“Nous sommes début des années 80 et Freud fait du tort aux femmes…”

Ce n’est ni la bienveillance d’un praticien ni un sentiment d’admiration qui a poussé Léa Valange à devenir médecin, mais la remarque acerbe d’un pédopsychiatre le jour où elle a rendu visite à sa jumelle autiste, hospitalisée. Comme une revanche sur la vie. Médecins ou étudiants en médecine, vous nous avez raconté la genèse de votre parcours médical. Retrouvez une sélection de ces témoignages sur Egora.fr.

 

“J’avais 6 ans. J’étais dans le couloir de pédopsychiatrie où ma jumelle autiste était hospitalisée. Nous sommes début des années 80 et ‘Freud’ fait du tort aux femmes. Ma mère essaye de se défendre face aux accusations du pédopsychiatre : elle est responsable de l’état de Julie. Ma mère me désigne : ‘Elle est première de classe, élève parfaite’. Le pédopsy se tourne vers moi et se penche pour me parler : ‘Il serait temps que tu laisses vivre ta sœur’.

J’avais 6 ans et une ‘bonne étoile’, je me suis dit dans ma tête : ‘Toi ce que tu dis est faux, je prendrai ta place’. Depuis je suis médecin de famille pour être au plus près des personnes. Heureuse, je continue à prendre soin de ma jumelle et je suis beaucoup de personnes autistes ou handicapées avec ‘une aisance et une douceur’ selon mes patients.”

Source :
www.egora.fr
Auteur : Léa Valange

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“Qu’est-ce qu’il peut bien entendre dans son stéthoscope…”

Une lourde sacoche, un bloc d’ordonnance gainé de noir, un élégant stylo en argent et une inoubliable petite moustache… “Que de mystère et de puissance” chez ce “bon docteur Paillard”. Fasciné par les gestes de son médecin lorsqu’il était enfant, ce lecteur a suivi ses traces. Médecins ou étudiants en médecine, vous nous avez raconté la genèse de votre parcours médical. Retrouvez une sélection de ces témoignages sur Egora.fr.

 

“J’ai 5 ou 6 ans. C’est le printemps, et sans doute pour la troisième fois cette année, j’ai de la fièvre – au moins 38°, les joues rouges, les yeux brillants, et je ne peux plus avaler. Maman me fait ouvrir grand la bouche et, à l’aide d’une longue cuillère métallique et froide, appuie sur ma langue pour dégager d’un geste expert mon arrière-gorge. ‘Bon, tu as encore une angine, il va falloir te mettre sous antibiotiques, je vais appeler Paillard !’

Paillard, c’est mon docteur. C’est l’un des généralistes qui prend en charge les patients de notre petite ville avec deux autres confrères. Il est brun, calme, avec des yeux noirs remplis de bonté, une petite moustache élégante. Il habite dans une maison coquette, toute blanche, entourée d’arbres et de gazon, au bord de la nationale. Elle est bien visible. C’est pratique, on peut y aller quand on en a besoin. Sa femme, ‘qui se la pète un peu’, est à l’accueil. Cette dame blonde, distinguée, prend les rendez-vous et répond au téléphone. En vrai, elle est plutôt dégourdie, très gaie et trouve toujours une solution pour caser les patients. Ils ont trois enfants – des garçons, je crois, un peu plus âgés que moi.

Le docteur Paillard trouve toujours une solution à mes problèmes. Il est gentil, doux, compréhensif. Il vient à domicile et soigne, soigne, soigne ! Angines, otites, varicelle, rougeole. Il s’y connaît le bougre ! Et je ne comprends pas pourquoi ma mère, qui a fait des études d’infirmière avant de bifurquer sur une autre voie, fait le diagnostic (elle en a toujours un du tonnerre !), sait ce qu’il faut prescrire… et ne peux pas le faire elle-même.

Mon bon docteur Paillard, à la fin de la visite, sort son bloc d’ordonnances gainé de cuir noir, son joli stylo en argent et rédige de son écriture indéchiffrable la précieuse ordonnance que le pharmacien délivrera à son tour. Que de mystère et que de puissance !

Mais il est un mystère encore plus grand, qui m’intrigue depuis toujours : qu’est-ce qu’il peut bien entendre dans son stéthoscope, quand il m’ausculte le torse, devant et puis derrière, en me demandant de ne plus respirer, puis de respirer fort ? A cause de ma curiosité, j’ai fait médecine ! Et maintenant, je sais ce qu’on entend dans un stéthoscope et la responsabilité qu’il y a à prescrire.”

Source :
www.egora.fr
Auteur : Anonyme

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