Jamais deux sans trois. Après un débat houleux mercredi soir à l’Assemblée nationale, la Première ministre Elisabeth Borne a enclenché une nouvelle fois la procédure du 49.3, engageant la responsabilité du Gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Le texte de l’exécutif comporte des mesures décriées par les professionnels de santé, comme l’ajout d’une 4e année d’internat de médecine générale à réaliser en priorité dans les zones sous-denses, ou au contraire plébiscitées, telle l’exonération des cotisations vieillesse pour les médecins en cumul emploi-retraite.

 

Il aura fallu attendre 23h41, mercredi 26 octobre, pour que le couperet tombe. Comme elle l’avait fait pour la partie “recettes” (3) du PLFSS 2023, Elisabeth Borne a de nouveau dégainé l’article 49.3 de la Constitution pour tenter de faire adopter sans débat la partie “dépenses” (4) ainsi que l’intégralité du texte. Une procédure justifiée par des impératifs de calendrier parlementaire – 1160 amendements restaient à examiner alors que le texte doit être transmis au Sénat mercredi prochain – ainsi que par l’intention affichée par les partis d’opposition de ne pas voter le texte final. Le texte final “tient compte de vos échanges en commission”, a assuré Elisabeth Borne aux députés, affirmant que “plus de 150 amendements ont été retenus, de la majorité comme des oppositions”. Au lieu des 6,8 milliards initialement prévus, le déficit de la Sécu est désormais estimé autour de 7,3 milliards l’an prochain, après un premier ajustement de quelque 400 millions d’euros à l’issue de l’examen du volet “recettes” et d’une nouvelle rallonge de 100 millions d’euros dans le volet “dépenses”. Les députés de la France insoumise ont d’ores et déjà annoncé leur intention de déposer une motion de censure sur le texte.

 

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L’examen de la partie 4 avait repris mardi après-midi sur des articles appelés prioritairement par le Gouvernement (32 à 36), privant les élus d’un débat attendu sur les mesures de lutte contre les déserts médicaux.

Voici les principales mesures qui vous concernent qui figurent dans la version modifiée retenue par du Gouvernement : cliquez ici.

 

Exonération des cotisations pour les médecins en cumul emploi-retraite (article 7 sexies)

Accédant à une demande des syndicats de médecins libéraux et des élus Républicains, le Gouvernement a intégré à la partie 3 du PLFSS l’exonération des cotisations vieillesse due en 2023 pour les médecins en cumul emploi-retraite. Pour être éligibles au dispositif, les médecins retraités devront justifier d’un revenu annuel inférieur à un montant qui sera fixé ultérieurement par décret. La Carmf a alerté sur le manque à gagner que représente cette mesure pour les trois régimes, appelant l’Etat à compenser.

 

Des “rendez-vous” de prévention aux âges clés de la vie (article 17)

Cette mesure phare du projet de loi a été enrichie par les débats en commission, les amendements adoptés précisant le contenu de ces “consultations de prévention, séances d’information, d’éducation pour la santé, de promotion de la santé et de prévention”. Ces rendez-vous de prévention doivent aussi être le lieu de repérage des violences sexistes et sexuelles. “Ils ont notamment pour objectifs, en fonction des besoins, de promouvoir l’activité physique et sportive et une alimentation favorable à la santé, de prévenir certains cancers et addictions et de promouvoir la santé mentale et la santé sexuelle. Ils sont adaptés aux besoins de chaque individu et prennent notamment en compte les besoins de santé des femmes et la détection des premières fragilités liées à l’âge en vue de prévenir la perte d’autonomie.”

 

Régulation à l’installation (article 22)

Alors que deux professions – les infirmières libérales et les masseurs-kinésithérapeutes – font actuellement l’objet d’une régulation à l’installation sur le principe une arrivée pour un départ, cet article pose un cadre commun en renvoyant au débat conventionnel la possibilité de conditionner le conventionnement d’un professionnel à sa formation, à son expérience et “aux zones d’exercice”. Les syndicats de médecins, y voyant une possible atteinte à la liberté d’installation, y sont opposés.

 

Rédaction des certificats de décès par les infirmières (article 22bis)

“À titre expérimental, pour une durée d’un an, l’État peut autoriser les infirmières et les infirmiers à signer les certificats de décès“, prévoit cet article. La rémunération forfaitaire, qui sera fixée par arrêté, sera prise en charge par le Fonds d’intervention régional (FIR). Un décret doit préciser les modalités de cette expérimentation.

