Pre Chantal Mathieu

Le congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) s’est tenu à Stockholm du 19 au 24 septembre. Il y a notamment été mis en avant une mise au point concernant les recommandations sur la prise en charge du diabète de type 2 (DT2). Les résultats de l’étude UKPDS après 44 ans de suivi ont aussi été présentés, ainsi que plusieurs sessions permettant de faire le point sur l’épidémiologie ou encore la thérapeutique, que ce soit pour le diabète de type 1 ou 2.

 

Au programme de ce grand dossier EASD 2022 :

  • DT2 : un consensus commun EASD/ADA
  • Le nombre de diabétiques de type 1 devrait doubler d’ici 2040
  • DT1 : de nouvelles pistes pour le dépistage et la prévention
  • DT2 : les rémissions à long terme sont-elles possibles ?
  • Contrôle précoce de la glycémie dans le DT2 : des bénéfices à très long terme
  • Insulines à dose hebdomadaire unique : de plus en plus de preuves d’efficacité
  • Le rôle des pouvoirs politiques dans l’obésité

 

Diabète de type 2 : un consensus commun EASD/ADA sur les thérapies hypoglycémiantes

L’accent est mis sur l’importance de la perte de poids, l’activité physique, et l’implication de la personne dans ses soins.

Les sociétés européennes et américaines du diabète (EASD/ADA) viennent de publier, à l’occasion du congrès de l’EASD, un nouveau rapport de consensus sur le management de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2. Ce document paru conjointement dans Diabetes Care et Diabetologia (1-2) met à jour le précédent rapport de consensus (2018) et la mise à jour (2019). Il complète une version préliminaire du rapport présentée lors de la conférence de l’ADA en juin 2022. Comme le souligne, Jennifer Brigitte Green, professeure de médecine à l’Université Duke à Durham (Caroline du Nord), « beaucoup de ces recommandations ne sont pas nouvelles. Ce sont des révisions modestes de recommandations en vigueur depuis des années, mais nous savons que les taux réels de mise en œuvre de l’utilisation de ces médicaments chez les patients présentant des comorbidités établies sont très faibles. »

Les nouvelles recommandations reposent sur des preuves solides qui devraient favoriser leur diffusion et leur utilisation.

Le contrôle du poids joue un rôle prépondérant

« L’élément gestion du poids est beaucoup plus explicite maintenant », a déclaré John B. Buse, directeur du Centre du diabète de l’Université de Caroline du Nord, Chapel Hill. Selon le nouveau rapport, une perte de poids de 5 à 10 % confère une amélioration métabolique, peut modifier la maladie et conduire à une rémission du diabète, définie comme une glycémie normale pendant 3 mois ou plus en l’absence de traitement pharmacologique. L’accent est ainsi mis sur l’importance de la perte de poids dans la gestion de l’hyperglycémie. « Les données récentes de l’essai de style de vie intensif DiRect, mené au Royaume-Uni, la littérature sur la chirurgie bariatrique, et l’émergence de médicaments puissants pour la perte de poids, montrent qu’il est maintenant possible d’obtenir une perte de poids de 10 à 15 % » souligne-t-il.

De plus, la perte de poids a des avantages qui vont au-delà de la gestion de la glycémie. Elle améliore également les facteurs de risque des maladies cardiométaboliques et la qualité de vie.

Individualisation du traitement

La metformine est toujours recommandée comme traitement de première intention pour les patients atteints de diabète de type 2 sans autres comorbidités. Cependant, les nouvelles recommandations de traitement se concentrent sur les inhibiteurs du SGLT2 et les agonistes des récepteurs du GLP-1, indépendamment de l’utilisation de la metformine.

La personnalisation des approches thérapeutiques en fonction des caractéristiques individuelles est désormais un point central. Le Pr Green donne ainsi l’exemple des thérapies de protection des organes pour les patients à haut risque cardio-rénal, notamment ceux qui présentent ou sont à haut risque de maladie cardiovasculaire d’insuffisance cardiaque et de maladie rénale chronique. Les recommandations de traitement se concentrent sur les inhibiteurs du SGLT2 et les agonistes des récepteurs du GLP-1, indépendamment de l’utilisation de la metformine.

