Pour faire face à l’inflation, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a pris la décision d’augmenter la cotisation, pour la première fois en cinq ans. Fixée depuis 2018 à 335 euros, elle passe cette année à 340 euros. Une hausse d’1,5 % que justifie pour Egora le Dr Pierre Maurice, secrétaire général de l’instance.

 

Egora.fr : Après quatre années consécutives sans hausse, la cotisation ordinale va augmenter de cinq euros pour passer à 340 euros, pourquoi ?

Dr Pierre Maurice : La hausse est de 1,49 %. Il n’y avait pas eu d’augmentation au cours des quatre dernières années, période où l’inflation était moindre, autour de 1,5 %. Cette année l’inflation est de 6 %. Elle a pesé sur notre masse salariale, sur nos fournitures, sur l’énergie, sur les matières premières, sur tous nos services et prestations.

 

Cette augmentation sera-t-elle aussi répercutée sur les médecins n’ayant pas d’activité rémunérée ? Quel sera le montant de leur cotisation ?

Pour les médecins retraités, la cotisation passe à 97 euros. Elle augmente de deux euros. Je rappelle que cette cotisation sert à faire fonctionner toute l’institution : les conseils départementaux, régionaux et le Conseil national.

 

En 2003, la cotisation était fixée à 227 euros. En 20 ans, elle a donc augmenté de près de 50 %. Pourtant, d’après de récents chiffres de la Carmf, le pouvoir d’achat des médecins n’a progressé que de 3 % sur la même période. Était-ce la bonne année pour répercuter cette augmentation ?

Y a-t-il une bonne année ? Je ne crois pas. Il y a un facteur qui était pour nous essentiel, c’est que l’inflation a pesé. C’est vrai que conformément à la recommandation de la Cour des comptes de décembre 2019, on a voulu modérer cette augmentation en prenant sur nos réserves. Nous avons tenu compte effectivement du fait que depuis des années, les médecins n’ont pas eu de revalorisation de leurs honoraires. C’est pour cela que nous avons souhaité que cette augmentation soit bien inférieure à celle de l’inflation.

 

Les médecins se plaignent d’une opacité des comptes de l’Ordre. Peut-on leur expliquer de manière concrète à quoi va servir cette augmentation ?

Tout d’abord, il n’y a pas d’opacité puisque tous les comptes sont publiés dans le bulletin du Conseil. La transparence est complète. La cotisation contribue à faire fonctionner l’institution. Nous avons des rôles régaliens, comme vérifier la sécurité des diplômes lorsqu’un médecin s’inscrit au tableau de l’Ordre. Nous avons d’ailleurs étoffé notre pôle inscription. Nous avons été victimes de cyberattaques, il a donc fallu renforcer notre sécurité informatique.

Il faut aussi faire fonctionner les conseils départementaux et régionaux, où nous avons des salariés.

Je rappelle que notre cotisation sert aussi à aider les médecins. Nous avons une aide directe aux médecins en difficulté par le biais de l’Entraide, où nous donnons 345.000 euros.

Il y aussi l’aide indirecte via les associations comme Mots, ou l’Afem*, qui permets aux étudiants en médecine lorsqu’ils ont des problèmes, que leurs parents sont décédés ou ne peuvent plus assurer le budget des études de les prendre en charge. Le budget pour ces associations est de 450 000 euros par an.

 

Quel est le budget total de l’Ordre ?

Pour 2023, le budget prévisionnel de l’Ordre s’établit à 97 millions d’euros. Depuis les recommandations de la Cour de comptes, nous fonctionnons sur un régime de dotations. Chaque conseil régional ou départemental nous propose son budget, et le budget est doté en fonction des besoins.

 

Quelles sommes sont allouées aux différents conseils : national, régionaux et départementaux ?

Les conseils départementaux et régionaux perçoivent en moyenne 58 millions d’euros. Et pour ce qui est du Conseil national propre, c’est 37 millions d’euros.

 

La rémunération des conseillers a-t-elle augmenté du fait de l’inflation ?

Cette rémunération n’a pas augmenté depuis au moins 12 ans. L’indemnisation est la même pour les conseillers qu’ils soient nationaux, régionaux ou départementaux. Elle s’élève à 241,50 euros brut à la demi-journée, soit 483 euros par jour, somme à laquelle il faut retirer les charges sociales.

 

Le Dr François Arnault, président du Cnom, s’est prononcé en faveur d’une hausse du prix de l’acte pour les médecins. Sa position est-elle valable pour tout le Conseil national ?

Le Dr Arnault représente le Conseil national. La position de l’Ordre n’est pas de déborder sur les platebandes syndicales, ça n’est pas à nous de dire que l’acte médical vaut tant. Mais nous défendons ce que souhaitent les médecins. On estime effectivement que l’acte médical n’est pas aujourd’hui au prix où il devrait être. Mais ça n’est pas à nous de le fixer mais aux syndicats lors des négociations conventionnelles. C’est vrai que le président François Arnault, soutenu par l’institution, défend les revalorisations des médecins qui pour beaucoup sont en souffrance.

 

* Aide aux famille et entraide médicale.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Bonin

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