Qui doit payer la santé ? L´assurance maladie, les patients, l´Etat, les mutuelles ? Telle a été en substance, la question complexe à laquelle se sont employés à répondre ce matin, les nombreux intervenants invités du Pr Claude Le Pen et de Christine Roullière-Le-Lidec, tous deux économistes de la santé et animateurs de l´association Dessein* à l´Université Paris Dauphine. Les trois tables rondes de la matinée ont surtout été l´occasion, pour les intervenants, d´insister sur la nécessité de maîtriser les dépenses et de trouver des solutions pour combler le déficit toujours plus grand de la Sécurité sociale.

Faut-il augmenter les prélèvements obligatoires ?

A ce jour, les besoins de trésorerie de la Sécurité sociale dépassent les 30 milliards d´euros. De plus « la crise a détruit de la richesse et notre économie va mettre du temps à retrouver son niveau », a soutenu le député UMP du Bas-Rhin, Yves Bur en précisant que le financement social va rester impacté alors même que les perspectives de croissance pour les années à venir ne sont pas au beau fixe. La solution ? La hausse des prélèvements obligatoires, notamment de la Contribution sociale généralisée (CSG) et de la Contribution au remboursement de la dette sociale (Crds). Mais pour Gilles Johanet, conseil maître à la Cour des comptes, et ancien directeur de la Cnam, « on ne peut pas faire de nouveaux prélèvements sans démontrer qu´on est motivé à passer à une économie de la performance ». Il paraît également difficile pour le député du Bas- Rhin de faire peser cette hausse des prélèvements sur les ménages en période de crise. Le député a toutefois insisté sur la nécessité « d´amplifier la maîtrise médicalisée » et sur les bienfaits du Contrat individuel d´amélioration des pratiques (Capi). Selon lui, les professionnels de santé et plus particulièrement les médecins, doivent faire davantage attention aux montants de leurs prescriptions.

Une prise en charge collective plébiscitée

Jusqu´où les ménages peuvent-ils payer ? Tel a été l´objet de la deuxième table ronde. Thomas Fatome, adjoint au directeur à la direction de la sécurité sociale (ministère de la Santé), estime que l´assurance maladie est loin de se désengager de la prise en charge médicale. Et la dynamique actuelle n´est pas à mettre au compte « du vieillissement, du progrès technique ou de la prise en charge à 100 % » mais à celui de « l´intensité de l´accès aux soins et du dépistage ». Il évoque d´ailleurs le volume de consommation de soins des diabétiques, en augmentation de 5 % par an ; cette augmentation étant de 13 % par an pour les personnes atteintes de cancers. « L´enjeu est la dynamique des dépenses de santé », indique Thomas Fatome en soulignant qu´en France, il existe un attachement fort à un financement collectif du système. Selon lui, il revient aux politiques de décider du niveau de la prise de participation des assurés. Cependant, « il faut rester dans une logique d´équité et de justice notamment avec le reste à charge (RAC) qui doit être soutenu pour les personnes précaires ». Gérard Raymond, président de l´association française des diabétiques et administrateur du Collectif inter associatif sur la santé (Ciss), maintient, quant à lui, que le RAC est une variable d´ajustement des comptes de l´assurance maladie qui avait pour objectif de responsabiliser l´usager. Mais en réalité, « le RAC limite l´accès aux soins et culpabilise les personnes malades qui sont parfois amenées à renoncer à leurs soins ». « Plus un système de santé est individualiste, plus il est inégalitaire et coûteux », a-t-il soutenu avant d´ajouter que « la solution est à trouver dans l´augmentation des recettes et non pas dans la culpabilisation des patients ».

Quels rôles pour les complémentaires ?

Pour clore ces rencontres, les intervenants se sont demandé si le rôle des complémentaires santé devait évoluer. Pour Alain Rouché, directeur santé de la Fédération française des sociétés d´assurances, la vraie question est de savoir quelle peut être la contribution des complémentaires à la maîtrise des dépenses. Son constat : aujourd´hui, le niveau de prise en charge des complémentaires santé est relativement élevé et certains assurés choisissent de réduire la gamme de leur contrat. Selon lui, il faut donner un nouveau rôle aux complémentaires et « essayer d´utiliser leur valeur ajoutée dans certains domaines », notamment leur capacité à mettre en place des réseaux avec, entre autres, des opticiens et des dentistes. Il est également indispensable, selon Alain Rouché, d´améliorer la coopération entre les assurances complémentaires et l´assurance maladie.

*´Association Dessein (Dauphine Economie, Santé Social Entente et Idées nouvelles). Rencontres en partenariat avec Panorama du médecin, Glaxo Smith Kline, Bristol Myers Squibb, Pfizer et le Collège des économistes de la santé, la Fédération hospitalière de France, le Laboratoire d´économie et de gestion des organisations de santé, Paris Dauphine.

Prochaine rencontre, le 9 juin, sur le thème : « Quelle feuille de route pour les ARS après leur installation ? »