Éducation et soutien à l’autogestion

Le texte souligne, par ailleurs, les bénéfices de l’éducation thérapeutique et du soutien à l’autogestion de la maladie. La Professeure Chantal Mathieu, vice-présidente de l’EASD et endocrinologue à Leuven (Belgique), insiste sur l’importance de lutter contre l’inertie thérapeutique et encourage à plus de proactivité des patients. La prise de décision partagée avec les personnes diabétiques doit être renforcée. Cet aspect est aussi important que les traitements médicamenteux, ajoute la Pre Sylvia Rosas (Boston).

L’importance des comportements

Les nouvelles recommandations soulignent également l’importance d’un mode de vie et de comportements sains. Cela concerne, en particulier les habitudes alimentaires, l’activité physique et le sommeil (sommeil régulier de 6 à 9 heures par nuit).

Les conseils en matière d’activité physique sont détaillés et comprennent non seulement les recommandations habituelles de pratiquer 150 minutes d’activité physique modérée à vigoureuse par semaine, combinées à deux séances d’exercices de résistance, mais aussi d’interrompre les périodes de sédentarité à intervalles de 30 minutes par des exercices légers ou des exercices de résistance, et de faire 500 pas supplémentaires par jour.

1) Davis MJ et Al. Diabetes Care, sept 2022
2) Davis MJ et Al. Diabetologia, sept 2022

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après une communication des Prs Melanie J Davis (Leicester), Peter Rossing (Copenhague), Billy S Collins (bethesda, USA), Vanita R Aroda (Boston), Geltrude Mingron (Rome) Tsetalina Tankova (Sofia), Apostolos Tsapas, (Thessalonique), Jennifer B Green (Durham), Chantal Mathieu (Leuven), Nisa M Marathur (Baltimore), Sylvia E Rosas (Boston), John Buse (Chapel Hill, USA)]

 

Le nombre de diabétiques de type 1 devrait doubler d’ici 2040

On estime à 8,4 millions le nombre de personnes vivant avec un diabète de type 1 (DT1) dans le monde en 2021. Ce nombre devrait atteindre 13,5 à 17,4 millions de personnes d’ici 2040.

Les chiffres sont alarmants. D’après un article publié dans la revue The Lancet Diabetes & Endocrinology* et commenté par la Pre Chantal Mathieu, vice-présidente de l’EASD et endocrinologue à Leuven (Belgique), le diabète de type 1 (DT1) toucherait 8,4 millions de personnes dans le monde 2021.

Pour être plus juste, il faudrait ajouter les 3,1 millions de personnes supplémentaires qui auraient été en vie en 2021 si elles n’étaient pas mortes prématurément en raison d’une prise en charge sous-optimale du DT1, et 35 000 personnes non diagnostiquées décédées dans les 12 mois suivant l’apparition des symptômes. Et le modèle prévoit qu’entre 13,5 et 17,4 millions de personnes vivront avec un DT1 d’ici 2040. La plus forte augmentation relative devant se produire dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire ou inférieur.

La Pre Mathieu rappelle également que « le diabète de type 1 est souvent appelé “diabète de l’enfant”. Une personne sur cinq vivant avec cette maladie est âgée de 20 ans ou moins, mais deux tiers sont âgés de 20 à 64 ans et un malade sur cinq est âgé de 65 ans ou plus. Cette maladie ne s’arrête pas à l’âge de 18 ans – les enfants deviennent des adultes, et les adultes des personnes âgées ». Elle déplore qu’aujourd’hui, on estime qu’un décès sur 5 causé par le DT1 est survenu chez des personnes de moins de 25 ans en raison d’un non-diagnostic.

En outre, il persiste une énorme disparité dans l’espérance de vie des personnes atteintes de DT1 frappant plus durement les pays les plus pauvres. Tous les pays doivent examiner et renforcer leurs parcours de diagnostic et de soins pour les personnes de tous âges vivant avec le DT1.

