C’est dans un contexte tout à fait inédit qu’a eu lieu, ce mardi 29 septembre, la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Sans surprise, les comptes de la Sécu portent les stigmates de la crise Covid, avec une explosion de la dette à près de 45 milliards d’euros. Néanmoins, les dépenses foisonneront l’an prochain avec la mise en place des mesures post-Ségur, la poursuite de la lutte contre l’épidémie, mais aussi l’élargissement du champ de la Sécurité sociale. Alors à situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles sont-elles prévues ?

 

Aides promises au Ségur de la santé, création de la 5ème branche, hausse de l’Ondam… Les engagements sont nombreux, mais les incertitudes abondent, elles aussi. Alors que le pays connaît, depuis quelques semaines déjà, une résurgence de l’épidémie de coronavirus, le Gouvernement a toutefois assuré, lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021, que le déficit pour 2020 serait finalement moins important qu’annoncé par la commission des Comptes de la Sécu en juin dernier, bien que demeurant hors norme.

Cette dernière prévoyait alors 52,2 milliards d’euros de déficit. Il sera finalement de 44,4 milliards d’euros (régime général + Fonds de solidarité vieillesse), avec 30 milliards d’euros pour la branche maladie. Un déficit en nette explosion toutefois par rapport à l’année précédente (5,4 milliards en 2019).

Pour 2021, le déficit sera soumis à l’évolution de l’épidémie et à la reprise économique, mais il devrait s’établir aux alentours de 27 milliards d’euros. Les prévisions montrent par ailleurs qu’il pourrait encore dépasser 20 milliards d’euros à horizon 2024. Le retour à l’équilibre -initialement prévu en 2023- se voit ainsi relégué à plus tard, même si, le Gouvernement tient à l’assurer, il demeure un objectif primordial.

 

 

Principale particularité du PLFSS 2021 : l’ampleur de la rectification de l’Ondam 2020 liée à l’épidémie de coronavirus. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie a, en effet, été relevé à 7.6% pour l’année en cours, soit une hausse d’un peu plus de 10 milliards d’euros. Au total, l’Ondam a été porté à 215,7 milliards (contre 205,6 milliards prévus en LFSS 2020). Pour l’année prochaine, de nouveaux coûts ont aussi été anticipés pour l’achat de vaccins ou encore de tests et de masques. On estime à 224,6 milliards d’euros les dépenses de l’Assurance maladie pour 2021 (+3,5% par rapport à l’Ondam 2020 rectifié).

Outre les dépenses liées à la lutte contre le coronavirus, le Gouvernement s’est engagé sur plusieurs fronts : plan massif d’investissement prévu dans le cadre du Ségur de la santé, développement de la télémédecine, déploiement des maisons de naissance…. On fait le point en détails sur le budget 2021.

 

 

Provision pour les masques, tests, vaccins…

Comme dévoilé il y a quelques jours par Les Echos, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit bel et bien le provisionnement de 4,3 milliards d’euros pour financer masques, tests et vaccins contre le Covid-19. Ces provisions pourront être adaptées en fonction de l’évolution de la situation, assure toutefois le Gouvernement qui alerte sur de nombreuses incertitudes, notamment concernant les tests. Une provision de 2 milliards d’euros, répartie au sein de l’Ondam entre les soins de ville (85% des financements prévus) et établissements de santé (15% des financements), est consacrée aux tests. Pour les vaccins, la provision s’élève à 1,5 milliards d’euros. Elle se base sur le prix moyen estimé d’une vaccination pour chaque personne prioritaire en cible de vaccination (celles à risque d’exposition professionnelle, les personnes à risque du fait de leur âge ou de leur état de santé, les personnes de moins de 65 ans souffrant de pathologies chroniques, etc.). 700 millions d’euros sont enfin provisionnés dans les comptes sociaux pour équiper en masques les cas positifs, les cas contacts et les personnes à risque de formes graves de Covid. Et 100 millions permettront également de financer les actions de Santé publique France dans la lutte contre le virus.

