Le Dr Axel Loison, urgentiste depuis un peu plus de huit ans, est un sportif dans l’âme. Après un voyage expérimental en Bolivie où il découvre la montagne, son envie de monter sur les plus hauts sommets du monde grandit. A 37 ans, le médecin rêve de réussir le challenge appelé “Seven Summits”, c’est-à-dire gravir les sept sommets les plus élevés de chaque continent. Entre son goût pour l’aventure et l’imprévu de son métier d’urgentiste dans des hôpitaux toujours saturés, il partage sa vie bien rythmée à Egora.

 

“J’ai vraiment eu le besoin de faire du sport quand je suis rentrée à la fac de médecine”, reconnaît le Dr Axel Loison. Pour lui, sa rencontre avec le sport commence en première année d’études supérieures. L’urgentiste de 37 ans découvre et se met à la course à pied. Un sport qu’il peut facilement intégrer à son emploi du temps de carabin bien chargé. D’abord pour retrouver l’équilibre entre le travail assis et le travail physique, puis il s’aperçoit que le sport lui permet aussi de se recentrer sur lui-même. Pendant son externat, ce qu’il veut, c’est se rendre utile et découvrir le monde. “J’avais pour objectif de faire au moins une expérience à l’étranger”, se souvient-il, avec déjà le désir de “sortir du circuit classique”. Cette nouvelle expérience, il veut la faire en République démocratique du Congo. Mais cette mission humanitaire n’aura jamais lieu. “Ce n’était pas assez sûr”, admet le médecin.

 


Le Dr Loison au sommet de l’Everest après son ascension, le 25 mai 2022 © DR

 

Le Dr Axel Loison reste alors en France, à Bordeaux, où il suit ses études. Mais à cette même période, il ne baisse pas les bras sur ses projets et décide de partir en Bolivie, faire un trek pour un voyage expérimental. “On suivait un oncle et son neveu avec une quarantaine de lamas dans le sud de la Bolivie”, se souvient-il. Pendant ce voyage, il marche beaucoup et grimpe plusieurs cols dont l’un à 5 100 mètres d’altitude, se rappelle-t-il. C’est sa première expérience de randonnée en montagne. Les conditions et le climat sont très difficiles à supporter. “La nuit, il faisait moins de 10 degrés. Ils [l’oncle et le neveu, ndlr] avaient oublié les bouteilles de gaz. Donc, on s’est retrouvé à devoir trouver du bois, à faire avec juste ce qu’on avait”, raconte-t-il avec émotion. Au début du voyage, ils étaient cinq participants, à la fin, seuls lui et sa compagne sont restés. Les trois autres ont abandonné. Ce périple a aussi été l’occasion d’apprendre sur lui-même. “On marchait pendant des heures, on était dans une espèce d’introspection. On regardait juste le paysage, le rythme des bêtes qui marchaient avec nous”, confie le Bordelais. “C’est un des meilleurs voyages de toute ma vie.”

 

“Ce que j’aime, c’est le fait d’être le couteau suisse des médecins”

Lorsqu’il retourne en France, il continue la marche et commence à rêver de montagne. Il entame son internat en choisissant la spécialité d’urgentiste. “Ce que j’aime, c’est le fait d’être le couteau suisse des médecins, on peut intervenir à l’hôpital comme en pré-hospitalier (en SMUR), on peut intervenir dans une ambulance, en hélicoptère, au bord de la route, chez des gens ou à l’hôpital”, admet-il. L’occasion pour lui, de pouvoir bouger pleinement même pendant son travail. “Il y a des gens que ça rassure d’être expert dans un domaine et de le maîtriser complètement, d’autres qui ne souhaitent pas s’enfermer dans quelque chose. Moi, je suis l’opposé de la personne qui veut maîtriser son sujet à 100%, je suis un peu moyen partout”, reconnaît-il en riant. Le médecin anti-routine apprécie l’imprévu de son métier et de sa spécialité : “on ne sait jamais comment sera le prochain patient, comment va se passer notre garde”.

Pour son dernier semestre d’internat, il veut partir de nouveau à l’étranger. Destination : Tahiti, pendant six mois. “Ça fait partie des privilèges de mon métier de pouvoir voyager”, reconnaît le médecin. “Parmi les soignants, on rencontre un tas de gens qui ont fait le tour du monde”, raconte le médecin, qui se nourrit de chacun de leurs témoignages. Et comme “un voyage en amène un autre”, une fois qu’il quitte les îles, son objectif est d’y retourner au plus vite. Alors, son diplôme de médecin urgentiste en poche, il part six mois à Cayenne, en Guyane, puis six mois à Mayotte et enfin un an à Nouméa en Nouvelle-Calédonie. “C’est un bel échange interculturel”, se souvient-il, fièrement. Là-bas, il exerce en Smur, à l’hôpital et en Evasan (évacuation sanitaire de patients) notamment à bord d’avions.