Il apparait urgent d’accroître la sensibilisation aux signes et symptômes de cette maladie dans ces pays, afin de permettre un taux de diagnostic de 100 % dans tous les pays et d’élever le niveau de soins, notamment en garantissant l’accès universel à l’insuline.

* Gregory GA et al. The Lancet Diabetes & Endocrinology, 2022.

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après la présentation de la Pre Chantal Mathieu (Leuven, Belgique)]

 

Diabète de type 1 : de nouvelles pistes pour le dépistage et la prévention

De nombreuses avancées ont été effectuées concernant le dépistage des enfants à risque de développer un diabète de type 1 (DT1) par un dosage de leur auto-anticorps ou par une recherche des gènes de susceptibilité. Des traitements préventifs sont aussi en cours d’étude.

La Pre Anette-Gabriele Ziegler, directrice de l’Institut de recherche sur le diabète au Helmholtz Zentrum (Munich), a rappelé que le diabète de type 1 (DT1) est précédé de plusieurs stades chez les patients à risque génétique. L’activation immunitaire conduit à l’apparition d’auto-anticorps facilement détectables dans le sang. Le stade 1 est caractérisé par la présence de deux auto-anticorps ou plus mais les patients sont encore euglycémiques avant que l’on observe une dysglycémie (stade 2) étape précédant le stade diabète selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La Pre Ziegler explique que des molécules sont en cours de développement pour tenter de retarder l’apparition du DT1. C’est ainsi que cas du teplizumab, un anticorps monoclonal qui est administré pendant le stade 2. Après 18 mois de traitement, 5 % des enfants ont évolué vers un DT1, alors que ce chiffre s’élevait à 45 % pour ceux suivis avec un placebo. La spécialiste regrette qu’« actuellement ce traitement soit réservé aux plus de 8 ans, à ceux qui ont des antécédents familiaux de DT1, et restreint au stade 2 ».

Dépistage des auto-anticorps dans la population générale

L’étude Fr1da (Typ 1 Diabetes : Früh erkennen) initiée en 2015 en Bavière, est le premier dépistage pour le diagnostic précoce d’un stade pré-symptomatique de la maladie chez les jeunes enfants. Les auto-anticorps spécifiques du diabète (anticorps anti-insuline, anti-GAD, anti-ZnT8) ont été recherchés chez plus de 170 000 enfants. Parmi eux, 483 enfants (0,3 %) avaient au moins 2 auto-anticorps. A l’issu de l’étude, 169 enfants ont développé un diabète. Parmi eux, 13,6 % (23 enfants) ne remplissaient pas les critères initiaux (soit un seul anticorps présent, soit développement des anticorps ultérieurement). Le Pr Ziegler souligne « que la détection précoce, accompagnée d’une éducation et d’un suivi, a permis de réduire considérablement les taux d’acidocétoses diabétiques qui surviennent souvent au début du diabète et qui impacte le contrôle glycémique à long terme ».

L’analyse détaillée des données a montré que 3 facteurs intervenaient dans le risque de progression vers le stade diabète maladie : l’HbA1c, les résultats de l’hyperglycémie par voie orale à 90 minutes et les anticorps anti-IA2. Un score de progression a été modélisé à partir de ces paramètres*. La Pre Ziegler estime que le coût du dépistage serait compris entre 20 et 30 euros par enfant.

Risque génétique élevé de DT1 et prévention interventionnelle

En Europe, la Plateforme mondiale pour la prévention du diabète auto-immun (GPPAD : Global Platform for the prevention of autoimmune diabetes) est un programme de prévention primaire. Le dépistage de 328 648 nouveau-nés a montré que 4 272 (1,3 %) d’entre eux présentaient un risque génétique élevé de DT1. Il existe plus de 50 gènes de susceptibilité.

