Infirmière en pratique avancée, protocole de coopération, profession médicale intermédiaire, sage-femme “référente”… Ces derniers temps, les médecins n’ont eu de cesse de défendre leur statut et leurs compétences, face aux velléités des pouvoirs publics d’accélérer le mouvement des délégations de tâches. Simple corporatisme ou défense de l’intérêt du patient ? Vous en avez débattu sur Egora.

 

Retoquées. Devant le tollé suscité, la création de professions médicales intermédiaires entre l’infirmière et le médecin, tout comme l’instauration d’un statut de “sage-femme” référente ont finalement été supprimées de la proposition de loi visant l’amélioration du système de santé par la confiance et la simplification, votée le 8 décembre à l’Assemblée. Mais le chapitre des délégations de tâches et transferts de compétences est loin d’être clos. Confrontés à la pénurie de temps médical, les pouvoirs publics plaident pour accélérer le mouvement, comme le montre la volonté de développer les protocoles de coopération et d’étendre le champ d’action des infirmières en pratique avancée. Si certains médecins plaident pour décloisonner et partager un peu les responsabilités, d’autres s’alarment des risques d’une prise en charge morcellée, d’une dévalorisation de la profession et d’un nivellement par le bas de la médecine, comme au temps des officiers de santé. En témoignent vos nombreuses réactions, dont voici une sélection.

 

“Sortir du carcan dans lequel nous nous trouvons depuis des années”

Par dadjeridoo

Nurse practioner. Cela fait des années que les canadiens et les US ont développé ce corps de métier, dédié à certains types de patients. En gériatrie, néonatalogie, en réanimation etc… Et cela rejoint en partie le domaine des sage femmes et quelque peu celui des infirmier(e)s anesthésistes. Cela rend d’énormes services. D’un côté on peut pour certains se poser des questions sur la formation des médecins, ou les formations en sciences humaines sont encore bien distancées par la biochimie, la chimie etc… Et de l’autre, la formation des infirmières qui en passant ont intégré la formation universitaire.

Il serait peut être intelligent de permettre à ceux et celles qui sont motivés de progresser dans leur carrière par des formations complémentaires universitaires et ainsi de leur donner des compétences de prise en charge évidentes dans des domaines ou les motivations actuelles des jeunes médecins se traduisent dans les choix faits au concours national de l’internat. L’externe  apprend parfois plus de l’infirmière que du patron. Annexées à ces formations, des grilles salariales appropriées en lieu et place de ses promotions à l’ancienneté qui n’ont guère de sens, dépourvues de toute évaluation des compétences acquises. Bref, il y a des idées à développer pour sortir du carcan dans lequel nous nous trouvons depuis des années et qui aboutit à un désinvestissement des professionnels de santé.

 

“Personne n’a hurlé quand on a noyé les médecins dans les professionnels de santé”

Par Sancha pensa

Pas besoin de faire 10 ans de médecine pour soigner des grippes, tracer-ficher les patients et faire des avortements.

On en est là parce que personne n’a hurlé quand on a noyé les médecins dans les professionnels de santé. Personne n’a moufté quand on a élargi le périmètre de soins et les autorisations de prescriptions des paramédicaux. Personne n’a protesté quand on a soumis la liberté de prescription au bon vouloir de la CPMA et aux injonctions HAS.

Les médecins, dans leurs grande majorité, sont les propres artisans de la dégradation de leur statut et de leur exercice; ils se sont aliénés, soumis  aux conditions drastiques des CAPI puis des ROPS; Ils ont  perdu toute crédibilité et notoriété.

Pas étonnant que les patients nous traitent comme des paillassons et que l’Etat s’essuie les pieds sur nous.

 

“C’est grave de voir que le médecin a 40% de son activité pour le renouvellement d’ordonnances”

Par Raminette

Plutôt d’accord pour développer la profession d’infirmière de pratique avancée de premier recours en leur donnant plus de pouvoir de prescription et le médecin avec ses 10 ans d’études devrait faire la supervision, la formation, la consultation des cas difficiles dépistés et alors être payé plus cher.

