L’exercice en maisons de santé pluriprofessionnelle (MSP) ne permet pas seulement de faciliter la coordination et de partager les charges, mais de gagner plus sans nécessairement travailler plus. C’est que démontre une étude conjointe de la Drees et de l’Irdes qui vient d’être publiée.

 

Fin 2018, on comptait à peine 20 maisons de santé pluriprofessionnelles en France. Début 2021, 1617 structures étaient recensées par la Cnam. Plébiscitées par les élus locaux, les MSP ont séduit quelques 14 200 professionnels de santé, qui y voient l’opportunité d’améliorer leurs conditions d’exercice en se répartissant la charge de travail et en partageant les dépenses de fonctionnement. Les promesses sont-elles tenues? C’est la question à laquelle tentent de répondre la Drees* et l’Irdes** dans une étude conjointe publiée ce mardi 11 mai.

Alors que de précédentes études ont montré que les MSP “semblent avoir un effet favorable sur le nombre de médecins généralistes installés” et que “la qualité des soins et services rendus serait également plus élevée”, “la question est de savoir si, du point de vue des professionnels de santé, et particulièrement des médecins généralistes, l’évolution de leurs revenus nets de charges est susceptible de refléter ou non une fragilité des MSP”, exposent les auteurs, estimant que “cette fragilité pourrait, à moyen terme, constituer une barrière au développement ou à la pérennité des MSP et ce, malgré les financements perçus via l’ACI***.”

 

 

Pour répondre à cette interrogation, les chercheurs ont comparé l’évolution des revenus et de l’activité libérale des médecins qui exerçaient en MSP sur la période 2008-2014 avec celle de leurs confrères n’exerçant pas dans ces structures. Pour prendre en compte les différences sociodémographiques entre ces deux populations de médecins, “il a été constitué, par appariement exact, un échantillon de médecins généralistes ‘témoins’ comparables en 2008 (en termes de genre, âge, configuration familiale, MEP, complément d’activité salariée, zone d’installation) aux médecins généralistes ‘cas’ exerçant en MSP en 2014”. Ces derniers sont en effet plus jeunes (47.7 ans contre 48.7 hors MSP), moins souvent des femmes (25.4% contre 28.6%), plus nombreux à vivre en couple mariés ou pacsés (83.1% contre 77.1%) et ont davantage d’enfants à charge (1.9 contre 1.6).

 

+2091 euros

Malgré cette correction, certains écarts persistent, qui pourraient être liés “à une conception différente de la pratique de la médecine générale”, notent les chercheurs : les médecins des MSP semblent voir légèrement plus de patients en 2008 (+8.3% en file active, +5.2% en patientèle médecin traitant), avec une part de patients de moins de 15 ans plus importante (+7%); ils ont une part moins importante de leurs honoraires issue des visites à domicile (10.9% contre 12.3%) et ont plus souvent une activité salariée complémentaire (22,6% contre 15.3%).

Sur le plan des revenus, la différence est conséquente : “Entre 2008 et 2014, les médecins exerçant en MSP ont ainsi connu une progression additionnelle de revenu annuel de 2 091 euros comparativement aux médecins exerçant hors de telles structures”, relève l’étude. Ce bonus n’est pas lié à un surcroit d’activités, “mais à une évolution plus rapide de la taille de leur patientèle” et des rémunérations forfaitaires associées. Les médecins en MSP ont augmenté leur file active de 89 patients supplémentaires par rapport à leurs confrères, ce “qui représente 4% de patients en sus vus au moins une fois sur l’année”. “La capacité des médecins en MSP à accroître leur patientèle sans augmenter le nombre d’actes dispensés peut s’interpréter comme un effet direct de la coordination entre professionnels de la MSP”, relèvent les chercheurs. Du fait de l’implantation des MSP, “le plus souvent dans des zones sous denses”, les auteurs considèrent que cette augmentation de la file active est une amélioration de l’accès aux soins.

 

 

 

Autre élément en faveur des MSP : la Rosp. Les médecins généralistes des maisons de santé ont perçu en moyenne 595 euros de plus que leurs confrères au titre de la rémunération sur objectifs de santé publique en 2014, soit un bonus de 9%. “Alors que ce résultat pourrait être lié à une taille de patientèle médecin traitant plus élevée pour les médecins exerçant en MSP, les résultats du modèle qui contrôle précisément cet effet taille suggèrent plutôt qu’il existe une relation positive entre l’exercice en MSP et l’atteinte des objectifs de santé publique fixés dans la Rosp”, relèvent les auteurs de l’étude. De quoi écarter, pour les chercheurs, la crainte que pourrait susciter en MSP “l’association entre un nombre plus élevé de patients vus et un nombre de consultations et visites relativement stable” sur la qualité des soins.

Et de conclure : ” Ces premiers résultats semblent attester des bénéfices attendus de l’exercice pluriprofessionnel”.

 

* Drees : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé
** Irdes : Institut de recherche et de documentation en économie de la santé
***Accord cadre interprofessionnel

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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