La Pre Ziegler travaille sur deux études d’immunothérapies préventives à des stades précoces chez ces enfants à risque. L’une d’elles, l’étude POInT (Primary Oral Insulin Trial) a pour but d’induire une tolérance en utilisant de l’insuline en poudre à doses croissantes, débutant entre 4 et 6 mois et jusqu’à 3 ans chez 1 050 nourrissons. L’étude qui a débuté en février 2018 suivra les enfants jusqu’à l’âge de 6,5 ans. Un deuxième essai, SINT1A (Supplementation With B. Infantis For Mitigation Of Type 1 Diabetes Autoimmunity), portant sur 1144 enfants vise à moduler l’inflammation digestive via l’administration quotidienne de B. infantis, un probiotique utilisé pour influencer le microbiome. Cet essai pourrait avoir un impact non seulement sur l’apparition du diabète de type 1 mais aussi sur l’allergie et la maladie coeliaque.

* Weiss A, et al. Diabetologia. 2022.

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après la présentation d’Anette-Gabriele Ziegler (Munich)]

 

Diabète de type 2 : les rémissions à long terme sont-elles possibles ?

La rémission du diabète se définit comme un retour à une Hb1Ac inférieure à 6,5 % sans traitement pendant au moins 3 mois. Elle nécessite une perte de poids de 10 à 15 kg. Cependant les rechutes sont fréquentes.

En 2021, le rapport de consensus actualisé de l’American Diabetes Association a défini la rémission du diabète comme « un retour de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) à moins de 6,5 % qui se produit spontanément ou à la suite d’une intervention et qui persiste pendant au moins 3 mois en l’absence de pharmacothérapie hypoglycémiante habituelle ». Cette définition sous-entend donc que tous les médicaments hypoglycémiants doivent être arrêtés pendant une période suffisante pour ne pas interférer dans les résultats d’HbA1c.

Désormais, le traitement du diabète de type 2 (DT2) passe par la gestion de l’obésité et la Dre Amy Rothberg (Université du Michigan), a expliqué que des modifications réussies du mode de vie, des chirurgies bariatriques ou les médicaments hypoglycémiants, qui aident à perdre du poids, permettent d’améliorer la gestion du diabète et peuvent aider les patients à atteindre la rémission.

Une perte de poids indispensable

Le Dr Michael Lean, nutritionniste à Glasgow, souligne l’intérêt de l’étude DiRECT. Dans le groupe d’intervention de cette étude, les patients ont perdu en moyenne 10 kg au bout d’un an après un régime hypocalorique drastique suivi d’une réintroduction d’aliments et maintien de la perte de poids à long terme sans autre thérapie. Après cette période, 46 % des patients diabétiques de type 2 étaient en rémission. Après 2 ans, 70 % d’entre eux l’étaient encore. Au final, de nombreux bénéfices supplémentaires ont été atteints : un allongement de l’espérance de vie, une amélioration de la qualité de vie et un coût de soin réduit. Les remissions s’accompagnent de perte de graisse ectopique, la morphologie du pancréas redevient normale et la fonction des cellules β est restaurée.

Les résultats étaient similaires dans l’étude RETUNE portant sur des patients atteints de DT2 mais dont l’indice de masse corporelle était inférieur à 27 kg/m2. Parmi eux, 70 % des patients ayant perdu en moyenne 8 % de leur poids sont entré en rémission. « La perte de poids même en l’absence de surpoids important est bénéfique pour améliorer le DT2, le niveau de graisse au niveau hépatique et pancréatique redevient normal » explique le Dr Lean.

De même, l’étude STANDby, réalisée sur des patients asiatiques, a montré une rémission dans 43 % des cas après perte de poids.

Pour le Dr Lean insiste, « il faut agir sur la prévention du gain de poids, sur la perte de poids, sur le maintien de la perte de poids, et sur la gestion des risques cardio-métaboliques ». Il rappelle que l’espérance de vie du cancer du sein à 10 ans est de 80 %, pour les lymphomes non hodgkiniens de 60 % mais seulement de 50 % pour le DT2. « La perte de poids pour la rémission du DT2 est aussi importante que la chimiothérapie dans le cancer » conclu-il.