 

975 millions d’euros d’économies sur les soins de ville

Afin de financer toutes ces dépenses, le Gouvernement compte réaliser 4 milliards d’euros d’économies. Pas moins de 805 millions d’euros d’économies seront réalisées sur la structuration de l’offre de soins. Cela passera notamment par la restructuration et l’optimisation des achats dans les hôpitaux et Ehpad, mais aussi par le développement des alternatives à l’hospitalisation complète.

Comme en 2020 et en 2019, il y aura également l’année prochaine une maîtrise des tarifs des médicaments (640 millions d’euros en 2021). Toutefois, le rapport précise que la crise Covid a montré la nécessité de d’alléger l’effort de régulation pesant sur les produits de santé, “tant pour préserver l’approvisionnement en médicaments anciens dont l’utilité a été plus que démontrée que pour tenir compte des effets de la diminution de l’activité constatée dans les entreprises de dispositifs médicaux”. De fait, “la construction de l’Ondam tient également compte de la réduction de l’objectif de la baisse des prix tant pour les médicaments (- 300 millions d’euros) que des dispositifs médicaux (-50 millions d’euros)”.

Les soins de ville ne sont, eux non plus, pas épargnés. 975 millions d’euros d’économies seront en effet réalisés sur le volet “pertinence et la qualité des actes et des prescriptions”. Déjà à saturation, la biologie médicale devra faire un effort supplémentaire de 140 millions d’euros en 2021. La maîtrise des actes et prescriptions devrait rapporter 570 millions d’euros.

 

 

125 millions d’euros d’économies seront aussi réalisées sur les transports sanitaires et 185 millions d’euros sur les arrêts de travail.

 

 

Toutefois, comme cela a été remarqué lors de la présentation du PLFSS, des rectificatifs seront très probables en cours d’années au vu de la situation exceptionnelle et en cas de dégradation.

 

Revalorisations salariales historiques à l’hôpital et dans les Ehpad

Chose promise, chose due. En plus de la reprise partielle de la dette hospitalière (13 milliards) et du plan d’investissement massif en faveur des établissements de santé et médico-sociaux (19 Md€), le PLFSS 2021 inscrit également les revalorisations salariales “historiques” des personnels hospitaliers et des Ehpad, prévues par les accords du Ségur de la santé, signés en juillet.

Au total, 973.000 personnes bénéficieront de ces revalorisations. Pour les personnels paramédicaux et non-médicaux, cela se traduit concrètement par une hausse de leur salaire net par mois de 90 euros dès le 1er septembre 2020 (la hausse est de 80 euros pour les salariés du secteur privé lucratif). Une deuxième revalorisation de 93 euros net sera versée dès mars 2021. Soit hausse de salaire “socle” de 183 euros net mensuels. 8,8 milliards d’euros se sont ajoutés à la trajectoire de l’Ondam pour la période 2020-2023 afin de prendre en compte ces revalorisations, dont 1 milliard dès 2020 et 5,8 milliards dans l’Ondam 2021.

 

Prise en charge intégrale des téléconsultations prolongée pendant deux ans

Déjà expérimentée pendant l’épidémie pour pallier la fermeture des cabinets, la prise en charge à 100% des actes de téléconsultation pour l’ensemble des assurés va se poursuivre durant les deux prochaines années. Objectif : faciliter le recours à la télémédecine, en particulier dans les déserts médicaux.

Alors que seulement 10.000 actes étaient comptabilisés par semaine au début du mois de mars, ceux-ci ont dépassé le million au plus fort de l’épidémie, début avril. Le Gouvernement espère ainsi, avec cette prolongation, permettre aux médecins de s’équiper des outils nécessaires à la facturation et au paiement à distance des téléconsultations, pour répondre aux demandes croissantes.

 

 

Les maisons de naissance pérennisées

Les maisons de naissance, permettant des accouchements sans hospitalisation, vont, elles aussi, être pérennisées dans le PLFSS 2021. Ces établissements qui encadrent, sous la responsabilité d’une sage-femme, l’accouchement des femmes sans antécédents ni comorbidités particuliers ont fait l’objet d’une expérimentation qui a débuté en 2013 jusqu’à aujourd’hui. Jugeant ces structures efficaces, le Gouvernement a annoncé la création de 12 nouvelles maisons de naissance pour un montant de 2 millions d’euros.

