L’an passé, à ce même congrès de l’ERS (European Respiratory Society), les spécialistes des maladies respiratoires appelaient à une forte mobilisation contre la BPCO, fléau qui selon l’Organisation mondiale de la santé toucherait d’ores et déjà 600 millions de personnes à travers le monde et dont la progression rapide, parallèle à celle du tabagisme dans les pays en développement, en ferait à l’horizon 2020 la 3e cause de mortalité (contre la 6e actuellement) et la cinquième cause de handicap. %%
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Le Pr Bart Celli (Boston ; Etats-Unis), l’un des meilleurs experts au monde de la BPCO, a rappelé quelques données qui permettent de bien comprendre les enjeux de cette nécessaire mobilisation :
· En 20 ans, la mortalité par BPCO chez les femmes aura progressé de 185% quand, dans le même temps, celle des hommes a progressé de 13% ; si bien que les femmes sont désormais presque autant touchées par la BPCO que les hommes. Un responsable de cette évolution : le tabagisme féminin, en forte progression partout dans le monde.
· Aux Etats-Unis, la BPCO représente annuellement un coût de 30 milliards de dollars, en constante progression et représentant plus de deux fois les coûts de l’asthme.
· Une étude récemment publiée dans Chest montre qui si la très grande majorité des patients ayant eu un diagnostic d’insuffisance cardiaque ont bénéficié d’une échocardiographie, examen de référence pour cette pathologie, très peu de patients avec une BPCO ont bénéficié d’une spirométrie !
· Aux Etats-Unis où l’âge moyen d’initiation au tabac est de 12 ans, l’incidence de la BPCO aura augmenté de 45% chez les 25-44 ans au cours des 30 dernières années.
· L’étude NHANES III a permis de montrer l’évolution de l’incidence de l’HTA en fonction de l’âge au sein d’une population de plus de 30 000 Américains ; en en reprenant les données, on constate que l’incidence de la BPCO suit une courbe très similaire à celle de l’HTA mais si la plupart des patients interrogées ayant une HTA le savaient, ceux qui ont une BPCO majoritairement l’ignoraient.
Sous diagnostiquée, sous-traitée, encore insuffisamment connue du public, la BPCO doit changer d’image tant sa prise en charge précoce et bien sûr sa prévention, s’imposent devant un pronostic sévère ; Bart Celli rappelle ainsi que « si les exacerbations constituent un sérieux handicap en termes de qualité de vie, elles menacent aussi le pronostic vital, 44% des patients ayant été hospitalisés pour un tel motif décédant dans l’année qui suit ». %%
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Toux, expectoration, dyspnée constituent la triade symptomatique qui va altérer la qualité de vie des patients ; le handicap va aller croissant, limitant d’abord les exercices soutenus puis des exercices plus modérés comme la montée d’escaliers et enfin, les petits gestes de la vie quotidienne. Ainsi, l’essoufflement est un handicap majeur pour près de 40% des patients : pour 19%, il apparaît à la parole, pour 11% il est présent même au repos, pour 8% sa sévérité est telle que l’éloignement du domicile devient impossible. Mais avant d’arriver à une telle sévérité de dyspnée, l’aggravation de la maladie se fait à très bas bruit si bien que le patient va longtemps s’en accommoder, adaptant progressivement ses habitudes de vie à une fonction respiratoire qui s’affaiblit lentement.
La BPCO est désormais considérée comme une maladie complexe, non seulement locale mais aussi générale. Localement, elle associe une inflammation bronchique induisant une destruction progressive de l’épithélium muco-ciliaire et une hypersécrétion de mucus, responsables d’une obstruction bronchique, favorisant les infections ; la distension pulmonaire est aussi au premier plan, s’installant progressivement et dont l’importance est étroitement corrélée au degré de dyspnée.
C’est l’inflammation systémique qui fait de la BPCO une maladie générale ayant un impact sur le cœur et les vaisseaux, sur l’os et sur les muscles.
L’étude COSMIC menée en 2004 aux Pays-Bas a montré que parmi les patients BPCO :
· 11% avaient une CRP < 1 mg/l,
· 29% avaient un taux compris entre 1 et 3 mg/l ;
· 41% un taux entre 3 et 10 mg/l ;
· Et 19% avaient une CRP à plus de 10.
Le Pr Peter Jeffery (Londres ; UK) rappelle que les cellules inflammatoires (en particulier les CD8+ cytotoxiques et les macrophages CD68+), très nombreuses dans la paroi bronchique mais aussi dans le mucus des patients BPCO, provoquent la libération dans la circulation générale de nombreuses cytokines, comme le TNF-alpha ou l’interféron-gamma, qui favorisent la cachexie et la fonte musculaire ainsi que l’ostéoporose et augmentent le risque cardiovasculaire.%%
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L’inflammation systémique agit sur le muscle (fonte musculaire) mais aussi sur l’os : « quand le VEMS est inférieur à 50% de sa valeur théorique, 48% des patients sont ostéopéniques et 41% sont ostéoporotiques » souligne le Pr Emiel Wouters (Maastricht, Pays-Bas). Et le risque cardiovasculaire des patients avec BPCO est augmenté de 75% par rapport à celui de personnes comparables mais sans BPCO (étude de Sin et al. publiée cette année dans Chest).
Depuis 2003, l’association fixe d’un bronchodilatateur et d’un corticoïde inhalé est indiquée dans le traitement symptomatique de la BPCO sévère (VEMS < 50% de la valeur théorique) chez les patients présentant des antécédents d’exacerbations répétées et des symptômes significatifs malgré un traitement bronchodilatateur continu. Ce traitement a été largement évalué, non seulement en fonction des symptômes cliniques de la maladie mais aussi de l’évolution des paramètres inflammatoires. Ainsi, la bithérapie a un impact majeur sur le nombre d’exacerbations chez des patients présentant une BPCO modérée à sévère. Le Pr Claus Vogelmeier (Marburg ; Allemagne) a montré que la réduction du risque d’exacerbations sous traitement combiné est de 42%, ce qui peut bien évidemment se traduire aussi en termes économiques par les journées d’hospitalisation évitées, lesquelles représentent pas moins de 84% des coûts médicaux directs induits par les patients BPCO !%%
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D’après un symposium organisé lors du congrès annuel de l’European Respiratory Society 2005, le 19 septembre 2005 (Copenhague), avec la participation des Prs Bart Celli (Boston ; USA), Emiel Wouters (Maastricht ; Pay-Bas), Peter Jeffery (Londres ; UK) et Claus Vogelmeier (Marburg ; Allemagne)