Avec ou sans AME, décrocher un rendez-vous par téléphone avec un médecin généraliste est devenu très difficile, pointe la récente étude de l’Institut des politiques publiques sur les refus de soins. Basée sur la méthode du testing, elle révèle que même pour les patients non bénéficiaires d’aide, il faut plus que jamais s’armer de patience, en multipliant les appels pour parvenir à joindre un cabinet… sans garantie de succès.

 

Menée de mars à fin septembre 2022 pour le compte du ministère de la Santé et du Défenseur des droits, cette étude de l’IPP sur les discriminations dans l’accès aux soins aboutit à deux constats : oui, certains patients bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat (AME) subissent un refus de soin, mais les difficultés d’accès à un rendez-vous concernent globalement tous les patients.

Dans le cadre d’une vaste opération de testing, de faux patients ont en effet passé plus de 34 000 appels visant à décrocher un rendez-vous chez un généraliste, chez un ophtalmologue ou chez un pédiatre. Trois profils différents étaient testés sur chaque médecin joint : bénéficiaire d’AME, bénéficiaire de la complémentaire santé solidaire (CSS) et patient “de référence”, non bénéficiaire de ces deux aides. Pour ces derniers, il a été à peine plus facile de décrocher un rendez-vous…

 

Trois appels en moyenne sont nécessaires pour joindre un cabinet

Au total, 10 425 tentatives d’appel ont été réalisées auprès d’un cabinet de généraliste et seules 36,4 % ont abouti. “Les lignes téléphoniques des praticiens semblent régulièrement surchargées malgré la présence attestée d’un secrétariat” dans 65 % des cas pour les généralistes, relèvent les auteurs du rapport. En moyenne, trois appels ont donc été nécessaires pour joindre un cabinet, incluant les appels ayant abouti vers des répondeurs ou des assistances vocales à la prise de rendez-vous. “Le nombre d’appels moyens à passer pour parler à un interlocuteur est donc en réalité plus élevé”, concluent les auteurs.

 

Un rendez-vous obtenu dans moins d’un cas sur deux

Quand les patients “de référence” sont enfin parvenus à joindre le cabinet, ils n’ont pu obtenir de rendez-vous avec un généraliste que dans 44,1 % des cas (contre 68,3 % pour les ophtalmologues et 44,2 % pour les pédiatres). Les rendez-vous sont majoritairement donnés à jour et heures fixes, même si 6,5 % des généralistes proposent des consultations libres ou sur créneau.

 

 

Près de 6 généralistes sur 10 refusent les nouveaux patients

Ne pas prendre de nouveaux patients est la raison la plus couramment invoquée par les professionnels de santé pour expliquer le refus de donner un rendez-vous à un patient de référence : ce motif est cité par 58,7 % des généralistes, contre 44,7 % des pédiatres et 31,3 % des ophtalmologues. Les médecins généralistes refusent à la fois les nouveaux patients en tant que futur médecin traitant et les patients occasionnels qui demandent une prise en charge ponctuelle, relève l’étude.

En l’occurrence, les faux patients avaient pour consigne d’évoquer un motif volontairement non urgent : des douleurs ostéoarticulaires persistantes (coude, genou ou poignet), sans signe de gravité. Les enquêteurs et les enquêtrices ayant obtenu un rendez-vous ont par ailleurs rapporté de nombreux cas où les médecins généralistes précisaient donner un rendez-vous pour “cette fois seulement”, mentionne le rapport.

Autre motif de refus fréquemment invoqué : le fait que la pathologie décrite par le patient ne peut pas être gérée par le praticien du fait de sa spécialisation (10,6 % des refus) ou encore que les rendez-vous sont pris uniquement sur Doctolib (8,5 %).

 

 

Des délais de plus en plus longs

Entre l’appel et la date du rendez-vous obtenu, un délai moyen de 7,9 jours était observé pour les généralistes contre 58,2 jours pour les ophtalmologues, sollicités pour une baisse d’acuité visuelle, et 27,8 jours pour les pédiatres, contactés pour des problèmes orthopédiques, de sommeil ou retard de croissance, selon l’âge des patients. La moitié des généralistes proposent néanmoins un rendez-vous dans un délai inférieur ou égal à 4 jours.

 

 

Ces résultats “semblent ainsi suggérer une hausse des difficultés dans l’accès aux soins chez les généralistes”, signalent les auteurs : en 2018, Millien et al. montraient en effet que le délai médian dans l’obtention d’un rendez-vous était de 2 jours et le délai moyen de 6 jours.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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