Rechutes fréquentes après une rémission

La rechute se définie par la résurgence du diabète après une période de rémission étayée biologiquement par les taux d’HbA1c, de glycémie à jeun ou après HGPO ou la reprise d’un traitement antidiabétique.

La Dre Blandine Laferrere, endocrinologue à New-York, explique que la rémission peut ne pas durer. Différentes études ont montré l’existence de rechutes après des traitements par insuline intensive, ou par traitement à base de GLP-1 comme l’exenatide. Dans l’étude l’étude Look Ahead, les rechutes étaient corrélées à la reprise du poids des patients. La Dre Laferrere précise aussi que le taux de rechute peut varier fortement de 12 % à 94 %, selon le nombre d’années de suivi depuis la chirurgie. « Bien que le mécanisme exact de la rechute ne soit pas connu, la perte progressive de la fonction des cellules β est susceptible d’être un facteur prédictif ». En effet, les améliorations de la fonction des cellules β étaient maintenues dans le temps chez les patients ayant obtenu une rémission complète, alors qu’elles se détérioraient après 2 ans chez les patients susceptibles de rechuter.

Face aux rechutes qui semblent inévitables, la Dre Laferrere s’est voulu rassurante en expliquant que la récidive du DT2 pouvait être prévenue par une intervention précoce, un maintien d’un mode de vie approprié et des traitements visant à préserver la fonction des cellules β.

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après les communications des Drs Amy Rothberg (Michigan), Michael Lean (Glasgow), et Blandine Laferrere (New York)]

 

Contrôle précoce de la glycémie dans le DT2 : des bénéfices à très long terme

Les nouvelles données de l’étude UKPDS, à 44 ans, confirment l’intérêt du contrôle strict du diabète dès le diagnostic pour réduire les complications.

Un contrôle précoce de la glycémie a des conséquences à long terme. C’est ce qu’ont dévoilé les derniers résultats de l’étude UK Prospective Diabetes Study (UKPDS), étude débutée il y a 44 ans au Royaume Uni.

La Pre Amanda Adler endocrinologue à Oxford a rappelé les premières données de cette étude dans laquelle plus de 5 000 patients nouvellement diagnostiqués pour un diabète de type 2 ont été séparés en 3 groupes. Le contrôle de la glycémie était soit basé sur un traitement par sulfonylurées ou insuline, soit par metformine soit par le biais uniquement d’un régime alimentaire.

Les premiers résultats de l’essai, qui a duré 20 ans, et qui a porté sur plus 40 000 personnes années, ont été publiés en 1998. Ils ont montré sans ambiguïté qu’un bon contrôle de la glycémie réduisait le risque de complications diabétiques. A la suite de cette étude, l’UKPDS a recommandé un contrôle intensif de la glycémie pour tous. « Deux ans après les taux d’HbA1c sont devenus comparables dans tous les groupes » a détaillé la Pre Adler. Cependant, malgré ces modifications, l’analyse publiée 10 ans plus tard, en 2008, a montré que la prise en charge initiale avait des répercussions même 30 ans après le début de l’étude. En effet, la réduction du risque de complications diabétiques était dépendante du contrôle intensif précoce de la glycémie initiée à la découverte du diabète ; les différences portant sur les complications microvasculaires, mais non macrovasculaires.

Le Pr Rury Holman, diabétologue à Oxford, a fait le point sur les dernières données. Ainsi, 44 ans après le début de l’étude, plus de 78 000 personnes années ont été suivie. 84,4 % des patients sont décédés. Et il reste 484 patients vivants dont 14 ont pu avoir un suivi de plus de 40 ans.

