Comme vient de le juger le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 13 février 2024, l’absence ou le retard de communication des pièces d’un dossier médical d’un patient décédé, à ses ayants droit, sont constitutifs d’un préjudice moral qui doit être réparé.

 

A la suite du décès de son épouse, son mari et leur fille ont réclamé au centre hospitalier de Caen la communication d’une radiographie thoracique prise le jour du décès ainsi que la feuille de dispensation des médicaments, pour les éclairer sur les causes de sa mort. Ces pièces ont été demandées en octobre 2016 et n’ont été communiquées qu’en mai et septembre 2018. Un délai anormalement long, alors que les autres pièces du dossier médical transmises aux intéressés au mois de décembre 2016 ne permettaient pas d’identifier de façon certaine les causes de la mort. Pour le Conseil d’Etat, et d’après une décision du 13 février 2024, le CHU de Caen a commis une faute de nature à leur causer un préjudice moral. Ce centre hospitalier a ainsi été condamné à verser au mari et à la fille de cette patiente une somme de 2 000 euros chacun.

 

 

Délai raisonnable

Comme le rappelle l’article L.1110-4 du code de la santé publique, les ayants droit d’un patient décédé, mais aussi son concubin ou son partenaire lié par un Pacs, peuvent demander la transmission de son dossier médical, sous réserve que le patient ne s’y soit pas opposé de son vivant. Ces dispositions ont pour seul objectif de permettre à ces personnes de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits. Dans l’affaire qui vient d’être jugée par le Conseil d’Etat, les ayants droit étaient tout à fait fondés à demander l’entier dossier médical de leur épouse et mère, pour connaître les causes de sa mort. Attendre plus de 18 mois pour obtenir l’ensemble des informations complémentaires devant figurer dans le dossier médical est un délai anormalement long et abusif alors que le Conseil d’Etat a tenu à préciser que “l’absence de communication aux ayants droit des informations nécessaires pour éclairer les causes du décès comme le retard à les communiquer dans un délai raisonnable constituent des fautes et sont présumés entraîner, par leur nature même, un préjudice moral, sauf circonstances particulières en démontrant l’absence”.

Cette obligation de transmission s’applique, non seulement, aux établissements de santé, mais également à tout professionnel de santé amené à constituer un dossier médical. Rappelons que l’accès du patient à son dossier constitue un des critères de certification obligatoire des établissements de santé et que la commission d’accès aux documents administratifs (Cada) peut être saisie, notamment par les ayants droit d’une personne décédée, dans un délai de deux mois à compter du refus, explicite ou implicite, de l’établissement de leur communiquer les informations médicales dont ils ont besoin. La Cada statue dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande des ayants droit. Son avis sera notifié au demandeur ainsi qu’à l’établissement ou au professionnel de santé mis en cause. Si les avis de la Cada ne sont pas contraignants, l’administration s’y conforme le plus souvent. Les médecins en cabinet peuvent aussi être poursuivis devant le Conseil de l’Ordre et condamnés à une sanction disciplinaire et faire l’objet d’une procédure civile, notamment d’urgence (référé), avec demande de dommages et intérêts.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Nicolas Loubry, juriste

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