Proposer aux patients de laisser un avis sur leur consultation, et aux professionnels de santé d’améliorer leur visibilité sur Internet. C’est le principe d’un nouveau site, basé sur l’adhésion volontaire des praticiens. Mais qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes…

 

“Un jour, j’ai eu des maux de dents un peu particuliers. J’avais déjà consulté plusieurs dentistes, et ça n’allait pas mieux. Mon réflexe a été de chercher sur internet des conseils de patients me conseillant un professionnel. Je n’en ai pas trouvé, je me suis dit qu’il y avait un vrai manque”, se souvient François-Xavier Vannini.

L’entrepreneur, passé par une école de commerce et l’industrie packaging, avait dans la tête l’envie de monter sa société. Cette expérience personnelle a été le déclic. Il aura fallu trois ans de réflexion avant de créer Quiconnaîtunbon.com, qui a vu le jour en début d’année 2015. D’autres sites de notation de médecins par les patients existent déjà et n’ont jamais vraiment marché en France, mais celui-là revendique une particularité : ce sont les professionnels de santé qui font la démarche de s’inscrire. “De gros sites mettent en ligne des bases de données de médecins, et les patients commentent. Nous, on ne voulait pas les juger, pointer du doigt celui-ci ou celui-là”, assure le jeune entrepreneur.

 

“Je trouve que c’est une bonne idée que les patients puissent donner leurs avis”

Près de cinq mois après sa naissance, le site compte une cinquantaine de professionnels de santé. Pour le moment, pas de médecins. On y trouve des dentistes, des kinésithérapeutes, des ostéopathes et des podologues uniquement, pour la plupart sur Paris. “Puisqu’on n’inscrit personne d’office, c’est un peu long. Il faut démarcher les professionnels, leur expliquer le fonctionnement”, assure François-Xavier Vannini.

Pierre de Fourmestraux est l’un d’eux. Masseur-kinésithérapeute dans le 11ème arrondissement de Paris, il a été rapidement séduit par la démarche. “Le fondateur est venu me voir au cabinet, et m’a expliqué le principe. Je trouve que c’est une bonne idée que les patients puissent donner leurs avis, bons ou moins bons d’ailleurs, note Pierre de Fourmestraux. C’est un service que l’on rend au patient, comme le paiement par carte bancaire. Internet, c’est l’avenir. Dans quelques années, tous nos patients auront un mobile avec internet et s’en serviront pour trouver un docteur.”

Concrètement, le médecin acceptant de figurer sur le site doit remplir un profil sur lequel il peut poster des photos du cabinet, des détails sur sa formation, son tarif et son mode d’exercice. Le patient qui consulte sa fiche peut prendre rendez-vous via les coordonnées directes du praticien ou via le site Doctolib. Ce renvoi vers le site de prise de rendez-vous en ligne est d’ailleurs, pour le moment, l’unique source de rémunération de la société. “Le site est gratuit pour le patient et pour le praticien. Nous avons une éthique, nous voulons faire quelque chose de constructif, en partenariat avec les professionnels de santé”, explique le créateur.

 

Avis bidons ?

A l’issue de la consultation, le professionnel remet à son patient un code d’accès unique qui lui permet de laisser un commentaire sur le site. “C’est la preuve que le patient est vraiment allé voir le praticien sur lequel il laisse un avis”, explique le créateur du site. Une fois le code saisi, le commentaire est marqué d’un symbole “Avis vérifié”. Seul hic, il n’est pas obligatoire de rentrer le code pour laisser un commentaire. Ce qui laisse place à d’éventuels avis bidons. “On démarre tout juste, on ne peut pas se permettre pour le moment de supprimer des commentaires laissés sans le code. Mais à terme, nous n’aurons que des avis vérifiés”, assure François-Xavier Vannini. “Et franchement, on a autre chose à faire que de jouer aux règlements de compte. Je fais confiance aux gens”, glisse pour sa part le kiné, Pierre de Fourmestraux.

Les avis sont rendus publics après validation par un modérateur, qui s’assure de l’absence d’insulte, de diffamation ou de tout ce qui irait à l’encontre de la norme sur la modération de commentaires en ligne. “Le médecin n’a pas de droit de regard sur le commentaire. Par contre, il peut y répondre et le message sera accolé à l’avis laissé par le patient”, explique François-Xavier Vannini qui tient à préciser que les avis ne concernent que l’accueil réservé au patient, et ne peuvent pas porter pas sur la nature des soins ou du diagnostic.

Pour le moment, autour de 70% des praticiens contactés par le créateur du site ont répondu favorablement. Une petite minorité a décliné. “Soit parce qu’ils n’ont pas besoin de visibilité sur internet, parce qu’ils ont déjà assez de patients, soit parce qu’ils ne sont pas à l’aise avec le fait d’être notés par leurs patients, ce que je comprends tout à fait”, assure François-Xavier Vannini.

Outre la réticence des médecins à être assimilés à des hôtels ou des restaurants, où leurs patients deviendraient des clients consommateurs, un autre point pose problème : celui de la publicité. “Dans la mesure où les professionnels s’inscrivent volontairement sur ce site, c’est qu’ils en attendent quelque chose en retour, c’est une attitude de démarchage. Or la publicité comportant une attitude de démarchage est interdite aux médecins”, rappelle le Dr Jacques Lucas, vice-président du CNOM, qui tient à souligner qu’actuellement aucun médecin n’est inscrit sur le site.

 

“Où s’arrête l’information, et où commence la publicité ?”

“C’est vrai qu’il existe une zone grise sur cette question, justifie François-Xavier Vannini. On peut aussi le voir comme une aide aux patients. Que dire, alors, des sites de prise de rendez-vous en ligne ou même des Pages Jaunes ?” Si l’entrepreneur admet être dans cette “zone grise”, il certain que ce n’est qu’une question de temps. “Les règlementations sont lentes à bouger. Mais à l’heure d’internet, c’est une évolution qui est inévitable. On ne fait que transcrire le bouche à oreille sur internet. Le principe est le même, seul l’outil change.”

Pierre de Fourmestraux, qui utilise le site depuis sa création, partage cet avis.”C’est l’avenir, les avis sur Internet. Ça se démocratise. Alors oui, il faut prendre des mesures pour faire respecter la déontologie. Mais certains ont des devantures de cabinet publicitaires bien moins éthiques, et l’Ordre ne dit rien…”, glisse le kinésithérapeute.

Si le CNOM affirme sans détours l’interdiction pour un médecin de faire de la publicité via ce site, le Dr Lucas reconnaît que dans d’autres situations la frontière entre information et publicité peut être ténue. “Où s’arrête la communication et l’information, et où commence la publicité ? Nous devons expliciter cette différence”, admet le vice-président du CNOM, en charge des systèmes d’information en santé. A cette fin, il prépare un document sur l’information, la communication, la publicité et la réputation numérique qu’il présentera prochainement. Il reconnaît qu’il est indispensable d’engager une réflexion sur le sujet. “Dans le monde de communication où nous sommes, on ne peut pas rester avec un médecin muet. Il faut réfléchir à l’ouverture du champ de la communication et de l’information, tout en restant dans les clous de la déontologie.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier