Les accusations sont particulièrement accablantes à l´encontre de l´OMS (Organisation mondiale de la santé), accusée « d´alimenter la théorie du complot ». Dans une enquête publiée vendredi dans le British Medical Journal, sur sa gestion de la pandémie grippale, les journalistes Deborah Cohen et Philip Carter pointent les liens d´intérêt de nombreux experts de l´institution internationale avec les firmes pharmaceutiques Roche et GlaxoSmithKline, impliquées dans la fabrication des médicaments ou des vaccins contre les virus grippaux.

Ainsi, le groupe de travail scientifique européen sur la grippe (Eswi) avec lequel collaboraient quatre experts qui rédigeaient leurs recommandations, « est entièrement financé par Roche et les autres fabricants de vaccins », révèle le journal britannique. Quant aux experts, certains comme René Snacken et Daniel Lavanchy « avaient participé à des événements financés par Roche l´année précédente », d´autres avaient participé à l´élaboration de documents stratégiques de l´OMS sur une pandémie grippale et à la publication d´articles à l´appui de l´intérêt des médicaments antiviraux (Tamiflu de Roche et Relenza de GlaxoSmithKline), tout en étant rétribués par des industriels du médicament. L´enquête souligne qu´aucune déclaration d´intérêt n´a été publiée. Réponse du porte-parole de l´OMS, Gregory Hartl interrogé par Le Monde : « Chaque fois qu´elle réunit des experts, l´OMS leur fait remplir une déclaration d´intérêts, qui est soumise à l´appréciation du président du comité d´experts, mais elle ne les publie pas car elles contiennent beaucoup d´informations d´ordre privé ». Le BMJ souligne au terme de son enquête que « l´OMS doit maintenant agir pour rétablir sa crédibilité et l´Europe devrait légiférer », en révélant notamment le nom des experts de son comité d´urgence et leurs éventuels conflits d´intérêts.

Un rapport du député britannique socialiste, Paul Flynn, adopté au Conseil de l´Europe vendredi, déplore par ailleurs un « grave manque de transparence » de la part de l´OMS, accusée d´avoir surestimé la gravité de la pandémie et ainsi « dilapidé une partie de la confiance que le public européen a dans ces organisations hautement réputées ». Il ajoute que « les informations communiquées par plusieurs pays européens indiquent que les gouvernements nationaux ont subi des pressions pour accélérer la conclusion de contrats majeurs »

Dès janvier dernier, Wolfang Wodarg, médecin allemande et ancien député social-démocrate, auditionné par la commission santé de l´Assemblée parlementaire du Conseil de l´Europe avait défendu la thèse selon laquelle l´OMS aurait été victime du lobbying de laboratoires.

Un an après le lancement de l´alerte internationale de santé publique par l´OMS après la survenue de cas de grippe A au Mexique et aux Etats-Unis, la banque JP Morgan estime que les ventes des vaccins antipandémiques ont rapporté entre 7 et 10 milliards de dollars (5,8 à 8,3 milliards d´euros) aux laboratoires.

En France, selon les derniers chiffres annoncés par la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, la campagne de vaccination a coûté à l´Etat entre 490 et 510 millions d´euros.