Les données indiquent que l’effet du contrôle de la glycémie persiste 44 ans après. Un contrôle précoce et intensif de la glycémie avec des sulfonylurés ou de l’insuline a conduit à une réduction de 11 % de décès et de 26 % des complications microvasculaires. La metformine a permis de diminuer de 31 % les attaques cardiaques et de 25 % les décès. Le spécialiste insiste donc sur l’importance de détecter et traiter intensément et précocement les diabètes de type 2 : « le contrôle de l’HbA1c est primordial. En effet, une HbA1c à 8 % pendant 10 ans puis mieux contrôlée à 7 % pendant les 10 années suivantes conduit à une réduction du risque relatif de décès de 6,6 %. Mais ce chiffre atteint 18,6 % si le contrôle glycémique conduit à une HbA1c à 7 % pendant 20 ans. Le risque est 3 fois moindre ». Pour expliquer ces résultats, il avance l’hypothèse de changements physiopathologiques irréversibles se produisant soit par des réactions oxydatives, des réactions pro-inflammatoires, ou des changements épigénétiques.

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après les communications des Prs Amanda Adler (Oxford), et Rury Holman (Oxford)]

 

Insulines à dose hebdomadaire unique : de plus en plus de preuves d’efficacité

Les données sur les différentes insulines à injection hebdomadaire unique sont encourageantes. Ces nouvelles insulines pourraient améliorer l’adhérence au traitement des patients diabétiques de type 2.

Le diabète de type 2 (DT2) touche 537 millions de personnes dans le monde en 2021, et l’estimation est de 783 millions de cas en 2045. Environ 40 % d’entre elles nécessitent une insulinothérapie. Cependant de nombreux patients sont réticents au passage aux injections d’insuline. « Après l’initiation de l’insuline, un patient sur trois n’adhère pas au traitement, et une majorité préfère un contrôle efficace de la glycémie sans injections quotidiennes » s’inquiète la Dre Athena Philis-Tsimikas, endocrinologue à San Diego. Elle espère que passer de 365 à seulement 52 injections permettra de mieux gérer le diabète.

Deux insulines basales hebdomadaires sont en cours de développement, l’insuline basale Fc (BIF) et icodec. La BIF est composée de deux agonistes du récepteur à l’insuline associés entre eux grâce au fragment Fc des immunoglobulines. Sa demi-vie de 17 jours est due à une absorption lente dans l’espace sous cutanée, explique le Dr Juan Frias, endocrinologue à San Diego.

L’insuline icodec est due à une modification de la structure moléculaire de l’insuline qui est associée à un acide gras permettant ainsi une fixation à l’albumine. Ce complexe constitue une réserve d’insuline dans l’organisme qui va être ensuite libérée très progressivement. La demi-vie est 196 heures.

Les études de phase 2 se multiplient. La Pre Chantal Mathieu, endocrinologue à Leuven, Belgique et vice-présidente de l’EASD cite notamment deux études de phase 2 comparant la BIF administrée une fois par semaine et l’insuline degludec injectée une fois par jour. Dans une des études, les patients étaient traités par insuline avant le début de l’étude et dans la 2ème les patients étaient naïfs d’insuline.

Après 32 semaines, dans la 1ère étude, les 2 traitements ont montré des résultats similaires en termes de contrôle glycémique et de taux d’hypoglycémie.

Dans la 2ème, après 26 semaines, les changements d’HbA1c étaient similaires tout comme le taux d’événements indésirables apparus au cours du traitement.

Ces études ont servi de tremplin à un programme de phase 3, QWINT, comprenant cinq études mondiales.

Le passage à l’icodec a également permis un contrôle glycémique efficace et a été bien toléré comme l’atteste trois essais de phase 2 comparant des patients DT2 insulino-naïfs pendant des périodes allant de 16 à 26 semaines et portant sur des populations de 154 à 247 patients.

Un essai de phase 3a (ONWARDS 2) d’une durée de 26 semaines, a porté sur 526 adultes souffrant de DT2 requérant une insuline une ou deux fois par jour, qui ont reçu soit de l’icodec une fois par semaine soit de la degludec une fois par jour. « Le critère d’évaluation principal, à savoir une non-infériorité de la réduction des taux d’HbA1c à la semaine 26 avec l’icodec par rapport à la degludec, a été atteint sans différence significative des taux d’hypoglycémie estimés » s’enthousiasme le Dr Philis-Tsimikas.