 

Une quatrième année d’internat de médecine générale, en priorité dans les déserts (article 23)

Les manifestations et grèves des étudiants en médecine n’ont pas réussi à faire infléchir le Gouvernement : le DES de médecine générale doit être rallongé d’une année pour les étudiants débutant leur internat à la rentrée 2023. Les stages ambulatoires seront réalisés “en autonomie supervisée” prioritairement dans les zones médicalement sous-denses. “Le cas échéant, la rémunération des étudiants peut faire l’objet d’aménagements spécifiques tenant compte des conditions d’exercice de stage, lesquels sont déterminés par décret”, stipule cet article.

Vent debout contre le passage en force du Gouvernement, les internes promettent de se “battre jusqu’au bout”, espérant que la navette parlementaire leur sera favorable.

 

Guichet unique d’accompagnement à l’installation (article 24)

Pour faciliter l’installation des médecins sur les territoires, le PLFSS 2023 prévoit de créer un “guichet unique départemental d’accompagnement à l’installation”. Le même article permet aux ARS de conclure un contrat de début d’exercice avec un médecin remplaçant ou un interne.

 

La PDSa étendue aux infirmières, sages-femmes et chirurgiens-dentistes (article 24 bis)

Face aux pressions des élus réclamant un rétablissement de l’obligation de garde des médecins libéraux, la majorité a introduit un amendement étendant “la responsabilité collective” de la permanence des soins aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes, et aux infirmiers libéraux.

 

Accès direct pour les infirmières en pratique avancée (article 24 ter)

“Pour une durée de trois ans et à titre expérimental, l’État peut autoriser les infirmiers en pratique avancée à prendre en charge directement les patients dans le cadre des structures d’exercice coordonné”, prévoit ce nouvel article, ajouté en commission des Affaires sociales en réponse à une demande forte des infirmières. Trois régions participeront à cette expérimentation, dont les modalités seront définies par décret.

 

Consultations avancées dans les déserts (article 24 quater)

Autre ajout de la commission, cet article confie une nouvelle mission obligatoire à l’Ordre des médecins dans le cadre d’une expérimentation de trois ans : organiser des consultations de médecins généralistes et spécialistes dans les zones sous-denses, “dans un lieu différent du lieu d’exercice habituel de ces médecins”. En plus de la rémunération à l’acte, ces consultations bénéficieraient d’une rémunération complémentaire via le FIR.

 

Régulation de l’intérim (chapitre V)

Les établissements de santé ne pourront recourir à des intérimaires qui ne justifient pas d’une durée minimale d’exercice (qui sera définie par décret) hors entreprise de travail temporaire. Cette mesure vise à interdire aux jeunes diplômés médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, sages-femmes ou paramédicaux de débuter leur carrière par de l’intérim.

 

Coup de rabot sur la biologie médicale (article 27)

“Faute d’accord” signé avant le 1er février 2023 par les partenaires conventionnels, le Gouvernement imposera par arrêté des baisses de tarifs sur les actes courants de biologie “dès 2023” à hauteur de 250 millions d’euros. Une mesure d’économie justifiée par les bénéfices engrangés par le secteur en 2020 et 2021 grâce au dépistage du Covid. Redoutant un “coup de rabot” renouvelé en 2024, 2025 et 2026, les biologistes ont débuté un boycott de la transmission des résultats des tests Covid sur la plateforme Sidep.

 

Agrément des sociétés de téléconsultation (titre 8)

Seules les sociétés qui ont obtenu un agrément ministériel pourront demander à l’Assurance maladie la prise en charge des actes de téléconsultations réalisés par les médecins qu’elles salarient.

 

Limitation de l’indemnisation des arrêts de travail en téléconsultation (article 43)

Pour lutter contre les abus, le PLFSS prévoit que les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation ne donnent lieu au versement d’IJ que si l’incapacité physique a été constatée par le médecin traitant du patient ou par un médecin qui l’a reçu en consultation au cours de l’année écoulée.

Vivement décrié par les médecins, l’amendement imposant que les téléconsultations soient réalisées par le biais d’une maison de santé, d’une officine ou d’une collectivité, c’est-à-dire en présence d’un professionnel de santé, n’a pas été retenu.

 

Et aussi…

Expérimentation d’un dépistage néonatal systématique de la drépanocytose, prolongation de l’expérimentation du cannabis thérapeutique, remise au Gouvernement d’un rapport sur les ratios minimal de soignants en Ehpad, accroissement des contrôles des Ehpad…

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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