 

Allongement du congé paternité

Annoncé par le président de la République mercredi dernier, l’allongement du congé paternité fait lui aussi partie intégrante du budget de la Sécu. De 14 jours, il passera à 28 jours, avec une semaine obligatoire après la naissance de l’enfant, et ce, à compter du 1er juillet 2021. Le congé indemnisé par la Sécurité sociale augmentera de 11 à 25 jours. Une semaine supplémentaire sera ajoutée en cas de naissance multiple, soit 32 jours. Une mesure dont le coût estimé par le PLFSS 2021 est de 520 millions d’euros par an,

 

Mise en place de la 5ème branche dédiée à l’autonomie

Alors que la population française est de plus en plus vieillissante, le Gouvernement a introduit dans ce PLFSS 2021 la nouvelle branche dédiée à soutenir l’autonomie. Elle s’ajoute aux branches maladie, retraite, famille, et accidents du travail.

Cette 5ème branche sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et bénéficiera d’un financement reposant sur la CSG à hauteur de 28 milliards d’euros en 2021. Elle permettra, entre autres, de renforcer la qualité de l’offre d’accompagnement et de garantir une meilleure équité territoriale dans l’accès aux droits des personnes en perte d’autonomie. Plusieurs décisions ont d’ores et déjà été prises pour un montant de 2,5 milliards d’euros, dont 1,4 concernent la revalorisation salariale des personnels en Ehpad.

 

Une participation forfaitaire pour les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation

Ce PLFSS 2021 contient également une réforme du financement des structures des urgences, en proie à de multiples difficultés depuis bien avant l’épidémie de coronavirus, avec la mise en place dès l’année prochaine d’une participation forfaitaire -le Forfait Patient Urgences (FPU). Cette participation concernera les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation, et remplacera le ticket modérateur proportionnel actuellement exigible. Pour ceux qui bénéficient d’un régime d’exonération de ticket modérateur, le montant sera minoré.

Selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, cela permettra de “limiter les situations de reste à charge très élevé” pour le patient et “d’améliorer la lisibilité des coûts de prise en charge”. Pour les hôpitaux, le bénéfice résidera avant tout dans la simplification de la facturation.

 

Favoriser l’accès aux médicaments innovants

Alors que le débat sur les prescriptions hors AMM a été relancé avec l’épidémie de Covid, le PLFSS 2021 prévoit quant à lui une refonte du système des autorisations temporaires d’utilisation (ATU). L’objectif est de simplifier les règles d’accès et de prise en charge des médicaments innovants aux personnes.

Désormais, le système reposera sur deux piliers uniquement : le premier étant “l’accès précoce” pour les médicaments innovants en développement et destinés à être mis sur le marché, le second, “l’accès compassionnel” lorsqu’aucun développement n’est envisagé.

 

Surtaxe Covid pour les complémentaires santé

Au vu de l’accumulation des dépenses liées à l’épidémie de Covid-19, les organismes complémentaires vont devoir mettre la main au porte-monnaie. En effet, ces derniers ont connu des moindres dépenses au cours des derniers mois, notamment grâce à la moindre consommation de soins, mais aussi à des prises en charge à 100% décidées par le Gouvernement, comme pour la téléconsultation par exemple.

Ils devront donc s’acquitter d’une surtaxe Covid de 1,5 milliard d’euros, qui devra être payée en deux temps : 1 milliard d’euros en 2020 et 500 millions d’euros en 2021. Un montant à prendre avec des pincettes, puisque le montant des remboursements économisés -évalué à près de 2 milliards d’euros- peut encore être revu à la baisse.

 

Pas de nouvelle convention médicale avant 2023

Les négociations de la nouvelle convention des médecins devaient théoriquement s’ouvrir en janvier prochain. Considérant que le moment est mal choisi, puis qu’elles débuteraient juste après les négociations ouvertes suite au Ségur de la santé et juste avant les élections aux URPS (avril), les pouvoirs publics ont souhaité les repousser. Le PLFSS 2021 prolonge donc d’un an et demi l’échéance de la convention médicale. Pour les représentants des médecins libéraux, les négociations de l’avenant 9 qui viennent de s’ouvrir constituent donc la dernière chance d’obtenir une revalorisation significative avant 2023.

Aveline Marques

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Louise Claereboudt

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