Alors que de moins en moins de généralistes libéraux ouvrent leur cabinet le samedi matin pour préserver leur qualité de vie, le Dr Luc Duquesnel plaide pour son inclusion dans la permanence des soins ambulatoires (PDSa). Pour le Président des Généralistes-CSMF, cette mesure serait bénéfique aux patients comme aux médecins, en plus de générer des économies.
MG France demande à inclure le samedi matin dans la PDSa et a lancé un mot d’ordre de fermeture des cabinets pour obtenir satisfaction. Comment se positionne Les Généralistes-CSMF ?
D’abord, je regrette que MG France ait choisi de faire cavalier seul sur ce mouvement de grève, alors que depuis un certain temps nous avions fait le constat que nous étions beaucoup plus efficaces lorsque l’on travaillait ensemble : sur la retraite, sur le 116-117, pour le soin non programmé…
Cette proposition figure en fait depuis trois ans dans notre projet politique et, tant vis-à-vis du Ministère de la Santé que de l’Assurance Maladie, nous faisons tout pour la faire aboutir. Dans mon département, la Mayenne, nous avons fait rentrer le samedi matin dans l’organisation de la PDSa il y a cinq ans, avec le financement de l’ARS. Comme dans quelques autres rares départements, tels la Sarthe, un médecin généraliste de la Mayenne peut donc, s’il le souhaite, être en week-end dès le vendredi soir et jusqu’au lundi matin. Avec cette organisation, les régulateurs sont rémunérés, mais les actes réalisés le samedi matin ne sont pas majorés et les médecins ne perçoivent pas d’astreinte.
A l’époque où de plus en plus de jeunes généralistes se dirigent vers un exercice salarié plutôt que vers l’exercice libéral, on voit que les contraintes de l’exercice libéral et son impact sur la vie familiale pèsent. Il est donc temps d’obtenir que le samedi matin rentre dans la PDSa. Or, les freins sont énormes, tant au niveau du Ministère de la Santé que des parlementaires. On nous dit toujours « oui, vous avez raison », mais rien ne se fait.
Quels sont ces freins ?
Ils sont multiples. On nous avance parfois des arguments financiers : c’est une erreur. Je le vois à l’échelon de mon département : non seulement cela s’autofinance, mais cela génère même d’importantes économies. Sur 100 appels reçus le samedi matin, il n’y en a que 33 que l’on envoie aux médecins effecteurs. Ces 33 patients ne vont pas aux urgences, ce qui génère des économies importantes. Quant aux 67 autres, on leur donne des conseils ou on les envoie vers les pharmaciens de garde : coût zéro en termes de consultations.
Ce que l’on constate, en réalité, c’est que le Gouvernement essaie d’obliger les généralistes libéraux à mettre en place des organisations qui répondent aux demandes de soin en dehors des heures d’ouverture des cabinets, en incluant le samedi matin, au travers des accords-cadres interprofessionnels sur les maisons de santé et des CPTS. Ainsi, on fait l’économie d’une loi ou d’un décret modifiant la PDSa…
Or, quand on a déjà fait 45-50 heures dans la semaine, voire plus, obliger les généralistes libéraux à travailler le samedi matin, c’est totalement dissuasif ! Il y en a de moins en moins qui ouvrent le cabinet ce jour-là : ils voient bien que les patients s’adaptent et viennent dans la semaine et que ceux qui ont un besoin aigu appellent l’organisation mise en place le week-end dans le cadre de la PDSa. Les médecins qui ont fermé une fois leur cabinet le samedi ne font pas face à un vent de révolte : on est face à un phénomène sociétal, le samedi fait partie du week-end.
Quels sont les moyens financiers nécessaires à la mise en place de cette organisation ?
En dehors du montant des actes, la PDSa aujourd’hui n’est plus conventionnelle, mais financée par le fond d’intervention régional (FIR). Il faut verser une astreinte aux médecins, il faut que la régulation soit financée et il faut aussi bien sûr que les actes soient majorés au tarif du week-end.
Tout le monde y gagne ! Le patient a l’assurance d’avoir une réponse à sa demande de soin, sans avoir à attendre le samedi après-midi ni aller aux urgences ou chercher un autre médecin qui travaillerait…
Le médecin, lui, gagne en qualité de vie. En Mayenne, avant que l’on mette en place cette organisation du samedi matin, nous avions observé que de plus en plus de médecins fermaient leur cabinet. Et ceux qui travaillaient encore ce jour-là le faisaient uniquement sur rendez-vous, ne répondant pas au téléphone pour ne pas avoir à prendre de patients dont ils n’étaient pas médecin traitant. Aujourd’hui, tous les médecins qui souhaitent continuer à travailler le samedi matin le font dans de bonnes conditions car ils ne sont plus solliciter par les patients dont le médecin traitant ne travaille pas.
L’ARS, elle, aura l’assurance que toute la population du département accède aux soins le samedi matin, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas dans beaucoup de départements français.
Allez-vous vous joindre à la grève ?
Notre comité directeur s’est positionné pour un mouvement de fermeture des cabinets le samedi matin et tenter d’y associer tous les autres syndicats représentatifs. Il faut que l’on travaille tous ensemble au bénéfice des généralistes libéraux. Et je pense que si on s’y met tous, on obtiendra que le samedi matin soit inclus dans la permanence des soins, j’en suis persuadé.
Nous avons aussi décidé à la CSMF d’y associer l’ensemble des médecins libéraux car, pour les autres spécialités médicales, la situation est encore pire car la garde du week-end débute à 18h le samedi.
Les Généralistes-CSMF démontre ainsi l’importance pour notre syndicat d’appartenir à un syndicat poly catégoriel dont le but est de défendre les intérêts de l’ensemble des médecins libéraux et pas seulement de quelques spécialités médicales.