La mise en place des nouveaux modes de rémunération n’est pas encore à l’ordre du jour politique. Le chef de l’Etat s’est gardé d’évoquer cette thématique ce matin, alors que d’autres mesures moins engageantes (et figurant presque toutes dans la loi Hôpital, patients, santé et territoires) du rapport d’Elisabeth Hubert sur « l’offre de santé de proximité »  – seront concrétisées « dès 2011 »,  a-t-il indiqué : « la simplification des conditions d’exercice, la modernisation des systèmes d’information, l’appui à l’exercice regroupé des professionnels, la valorisation de la formation initiale de médecine générale et l’aide à l’installation dans les zones-sous denses ».

Pour autant, le sujet des « consultations à prix variables » n’est pas clos. A l’occasion de la remise du rapport Hubert, Nicolas Sarkozy a en effet annoncé un déplacement la semaine prochaine, afin «  d’illustrer ces priorités au contact des professionnels de santé et des patients ». Cette visite devrait être l’occasion d’annonces. En février 2010, aux Assises de la Ruralité, il avait ainsi promis la mise en place de 250 nouvelles maisons de santé pluridisciplinaires pour 2013, avant d’annoncer le 16 avril dans un cabinet de groupe de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) le C=CS=23 euros au 1er janvier 2011.  En attendant, le Président Sarkozy a demandé au ministre Xavier Bertrand et à la secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra, d’engager « très rapidement » des concertations avec les professionnels de la santé.

SORTIR DE L’ENFERMEMENT DU C

Dans son rapport de 183 pages, Elisabeth Hubert détaille sa série de propositions destinées à relancer la médecine libérale et à lutter contre les « déserts médicaux ».  La mise en place d’un nouveau socle de rémunération –  thème qui n’apparaît qu’en cinquième position après la nécessité d’’une réforme urgente des études médicales, le développement des systèmes d’information et de la télémédecine et le développement des coopérations entre professionnels  – apparaît comme une des mesures phares. Alors que « l’absence de rémunérations spécifiques et pérennes n’a pas incité selon elle les professionnels de santé à développer de nouveaux modes d’exercice »,  et cela malgré les expérimentations « intéressantes » mais « complexes et technocratiques » d’un forfait «  missions coordonnées » et d’un forfait « nouveaux services aux patients, la présidente de la Fnehad ( Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile) appelle à établir une grille tarifaire selon la difficulté des situations rencontrées. « Pour sortir de l’enfermement du prix unique du C, les partenaires conventionnels ont peu à peudistingué diverses situations jugées plus complexes et à ce titre éligibles à une majoration dumontant du C. La difficile reconnaissance du C=CS et surtout le psychodrame du C à 23 euros, revalorisation inscrite dans la convention de 2005 et dont l’effectivité a été repoussée d’année en année pour finalement être effective au 1er janvier 2011, témoignent de l’obsolescence de ce mode de raisonnement », écrit-elle.

Les rémunérations s’inscriraient ainsi dans un éventail de 4 ou 5 tarifications, selon que l’acte est simple et peu chronophage chez un patient jeune et connu (un demi C)  ou complexe, chez un patient nouveau, poly pathologique et présentant des symptômes nouveaux. Les valeurs pourraient s’échelonner jusqu’à  60 à 70 euros pour une consultation longue et difficile. « Moins d’actes mieux payés est le rêve de tout médecin. Moins d’actes médicaux inutiles est le rêve de tout organisme payeur. Un autre référentiel des tarifications des médecins peut permettre de concilier ces aspirations apparemment divergentes », souligne Elisabeth Hubert. Avant d’ajouter : « Un tel système permettrait de sortir du débat récurrent de l’insuffisance de rémunération de certains actes, du sous paiement de l’acte intellectuel et de la valorisation du suivi des maladies chroniques étant entendu qu’il pourrait être admis que tout malade en ALD bénéficie une fois par an, d’une consultation longue ».

Pour favoriser le « partage d’activités », elle appelle à rémunérer de façon identique l’acte fait par le médecin ou le professionnel non médecin, telle qu’une vaccination chez une personne connue sans antécédent pathologique. Quant à l’introduction d’une part de forfaits, elle permettrait de  rémunérer une activité comprenant temps de coordination et interventions de plusieurs professionnels ; sur le modèle de la tarification à l’activité telle qu’elle se pratique en HAD. Enfin, un financement structure serait octroyé aux MSP (maisons de santé pluridisciplinaires) et PSP (pôles de santé pluridisciplinaires),  labellisés pour payer les charges liées à des locaux plus spacieux, le fonctionnement des outils de télémédecine et systèmes d’informations, le temps de personnel affecté à la coordination, à l’organisation et à la gestion de cette structure, le temps d’assistante sociale attachée à la structure…etc.

UN NUMERO A 4 CHIFFRES POUR LA REGULATION

S’agissant de la permanence des soins, l’ancienne ministre plaide pourun numéro à 4 chiffres, spécifique et identique sur tout le territoire, en parallèle au 15, pour éviter l’engorgement du 15. Elle prône également un élargissement du vivier des médecins en charge de la PDS, en faisant appel aux remplaçants, aux médecins des centres de santé, aux jeunes retraités et aux internes dans le cadre du Saspas (stageautonome en soins primaires ambulatoire supervisé).

Autres propositions originales dans le cadre de la sécurisation des conditions de l’installation : l’ouverture de prêts à taux zéroaux jeunes médecins désireux de financer une primo- installation adossée à un projet immobilier (maison de santé), l’utilisation du dispositif du crédit-bail, l’extensionaux professions de santé libérales de certains dispositifs de déduction fiscale et l’institution d’un fonds de garantie de l’investissement là aussi réservé aux seules zones sous densifiées en médecins ou en voie de fragilisation. Un fonds national qui pourrait être géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Afin de permettre une évolution des carrières, à l’heure où « pour les jeunes médecins, l’installation est vécue comme une forme d’enfermement dans un métier immuable dont il sera difficile de sortir en dehors du départ en retraite », l’ex-députée de Loire-Atlantique veut offrir aux médecins le bénéfice d’une seconde carrière dans une autre discipline que la première et aider à diversifier du mode d’exercice, en privilégiant les exercices mixtes.

La protection sociale des médecins, reconnue comme un problème majeur, fait également l’objet de plusieurs préconisations parmi lesquelles l’amélioration rapide de la couverture maternité.

EXERCICE DE SERVICE PUBLIC DANS LES ZONES DESERTIFIEES

En attendant la mise en place des différentes réformes structurelles dont « les effets seront acquis dans 8 à 10 ans », Elisabeth Hubert appelle les pouvoirs publics à créer de façon temporaire des missions de service public, afin que des jeunes diplômés, des remplaçants, des médecins libéraux ou hospitaliers ou des médecins retraités volontaires viennent exercer dans des territoires déjà désertifiés en médecins. Cette mission serait assortie d’une rémunération « spécifique et incitative » et assurée dans des locaux aménagés et mis à disposition par les communes.

« Si rien n’est fait, d’ici cinq à huit ans, il n’y aura plus seulement comme aujourd’hui des villages, voire des communautés de communes sans médecin, mais des cantons entiers. Ce serait condamnable sur le plan de l’éthique, de la santé publique, et sur le plan politique », affirme dans un entretien au Monde celle qui voit dans son rapport « une feuille de route pour les dix années à venir ».

Télécharger le rapport de mission du Dr Elisabeth Hubert (183 pages) :