L’année qui se termine restera sans aucun doute celle de la loi Hôpital, patients, santé, territoire (Hpst), autrement nommée Loi Bachelot. Cette loi gigantesque, dont les premiers décrets d’application commencent à sortir au journal officiel, promet de changer le quotidien des médecins libéraux d’une manière assez radicale. Une nouvelle convention – souhaitée par la Csmf qui a dénoncé la convention 2005 – devra l’an prochain mettre en musique les innovations de cette réforme (voir plus loin).

ARS : déconcentration toutes. Le gouvernement a décidé de simplifier l’organisation sanitaire en région en donnant tout pouvoir aux agences régionales de santé (ARS) qui assumeront sur le terrain les missions initialement dévolues à l’Etat et à l’assurance maladie. Pilotées par des directeurs nommés par le gouvernement, les futures ARS sont en train de sortir des cartons sous l’impulsion de « préfigurateurs » qui ne seront « pas forcément » les futurs directeurs, a confié Roselyne Bachelot. Leur mission : faire marcher tout le monde d’un même pas pour que l’agence soit opérationnelle à la fin du premier semestre 2010. Ce qui semble une sacrée gageure. Il faudra en effet avoir le sens du rythme car ces ARS auront la tutelle sur l’hôpital, la médecine ambulatoire et le secteur médico-social, et seront responsables de la prévention, la santé publique, la sécurité et la certification, la formation dans le cadre du DPC (développement professionnel continu), la permanence des soins (PDS), l’organisation de l’offre de soins par le biais de Sros (schéma régional d’organisation sanitaire), pour l’hôpital mais aussi pour la médecine ambulatoire, non opposable pour l’instant. Les ARS auront également la haute main sur la gestion du risque concernant ces trois secteurs.

Les médecins apprendront vite à composer avec les ARS, puisqu’en matière ambulatoire, ces agences superpuissantes seront partout : pour les installations, pour la PDS (déclarations d’absences à l’Ordre, qui informe l’ARS), pour le DPC (les ARS peuvent lancer des appels d’offre et financer des actions régionales). Les ARS pourront également conclure des contrats individuels avec les praticiens ou des accords collectifs, qui devront être conformes à des contrats-types négociés nationalement.

Enfin, en matière de sanctions – passablement renforcées dans la loi Hpst – l’Ordre ou la Cpam (intégrée dans l’ARS) pourront indifféremment porter plainte contre un médecin pour refus de soins (avec inversion de la charge de la preuve au bénéfice du patient) ou dépassements excessifs ou encore défaut d’information préalable. Dans le chapitre des sanctions, il convient d’ajouter les pénalités qui frapperont, sur décision du directeur de la Cpam, les praticiens qui ne télétransmettent pas ou restent en deçà d’un certain volume…
La loi consacre également tout un chapitre à l’amélioration de l’accès aux soins. Le texte définit la médecine générale de premier recours : prévention, dépistage, diagnostic, traitement et suivi des malades, éducation pour la santé, orientation des patients, coordination, synthèse, prévention et dépistage, permanence des soins, accueil et formation des stagiaires de 2ème et 3ème cycle.

Pour la Csmf, cette définition de la médecine de premier recours qui oublie les spécialités cliniques, pourrait préfigurer une filière de soins à l’anglaise, où seraient relégués les spécialistes, en deuxième intention.

En matière de démographie médicale, la loi Bachelot prévoit que trois ans après la mise en place du Sros ambulatoire, si le rééquilibrage démographique noté par l’ARS n’est pas opérationnel, les médecins exerçant en zones sur-dotées démographiquement, seront tenus d’exercer des vacations dans les zones sous-dotées. Le refus d’assumer ce « contrat-solidarité » sera sanctionné par une amende de 3 000 euros.
Par ailleurs, les étudiants en médecine pourront signer un contrat d’engagement de service public où, en contrepartie d’une allocation, ils s’engagent à exercer leur fonction libérale ou salariée en zone sous-dotée (la durée ne peut être inférieure à deux ans). Ils devront exercer en tarifs opposables.

Outre qu’elle encourage le regroupement des médecins dans des maisons médicales pour lutter contre la désertification, la loi Bachelot instaure également une coopération entre professionnels de santé (protocole soumis à la Haute autorité de santé).

La loi redéfinit la formation médicale continue et l’Evaluation des pratiques professionnelles, désormais fondues dans le DPC (développement professionnel continu). Les règles de la représentativité syndicale sont modifiées : elles prendront notamment en compte les résultats aux élections aux unions régionales des professions de santé (urps), où les médecins devront se présenter en trois collèges (généralistes, spécialistes et spécialistes à plateaux technique).

La réforme instaure officiellement le principe de l’accompagnement thérapeutique du patient, légalise la télémédecine, réglemente les actes à visée esthétique. Elle donne une meilleure assise à l’hospitalisation à domicile, impose la coordination entre la ville et l’hôpital,
Enfin, la loi Hpst met en œuvre le principe de l’hôpital-entreprise en modifiant la gouvernance des établissements publics de santé. Le directeur a des pouvoirs accrus et il peut s’appuyer sur un directoire. La commission médicale d’établissement et le chef de pôle médical prennent également du galon.