La qualité et l´efficience des prises en charge des patients chroniques seraient supérieurs si les infirmiers assuraient le suivi et l´adaptation des traitements médicamenteux : c´est le postulat de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), qui développe son point de vue dans un document baptisé "Refondation de la médecine de ville : mais qu´attend-on ?" (1).

Rappelant que la profession d´infirmier libéral est en pleine croissance puisque ses membres sont passés de 41 000 en 1991 à plus de 70 000 en 2009, la FNI appelle à une meilleure utilisation du savoir-faire des infirmiers dans un contexte de désertification médicale qui s´aggrave. « Des outils simples de partage d´informations peuvent permettre de généraliser très rapidement et pour bon nombre de pathologies chroniques un suivi partagé entre médecins et infirmiers », affirme-t-elle, « comme c´est déjà le cas chez les patients diabétiques en ce qui concerne l´adaptation des doses d´insuline ». Et ce, sans bouleversement réglementaire ni législatif.

Présidée par Philippe Tisserand, l´organisation syndicale prend ainsi l´exemple du suivi des patients traités par anticoagulants. Et ce n´est pas un hasard : « la récente polémique engendrée par des pratiques révélées et consistant à faire appel aux secrétaires médicales pour assurer – par téléphone ! – l´adaptation des doses d´AVK en fonction des résultats d´INR met en lumière la difficulté des généralistes à prendre sur leur temps cette activité de consultant téléphonique », relève-t-elle. La FNI propose donc un projet pilote de suivi protocolisé des patients sous AVK par les infirmiers libéraux, « dans l´objectif de réduire significativement les risques liés à la iatrogénie ». Une délégation possible dès aujourd´hui, à législation constante, sous trois conditions, explique le syndicat : l´établissement par le médecin d´un protocole d´adaptation du traitement, l´inscription de l´acte dans la nomenclature des actes infirmiers, et une circulation fluide d´information grâce à des outils technologiques adaptés. Parmi lesquels un dossier médical personnel (DMP) national « qui s´affranchisse des cloisons ville-hôpital » et comportant un dossier des soins infirmiers.

Réitérant son opposition à la création systématique de maisons de santé pluridisciplinaires, « gérées comme des entreprises par des médecins ou des acteurs économiques employant des paramédicaux », la FNI se veut insistante : « il n´est nul besoin de construire des murs et de désorganiser le système ambulatoire » pour mettre en œuvre la télésanté et le partage de compétences.

Et elle compte bien se faire entendre des pouvoirs publics : dans une lettre ouverte adressée le 8 mars dernier à Nicolas Sarkozy, elle demande la mise en place d´ « Assises pour une organisation rénovée du système de santé de ville », à laquelle elle propose d´associer « ses partenaires médecins de ville et pharmaciens d´officine ». Une façon de rebondir sur les propos du chef de l´Etat, qui avait déclaré le 13 janvier à Perpignan : « Il faut accepter l´idée que les soins de premiers recours sont dispensés majoritairement mais pas exclusivement par les médecins généralistes. Les pharmaciens d´officine, les infirmières libérales sont une composante de l´offre de soins de premier recours. Les médecins généralistes ont intérêt à partager le premier recours avec ces autres professions et à se recentrer sur des consultations de cas plus difficiles. »

(1) Le « position paper » de la FNI :