Après cette année en Nouvelle-Calédonie, le Dr Loison retourne dans sa Gironde natale. Il travaille un peu plus de quatre ans en clinique mutualiste dans le Médoc avant de s’installer à Arès, aux portes du bassin d’Arcachon. Ici, son amour pour le sport ne faiblit pas. D’ailleurs il continue la course à pied : en novembre, il a participé à son huitième marathon : après celui de Lisbonne, Porto, Barcelone, Paris… il traverse l’océan Atlantique pour participer au marathon de New York. Pour ses courses, le médecin assure ne pas vraiment s’entraîner : “c’est quelque chose qui me stimule, je ne fais pas forcément de préparation avant, c’est le reflet de mon endurance de l’année”. Les courses en fractionné et les entraînements à 6 heures du matin, ce n’est pas vraiment lui. Pour le Dr Loison, le marathon, ce n’est pas courir plus vite que les autres, c’est plutôt l’occasion de faire un bilan sur sa santé physique, sans se mettre de pression. “Je ne suis pas tellement quelqu’un de compétiteur, je suis plus face à moi-même que face aux autres. Mon seul concurrent c’est moi et mes sensations”, admet-il. Mais, il ne s’arrête pas qu’à la course à pied. “J’ai commencé par les sports de fond, mais je m’intéresse à tout, les sports d’eau, la voile, la randonnée”, énumère l’urgentiste. Il s’est même mis à la plongée quand il était dans les DOM TOM. L’urgentiste a voulu passer la spécialité de médecin hyperbare pour avoir plus de connaissances dans ce domaine, car les accidents de plongée sont récurrents en Outre-mer.

 

6 sommets de 6 continents déjà franchis

Même s’il connaît bien l’eau grâce au littoral atlantique d’où il vient et aux océans entourant les DOM TOM, il n’oublie pas son autre passion, une passion plus vertigineuse datant de son voyage en Bolivie : la montagne. Il ressent l’envie de gravir le Mont Blanc d’abord. “Un truc s’est emballé en moi”. Alors, il poursuit avec l’ascension du Kilimandjaro, puis de l’Aconcagua, “le toit des Amériques”, de l’Elbrouz “le toit de l’Europe”, du Mont McKinley, appelé depuis 2015 Denali, “le toit d’Amérique du Nord” et enfin de la pyramide Carstensz, “le toit de l’Océanie”. Mais, il manquait un sommet à son palmarès : l’Himalaya.

Il s’élance en 2019, par la face nord de la montagne, côté Tibet. “Je ne savais pas à quoi m’attendre”, reconnaît-il. Il suit cette fois un entraînement strict pour réussir au mieux son ascension. “Au Tibet, on avait un programme d’acclimatation qui était long”, prévient-il. Mais malgré ça, il fait demi-tour 150 mètres avant d’atteindre le sommet de l’Himalaya. “Je me suis arrêté à 8 710 mètres. Je me sentais faible, j’avais l’impression que mes jambes me portaient moins”, se souvient-il, amèrement. “J’ai une petite voix qui me disait ‘là il faut redescendre’. Mais, c’est frustrant parce qu’on voit la pointe mais on se dit qu’il y en a encore pour deux heures”, se souvient-il. Cette même année, 11 personnes sont décédées lors de leur ascension. “C’était une année noire”, se rappelle le médecin.

 


Les camps où dormaient et mangeaient le Dr Loison et son équipe pendant leur ascension de l’Everest (Himalaya) © DR

 

A son retour en France, le papa de deux enfants de 6 et 8 ans, jette ses crampons. “Je n’étais pas bien, mais pendant la crise du covid, l’idée de remonter au sommet des montagnes est revenue et petit à petit, je me suis remis à fantasmer dessus. Il fallait que j’y retourne. L’échec, ce n’est pas de tomber, c’est de ne pas se relever.” Le 27 mai 2022, il rechausse ses crampons et retourne à l’assaut de l’Everest, cette fois-ci par la face sud, côté Népal. Pour mettre toutes ses chances de son côté, le médecin augmente son plan d’entraînement. Avec sept personnes, ils partent pendant deux mois à la conquête de l’Himalaya. Et cette fois-ci, le Dr Axel Loison réussit, et pose le pied au sommet de l’Everest.

 

“Derrière ce n’est pas moi qui vais créer des lits”

Même s’il n’aime pas programmer sa vie, l’urgentiste a anticipé son voyage plusieurs mois à l’avance en réalisant de nombreuses heures supplémentaires pour combler son absence. A son retour en France, la crise des urgences s’accentue. Lui qui aime l’imprévu des gardes se retrouve davantage en sous-effectif. “Je perds des amis et des collègues qui partent faire autre chose, et on a du mal à recruter parce que le métier devient de moins en moins attractif”, admet-il. Mais c’est cette passion des sommets qui lui permet de prendre du recul. “Je suis un maillon de la chaîne et quoi que j’en pense, je suis dépendant des instances politiques, administratives. Je ne m’en désintéresse pas mais je suis posté, là où on me demande d’être posté. Je fais ce que je peux par rapport à la demande mais derrière ce n’est pas moi qui vais créer des lits, des services…”, explique l’urgentiste.

Mais le médecin rêve toujours de sommets et de nouveaux challenges. “Mon prochain projet c’est de faire l’ascension du Mont Vinson, la montagne la plus élevée de l’Antarctique”, confie le Dr Loison. Départ prévu ce 4 janvier. S’il réussit l’ascension de ce sommet, il aura relevé le “Seven Summits challenge”.

 


© DR

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Mathilde Gendron

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