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après les présentations des Drs Athena Philis-Tsimikas (San Diego), Juan Frias, États-Unis (San Diego), et de la Pre Chantal Mathieu (Leuven, Belgique)]

 

Le rôle des pouvoirs politiques dans l’obésité

Le diabète de type 2 est étroitement lié à l’obésité. Et l’obésité à la malbouffe et aux boissons sucrées. Dès lors, des actions politiques sont possibles pour proposer des produits plus sains et inciter les consommateurs à mieux choisir.

L’obésité et le diabète de type 2 qui en découle sont un problème de santé majeur dont l’incidence progresse année après année. La gestion de l’obésité est un problème collectif. Les décisions politiques impactent l’assiette du consommateur.

Au Royaume-Uni, des taxes sur les boissons sucrées ont été mises en place en 2018. Le montant de la taxe est corrélé au taux de sucre avec une exemption dès que le taux est inférieur à 5 g/100ml. « Le changement a été immédiat, affirme Laura Cornelsen, professeure associée en économie de la santé publique à Londres. Les consommateurs ont délaissé les boissons les plus sucrées au profit des boissons non pas sans sucres mais avec un taux inférieur à 5 g/l ». La taxe s’est accompagnée d’une diminution des ventes de 15 % et de la consommation de 18 % (1).

La consommation des boissons les plus sucrées (>8 g/100ml) a conduit à une réduction de 18g de sucre (46 %) par famille par semaine. La consommation des boissons non taxées contenant <5 g/100ml a augmenté de 166 %.

Le montant des taxes récoltées (301 millions de £ entre 2020 et 2021) doit servir à assurer une vie plus saine aux enfants via de nouvelles installations sportives dans les écoles, une alimentation plus diététique… La Pre Cornelsen avoue qu’il reste à valider l’efficacité de cette mesure sur le diabète.

La Dre Maartje Poelman, docteure en santé publique et nutrition, Wageningen, Pays-Bas, déplore que « l’offre de consommation d’aliments trop gras, trop salés, trop sucrés soit si importante. Les publicités telles que « 2 pour le prix de 1 » ne concerne pas les produits sains. Plus de 80 % des produits et des promotions ne respectent pas les recommandations diététiques ». Les exemples d’amélioration sont nombreux comme diminuer l’exposition des enfants au marketing pour les produits de mauvaise qualité nutritionnelle (2) comme cela est fait au Chili par exemple. Cependant malgré une volonté annoncée de la plupart des pays d’Europe d’améliorer la nutrition, peu d’actions concrètes sont engagées constate-elle.

(1) Andreyeva et al, JAMA, 2022.
(2) Djojosoeparto SK Eur J Public Health 2022.

[Avec Congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD, Stockholm, 19 -24 septembre 2022). D’après les communications de la Pre Laura Cornelsen (Londres), et de la Dre Maartje Poelman (Université de Wageningen, Pays-Bas).]

 

Le point sur les grandes nouveautés avec la Pre Chantal Mathieu*, vice-présidente de l’EASD, chef des services endocrinologie clinique et diabétologie clinique, Leuven (Belgique)

Egora-Le Panorama du médécin : Quelles ont été cette année les grandes nouveautés présentées ?

Pre Chantal Mathieu : Le congrès de l’EASD a permis de mettre en lumière des sujets très importants. On a démontré qu’on pouvait inverser la tendance du diabète de type 2 (DT2) et obtenir des rémissions par la perte de poids. C’est réalisable avec des régimes très strictes, de la chirurgie bariatrique mais aussi grâce à des traitements médicamenteux.