C’est grave de voir que le médecin a 40% de son activité pour le renouvellement d’ordonnance et 40% pour des “petits” problèmes courants.

 

“Sans la bobologie, notre vie professionnelle serait vraiment dure”

Par petitbobo

En réponse au commentaire de raminette :

40% + 40% ça fait 80%, ça parait beaucoup…
et pourtant c’est bien la place de la bobologie.

De là à se demander pourquoi faire 10 ans d’études ?
pour ne pas se louper sur les 20%.
C’est ça l’important et pourquoi nous sommes là.

Et j’ajoute que s’il n’y avait pas les 80% notre vie professionnelle serait vraiment, vraiment dure.
Il ne faut pas cracher sur la consultation de bobologie. Celle qui rassure les patients, celle qui créée des liens médecin-patient.

 

“Débarrasser les praticiens des actes simples et inintéressants”

Par Maximiliano_B

“Personnellement, je n’ai jamais compris qu’on puisse faire 11 ans d’études pour faire des ordonnances de renouvellement de lunettes, 6 ans d’études pour faire des détartrages, ou encore 10 ans d’études pour prescrire du shampooing.

Je comprends la colère de l’Ordre de voir la mesure votée en catimini mais au bout d’un moment, le blabla sur les expérimentations nécessaires à l’ère de la mondialisation, ça va bien cinq minutes.

Si on se contentait de regarder à l’étranger ce qui marche très bien et ce qui marche très mal, ça fait quinze ans que cette histoire serait réglée et qu’on aurait des dizaines de professions médicales intermédiaires qui assistent les praticiens et qui améliorent les soins des patients. Et qui débarrasseraient les praticiens des actes simples et inintéressants.”

 

“Le corps médical est prêt à nous confier des actes à condition que nous ne soyons pas reconnus officiellement comme des praticiens”

Par Éric_D_6

“En 33 ans de pratique comme infirmier en réanimation et infirmier anesthésiste, ce sujet a toujours été rejeté par un corps médical toujours prêt à nous confier des actes à condition que nous ne soyons pas reconnus officiellement comme des praticiens.

Pendant un temps la PAES a laissé entrevoir une possible ouverture à un corps de soignants formé par des études progressives permettant de passer d’un niveau à l’autre en supprimant les cloisons étanches qui n’ont d’autre fonction que de créer des castes sociales à côté desquelles l’Inde fait presque illusion d’un pays évolué.
Le corps médical préfèrerait voir la population mourir plutôt que de partager une once de reconnaissance. Aucune négociation n’y changera rien.”

 

“La qualité d’un soignant ne se résume pas à un bac +”

Par Mrr_L

“Vous apprendrez sans doute que la qualité d’un soignant ne se résume pas à “un bac +”. Les sages-femmes sont totalement rabaissées au vu de leurs compétences actuelles. Un médecin généraliste n’as jamais fait 5 ans d’études consécutives uniquement centré sur la santé de la femme que ce soit en matière de gynécologie ou d’accompagnement de la grossesse contrairement aux SF.

Les SF n’ont pas pour objectif de remplacer les médecins généralistes mais bien de les compléter. Elles demandent juste à pouvoir prescrire quelques médicaments contre les IST pas de prendre vos compétences et votre travail… “

 

“La formation d’auxiliaires de santé ne ferait qu’accentuer la déconsidération pour la profession”

Par Jabouhours

“Pas aussi simple que vous ne le pensez, cher Confrère…

J’étais étudiant en médecine dans une fac de province dans la seconde moitié des années 1960, et j’ai connu la “naissance” du numerus clausus et…la dernière expérience de loi sur les officiers de santé.

