallait aller parler aux médecins de leurs problèmes liés à la retraite et aux possibilités de prolongation du travail dans une retraite active. Oui, nous voulons bien rester sur le terrain cinq ans de plus mais  pas à n’importe quel prix. D’où le gros panier de propositions et de revendications sur la retraite active que nous allons présenter à la ministre de la Santé.
Pour la dernière phase de la campagne électorale, nous avons choisi de délivrer des informations très ciblées. Nous avons donc organisé beaucoup de soirées sur l’union MEP, les médecines à exercice particulier, puis sur les plateaux techniques lourds. On s’est aperçu qu’il y avait une désinformation totale organisée par un pseudo-syndicat, Le Bloc. Il n’a jamais rien obtenu pour eux, se réveille une fois tous les cinq ans et n’a pas de programme. En face, nous avons, nous, une force de proposition, et un syndicat pluri catégoriel qui défend le médecin libéral.  Je continue à penser que c’est la force qui fait bouger les lignes et que ce n’est pas en saucissonnant les spécialités en sous-collèges que nous arriverons à quelque-chose.
 
C’est donc véritablement votre force d’être un syndicat poly catégoriel ? Pourquoi ?
On a tous fait médecine, on a été sur les mêmes bancs de la faculté. Après, certains partaient faire de la radio, d’autres de la rhumato, d’autres de la médecine générale mais il n’y a pas de catégories plus ou moins valorisantes les unes que les autres. Au SML, nous sommes pour le médecin libéral. C’est ce qui a prévalu dans toutes nos réunions. A contrario, le Bloc a quand même fait une campagne uniquement orientée sur la chirurgie. Les anesthésistes et les obstétriciens étant quasi inexistants.  Vous imaginez le corporatisme de ces gens là !  Alors que dans les PTL (Plateaux techniques lourds), il y a tout le monde ! Plus de 20% du collège est représenté par les ophtalmos, 14 % par les ORL, 22 % par les anesthésistes. Si les chiffres nous donnent raison lors de ces élections, cela prouvera qu’il y a une page du syndicalisme qui est tournée.
 
Que voulez-vous dire ?
Le syndicalisme corporatiste à la Papa, c’est terminé. On demande autre chose à un syndicat. On lui demande du service, des projets d’avenir, de la perspective, de la formation continue. Il ne faut pas oublier que nous sommes les premiers formateurs en FPC en France, toutes spécialités confondues. Si les gens se sont un peu désintéressés des syndicats et des combats, c’est parce que nous ne les faisions plus rêver.
Le médecin que je rencontre a besoin qu’on lui dise qu’il exerce un métier fait de respect, d’honneur et de bonheur. Les médecins sont quand même assez fiers de ce qu’ils font et heureux de rendre service à leur patientèle. On est attachés à notre patientèle. Depuis des années, cela avait disparu. On était dans la défense du C à 23 euros, du CS puis dans cinq ans, du C à 24 euros …  On nous a tellement tapés dessus. Les médecins libéraux depuis des années ont montré leur efficience. En clinique privée, par exemple, si l’on en juge par les résultats obtenus sur le plan économique et financier avec une chirurgie de qualité, on devrait mettre ces gens là en haut de l’affiche. Eh bien non, on continue à leur taper dessus et on repousse la convergence tarifaire en 2018. On a voulu vraisemblablement dégrader cette image là.  Il faut au contraire donner la parole à ces médecins, de façon à ce qu’ils montrent qu’ils sont heureux de faire ce travail là,  qu’ils sont très solidaires entre eux, médecins libéraux.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur des projets que nous dévoilerons fin novembre. La bataille sur le plan de l’organisation des soins n’est pas perdue, cela va se jouer dans les régions. La page est tournée sur le plan de la loi, il faut maintenant assumer et aller régionalement défendre la position du médecin libéral auprès des gens des ARS.
 
Si vous pouviez résumer trois raisons pour lesquelles vous inciteriez les médecins à voter SML, lesquelles seraient-elles ?
Honneur et bonheur d’être médecins, solidarité parce que c’est LE médecin libéral que l’on défend et pas l’un plutôt que l’autre, et responsabilité parce que nous avons décidé de prendre à bras le corps la loi Hpst, de ne pas être campés sur nos anciennes positions et de dire : « Puisque les règles du jeu ont changé, on va les apprendre et jouer le jeu comme il faut ». Cela doit jouer comme un collectif les médecins libéraux. Je suis d’une terre de rugby et je sais bien que c’est le collectif qui paye le plus. C’est ce que nous essayons de jouer.
 
Vous souhaitez aussi mettre l’accent sur les spécialités cliniques…
Pour nous, c’est la catégorie de médecins qui a le plus souffert du parcours de soins et qui est sacrifiée par la loi Hpst. Dans le programme de Legmann (mission confiée au Dr Michel Legmann « vers un nouveau modèle de la médecine libérale » http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/104000184/0000.pdf)  il n’y a pas non plus une ligne sur les spécialités cliniques, l’idée étant que le médecin généraliste de premier recours  est le trieur de soins et que les spécialités cliniques vont à l’hôpital ou disparaissent dans la nature, dans le secteur 3 ou autres. Il y a un médecin sur deux qui est un spécialiste, les patients y sont attachés et il y a de la place pour eux en libéral.
 
A la table des futures négociations conventionnelles, quelle doit être pour vous la priorité ?
La priorité pour moi, ce n’est pas un dossier en particulier. Je souhaiterais réellement des négociations. C'est-à-dire que soient réellement créés des groupes de travail en dehors des journées de négociations, qui réunissent les équipes de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et les médecins. Que les équipes de Frédéric Van Roekeghem (directeur de la Cnam) écoutent nos projets, les valorisent et n’arrivent pas avec un programme tout écrit à signer en bas. La priorité, c’est un changement de mode de négociations.
 
Vous organisez jeudi une conférence de presse commune avec la Csmf sur l’avenir libéral de la médecine. Est-ce le début d’une véritable alliance et quelles peuvent en être les modalités ?
Il n’y a pas d’alliance avec la Csmf, puisque c’est un conglomérat de syndicats et que nous sommes un syndicat pluri catégoriel, donc il n’y a pas d’alliance possible. Nous simplement, nous sommes un syndicat très modernisé et porteur de projets. C’est donc avec un grand plaisir que nous avons porté ce projet ensemble, face au mépris de la commission Legmann. Nous avons décidé de faire une vraie commission, un grand travail a été fait et c’est avec un grand plaisir que je présenterai ces résultats. S’il y a d’autres sujets à traiter avec la Csmf, nous le ferons avec plaisir.
 
Demain : Le Bloc
 
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