Au terme de six mois de discussions, les négociations conventionnelles s’achèvent ce mardi 28 février dans un climat tendu. Déçus par la faiblesse des propositions de revalorisation tarifaire de la Cnam, les médecins dénoncent aussi le principe même de l’engagement territorial imposé par le ministère de la Santé. « On voit la volonté d’augmenter les contraintes sur notre exercice », s’inquiète le Dr Luc Duquesnel, président Les Généralistes-CSMF. À ses yeux, ce projet de convention ne va non seulement « pas améliorer l’accès aux soins » mais « le détériorer ».

 

Les négociations se terminent aujourd’hui. Quel bilan en tirer ?

Il n’y a pas eu de négociations. Mercredi dernier, la Caisse nationale d’Assurance maladie nous a présenté son projet, auquel chaque syndicat représentatif a répondu. Et lors de la dernière séance, jeudi, elle nous a sorti, à quelques virgules près, le programme de la veille. On ne peut donc pas dire qu’il y a eu négociation !

 

Y a-t-il des points de satisfaction dans ce qui vous a été proposé ?

Globalement, quand on parle de faciliter le travail et l’embauche des assistants médicaux à temps plein, oui, c’est positif. Je relève aussi que certains vont pouvoir bénéficier d’une majoration de leur forfait patientèle médecin traitant, d’une majoration des honoraires… On peut considérer que ce sont des avancées. Ceci dit, en creux, quid des médecins qui exercent en zones d’action complémentaire (ZAC) et des autres qui n’auront pas d’augmentation de ce forfait ? Quid de ceux qui ne vont pas pouvoir bénéficier des revalorisations d’honoraires à moins d’accepter de nouvelles contraintes dans le cadre de ce contrat d’engagement territorial ? Il est d’ailleurs amusant de noter que la CNAM a retiré le terme « contrat » sans en changer le contenu.

 

Il y a donc de grosses insatisfactions malgré ces longs mois de travail ?

Oui. La CSMF avait bâti un projet qui améliorait l’accès aux soins sans détériorer les conditions d’exercice des médecins. Le fait, par exemple, que la tarification de base ait été seulement annoncée la veille de la fin des négociations nous sidère. Que les mesures tarifaires censées améliorer l’accès aux soins ne s’appliquent qu’au 1er octobre 2024, nous en déduisons que pour l’État et l’Assurance maladie l’accès aux soins n’est pas une priorité. Il n’y aurait donc pas d’argent pour l’améliorer !

 

Le ministre de la Santé et le directeur de la Cnam plaident, eux, pour du « donnant-donnant »…

Ce n’est pas du donnant-donnant ! On a fait des propositions pour que les patients en ALD sans médecin traitant en aient un d’ici à la fin de l’année et aussi sur les soins non programmés… Mais on n’a pas été écouté. Ils ont préféré mettre en place un contrat, qui est infantilisant, humiliant pour les médecins libéraux. Quand je vois tout ce que les médecins généralistes ont fait en 2020 dans les centres Covid, en 2021 dans les centres de vaccination, cela montre une absence totale de confiance de l’État et de l’Assurance maladie envers nous et la volonté d’augmenter les contraintes sur notre exercice.

 

Les médecins sont vent debout contre la proposition de revalorisation de la Cnam de 1,50 € et de 5 € en cas d’engagement territorial. Les comprenez-vous ?

Bien sûr ! C’est une revalorisation qui laisse 60 à 70 % des médecins généralistes sur la touche. La Cnam affirme qu’aujourd’hui 40 % des médecins généralistes remplissent les conditions du contrat d’engagement territorial. Cela veut dire que ce n’est pas le cas pour plus de la moitié d’entre eux. Par ailleurs, 1,50 € n’est pas une revalorisation… Une telle proposition aura pour conséquence des départs à la retraite anticipée, des médecins traitants salariés, le déconventionnement, le changement de type d’activité vers les téléconsultations ou le fait de se tourner vers les centres de soins non programmés. Non seulement cela ne va pas améliorer l’accès aux soins mais cela va le détériorer.

 

Craignez-vous une désorganisation de la médecine libérale ?

Oui, et c’est dramatique. Sur des choses qui aujourd’hui fonctionnent bien, comme la permanence des soins, des généralistes vont refuser les contraintes de cette convention médicale et l’absence de vraies revalorisations. Aujourd’hui, ils participent à la permanence des soins, au service d’accès aux soins… mais que risquent-ils de dire demain lorsqu’ils n’auront pas accès au contrat d’engagement territorial (CET) ? Qu’ils ne veulent plus le faire ! On va détruire ce qui fonctionne bien depuis des années.