Nous avons à notre disposition tout un arsenal de nouveaux médicaments qui sont basés sur les agonistes des récepteurs du glucose-like peptide (GLP)1, des glucose dependent insulinotropic polypeptid (GIP), et les inhibiteurs de sodium-glucose cotransporter (SGLT2). Il y a une panacée de multiples agonistes à effet incrétine qui sont en train d’être développés pour obtenir une normoglycémie. On peut éliminer les hyperglycémies. C’est réellement une nouvelle ère thérapeutique qui s’ouvre avec les agonistes des récepteurs GLP1 hebdomadaire comme le sémaglutide ou la dulaglutide. Et désormais, apparait le premier produit d’une nouvelle génération, les doubles voir multiples agonistes à effet incrétine, comme le tirzépatide.

Quelles sont les études les plus marquantes présentées à l’EASD ?

Il s’agit d’études sur les nouvelles molécules qui permettent d’améliorer le devenir diabétique des patients de type 2.

On a beaucoup parlé du tirzépatide. Les autorités de santé américaine (FDA) et européennes (EMA) ont autorisé l’utilisation de ce produit chez les patients diabétiques sur la base des 5 études Surpass publiées. Ce programme Surpass montre l’impact du tirzépatide sur la perte de poids et sur la diminution de la glycémie. En effet, quel que soit la durée du DT2 ou le stade de la maladie, les résultats ont montré qu’avec du tirzépatide à dose la plus élevée (15 mg), 30 à 50 % des patients obtiennent une normoglycémie c’est à dire une HbA1c <5,7 %.

Le tirzépatide n’est pas encore inclus dans les molécules protectrices du cœur ou des reins, on manque de données à ce sujet. Une étude, Surpass-CVOT, est un essai cardiovasculaire en cours, qui compare le tirzépatide non pas à un placebo mais au dulaglutide.

Ce qui a été présenté spécifiquement à l’EASD sur Surpass ce sont des analyses des caractéristiques cliniques des participants (effet sur la glycémie, le poids, l’HbA1c). Elles concluent qu’avec avec le tirzépatide, tous les diabétiques de type 2 ont un bénéfice que ce soit pour le contrôle glycémique ou la perte de poids.

Le deuxième grand programme sur le tirzépatide est l’étude Surmount, qui elle se déroule dans une population de patients en surpoids ou obèses sans qu’ils soient diabétiques.

Par ailleurs, la présentation de l’étude Deliver sur l’efficacité de la dapaglifozine dans l’insuffisance cardiaque est aussi très importante cliniquement. On a montré que cette molécule était indiquée dans l’insuffisance cardiaque quelle que soit la fraction d’éjection. Il n’y a plus besoin de faire un diagnostic poussé du type d’insuffisance cardiaque. Il suffit d’en démontrer la présence.

Avec toutes ces nouvelles thérapies, la prise en charge du diabète va devenir très intéressant mais aussi très complexe.

Vous avez présenté les nouvelles recommandations sur le management de l’hyperglycémie dans le diabète de type 2. Que doit-on retenir ?

De nombreux points ont été repris des recommandations de 2018 et de l’update de 2019 comme l’importance d’une approche multifactorielle, d’une vie saine, d’une éducation au diabète, et la notion de protection cardiaque et rénale.

Dans ce consensus, nous avons mis l’accent plus fortement sur l’importance d’adopter un mode de vie plus sain, sur la perte de poids mais aussi sur l’importance d’une quantité suffisante de sommeil. Nous avons insisté sur la gestion du poids. Et ce qui me semble vraiment important est que les cliniciens ne doivent pas faire un choix entre protection du cœur et des reins, et un contrôle glycémique et du poids. Désormais, on associe protection cardio-rénale ET contrôle glycémique et pondéral. De plus, en cas de mauvais contrôle de la glycémie sans risque cardio-rénal, il faut envisager très précocement une combinaison thérapeutique et évaluer l’impact hypoglycémiant du traitement. L’approche est multifactorielle et nécessite l’implication du patient.

Nous avons également inclus les nouvelles technologies comme les applications ou les mesures en continue du diabète (CGM).

Enfin, ce qui me parait le plus important est que ces recommandations sont un document pratique pour les cliniciens et non pas uniquement académique. Une fiche pratique accompagne chaque recommandation. Leur accès est libre.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sylvie Coito

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