C’était fin1967, quelques mois avant les “événements” de mai 68: le ministre “des affaires sociales” (c.a.d. en même temps ministre du travail et ministre de la santé) Jean-Marcel Jeanneney a déposé un projet de loi pour recréer le corps des officiers de santé, sur la base d’étudiants en médecine ayant échoué ou n’ayant pas terminé le cursus d’études complet. Une grève s’en est suivi dans les facultés de médecine, et après quelques jours de discussions, le projet a été retiré. Probable que les professeurs d’université et leur réseau d’influence avait appuyé en sous-main le mouvement étudiant…

Et c’est après 68 qu’est apparu ce spectre dont vous ne prononcez pas le nom: le Numerus Clausus…Le prétexte en était le trop grand nombre d’inscrits à l’entrée en fac de médecine par rapport aux capacités de formation. En fait, les causes étaient plus diverses, et le corps médical de l’époque y était en majorité favorable, qui craignait une concurrence croissante et trop contraignante. Les “motivations” économiques sont arrivées après, sous le ministère de Jacques Barrot (le successeur de Simone Veil), qui, en 1979, a opéré les premiers “tours de vis” des restrictions budgétaires dans le domaine de la santé. Et les choses n’ont ensuite fait qu’empirer, au fil des années et des ministres successifs…

Vous avez raison de dire que la formation accélérée d’auxilliaires de santé n’est pas la solution. Elle ne ferait qu’accentuer la déconsidération dont la profession est victime, et qui est certainement une cause majeure de la “désertification”. La société s’est accomodée pendant des décennies d’avoir à sa disposition des praticiens, dans leur grande majorité très compétents et dévoués, qui répondaient aux sollicitations à toutes les heures et tous les jours de l’année pour une rémunération somme toute peu élévée (nous avons souvent fait la comparaison, mon épouse institutrice et moi : notre salaire horaire était le même… Seuls le nombre d’heures hebdomadaires et les contraintes différaient).

La question jamais résolue est : combien la société est-elle prête à payer pour avoir un système de santé fiable, valorisant et disponible à tous ? (la même question pourrait d’ailleurs se poser pour tous les grands corps de notre société actuelle). Tant que cette question n’aura pas obtenu de réponse, ce ne sont pas des décrets, des obligations ou des vociférations qui pourront changer les choses.”

 

“Est-il nécessaire de former à toute vitesse des médecins de brousse”

Par Kritikatoukrin

“Faut-il entendre que “L’exercice de la médecine est trop coûteux pour être confié aux seuls médecins”?

Faut-il entendre qu’il y aura la “basse médecine”, réservée à des professionnels de santé promus et mal formés, mais autorisés par décret à effectuer des “soins banaux” et une “haute médecine”, réservée à Bac+10 pour les cas les plus graves ?

Nous savons tous que de “petits bobos” peuvent cacher une pathologie plus graves, qui aurait intérêt à un dépistage précoce et que toute maladie grave peut débuter par des signes apparemment insignifiants.

Est-il nécessaire de former à toute vitesse des “médecins de brousse” qui iront exercer leur “art” dans les campagnes lointaines, ou au pied des barres d’immeubles ?

La France souffre d’une insuffisance du nombre de médecins qui a été entretenue par les gouvernements successifs pour de basses raisons économiques…”

 

“Le savoir se partage”

Par Brazey

“Il ne faudrait pas se tromper de siècle ! XVIII, XIX… aujourd’hui nous sommes au… XXI ème siècle. L’exercice de la médecine n’a plus rien à voir avec celui de ces époques. Si à cette époque un docteur pouvait embrasser toute la science médicale, aujourd’hui qui en aurait le toupet ? Il va bien falloir déléguer. On ne peut pas tout savoir. Et de plus nous sommes propriétaires personnellement d’aucun savoir.

Le savoir se partage. Si cette lutte officiers/docteurs a fait perdre 50 ans au développement des paramédicaux (terme d’ailleurs très mal choisi car ils ne sont pas à côté de la médecine) il serait dommage de continuer sur cette voie actuelle qui pérennise ce retard avec entre autres les anglo-saxons, les USA et même les asiatiques.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aveline Marques

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