La Haute Autorité de santé (HAS) vient de publier un socle complet de recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge des dysthyroïdies. Elles indiquent que le dépistage et le diagnostic doivent reposer sur un dosage de la TSH seul éventuellement complété ensuite par des examens “en cascade”, et sur le fait que le traitement ne doit pas être systématique.

 

Les dysthyroïdies sont fréquentes, touchant 1 à 2 % de la population. Cependant “encore aujourd’hui, leur prise en charge et leur suivi ne sont pas toujours optimaux”, considère l’autorité sanitaire.

Pour tenter d’améliorer les choses , elle avait déjà publié en 2019 une fiche sur la pertinence des soins de l’hypothyroïdie, puis, en 2021, une fiche sur la pertinence des examens d’imagerie dans l’exploration des pathologies thyroïdiennes.

Aujourd’hui, elle complète ces documents et fournit des recommandations concernant la prise en charge des hypo et des hyperthyroïdies assorties, pour chacune, d’une fiche de synthèse et de plusieurs arbres décisionnels. En outre, pour l’hypothyroïdie, des recommandations spécifiques pour les femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse, ainsi que pour les personnes âgées de plus de 65 ans, sont proposées.

 

Hypothyroïdie : une ordonnance “en cascade”

Ainsi, concernant l’hypothyroïdie – maladie thyroïdienne la plus fréquente (1 à 2 % de la population, surtout des femmes) – la HAS insiste sur l’importance d’un diagnostic fondé sur le dosage de la TSH seule. Le médecin doit faire une seule ordonnance globale selon un procédé “en cascade”. C’est-à-dire que le patient ne sera prélevé qu’une fois ; les dosages complémentaires ne seront réalisés par le biologiste que si la TSH est anormale. Sera alors dosée la T4L pour distinguer une hypothyroïdie avérée d’une hypothyroïdie fruste. “Le dosage des anticorps anti-TPO (thyroperoxydase) n’est pas nécessaire pour le diagnostic d’hypothyroïdie. Il est utile pour rechercher une origine auto-immune de la maladie (par exemple, une maladie de Hashimoto) et sera enclenché par le médecin s’il cherche à comprendre l’origine d’une d’hypothyroïdie confirmée”, précise la HAS.

 

 

Aucune imagerie n’est nécessaire sauf dans certains cas (nodule ou adénopathie palpables, présence de signes de compression,…) comme précisés dans la fiche sur l’exploration des pathologies thyroïdiennes.

La prise en charge thérapeutique peut tout à fait être réalisée par le médecin généraliste. Une consultation d’endocrinologie est cependant recommandée pour un patient non équilibré, en cas d’antécédent de cardiopathie ischémique, de présence d’un nodule, d’un goitre, ou encore d’une grossesse. Le traitement par lévothyroxine est indiqué en cas d’hypothyroïdie avérée mais pas systématiquement en cas d’hypothyroïdie fruste. Dans ce dernier cas, les indications dépendent du contexte clinique, du risque d’évoluer vers une forme avérée et du ressenti de la personne.

 

Deux cas particuliers : les plus de 65 ans et la grossesse

La HAS identifie, par ailleurs, deux situations cliniques particulières : les personnes de plus de 65 ans et les femmes enceintes ou ayant un projet de grossesse.

Pour les personnes âgées, elle insiste tout d’abord sur le fait que l’âge ne constitue pas à lui seul un motif de dépistage d’une hypothyroïdie. En revanche, cela doit être le cas pour des signes cliniques évocateurs, un déclin cognitif, ou la prise de certains médicaments comme l’amiodarone. Le traitement n’est pas systématique, contrairement à la surveillance de TSH. La HAS ajoute que, pour interpréter le résultat, il est recommandé “d’adapter la valeur haute de référence de la TSH à l’âge des personnes lorsqu’elles ont plus de 60 ans”.

La grossesse constitue une période particulière car on estime que l’activité de la thyroïde augmente d’environ 50 % pour maintenir l’équilibre thyroïdien et compenser les besoins. En outre, l’hypothyroïdie n’est pas sans conséquence sur la mère et le fœtus (fausse couche, naissance prématurée, faible poids de naissance, troubles d’apprentissage…). C’est pourquoi, la HAS recommande une augmentation des doses de lévothyroxine de 20 à 30 % en début de grossesse. En outre, un dépistage des femmes à risque d’hypothyroïdie, est préconisé en période préconceptionnelle, ainsi que chez celles ayant des difficultés de procréation. L’information des femmes est primordiale. La monothérapie par la lévothyroxine est le traitement de référence, la liothyronine étant contre-indiquée.

 

Hyperthyroïdie : pas de traitement systématique

L’hyperthyroïdie concernerait 0,4 % de la population, apparaissant en général entre 40 et 60 ans (70 % de maladie de Basedow). Là aussi, le dosage de TSH seul est suffisant. Les autres examens biologiques seront pratiqués “en cascade” pour compléter le diagnostic (hyperthyroïdie fruste ou avérée, recherche de l’origine de l’hyperthyroïdie).

 

 

Le recours à l’imagerie n’est, là encore, préconisé que dans certains cas particuliers (nodules ou des ganglions cervicaux suspects, ou lorsqu’un traitement radical est envisagé par iode radioactif [irathérapie] ou chirurgie). La HAS précise que “la scintigraphie n’est pas indiquée dans le cadre du diagnostic d’une maladie de Basedow, la présence d’anticorps anti-récepteurs de la TSH suffisant à confirmer le diagnostic”.

Le traitement n’est pas systématique et dépend de l’intensité de l’hyperthyroïdie, du contexte clinique ainsi que de la préférence du patient.

La surveillance de la TSH seule, tous les 6 à 12 mois, peut suffire, en cas d’hyperthyroïdie fruste en particulier. En revanche, “l’hyperthyroïdie avérée requiert la mise en route d’un traitement, par antithyroïdiens de synthèse car la priorité est de restaurer un fonctionnement normal de la thyroïde”, indique la HAS. Ensuite, pour le long terme, plusieurs options thérapeutiques sont possibles : poursuite de ce traitement médicamenteux ou traitement radical par irathérapie ou chirurgie. Pour la maladie de Basedow, c’est un traitement médical par antithyroïdiens de synthèse au long cours qui est préconisé. En revanche, en cas de nodules, le traitement de première intention est l’irathérapie.

En tout état de cause, la chirurgie ne constituera qu’un dernier recours (goitre volumineux compressif, suspicion de malignité, irathérapie non adaptée…).

 

[D’après la Haute Autorité de santé (15 mars 2023)]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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