Le futur « Service d’accès aux soins » (SAS) suscite bien des convoitises. Entre l’Hôpital et les pompiers, les médecins généralistes libéraux, à qui l’on demande de prendre en charge davantage de soins non programmés pour décharger les urgences, défendent leur place dans la future organisation. Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, met en garde les pouvoirs publics : ne pas prendre en compte les besoins des généralistes conduirait droit à l’échec.

 

Le 1er octobre, la Ministre a mis en place un groupe de travail sur le futur « SAS ». Quels sont les enjeux ?

Les sujets qui sont sur la table aujourd’hui concernent aussi bien les plateformes de réception des appels, avec les hospitaliers et les pompiers qui se positionnent, que les numéros d’appel. Pour la médecine générale libérale, cela concerne aussi bien l’organisation aux horaires de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) que celle aux horaires d’ouverture des cabinets médicaux ; c’est ce qui fait d’ailleurs la spécificité de notre spécialité médicale. Il faut que l’on réfléchisse à un dispositif qui couvre les deux, car c’est complètement intriqué.

Cela est en lien avec l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) CPTS qui a alloué des moyens pour la régulation des appels aux heures d’ouverture des cabinets. Il faut donc réfléchir, pour la médecine générale, à des organisations territoriales pour la prise en charge des soins non programmés. Il ne devra donc pas y avoir de dispositif unique mais, au contraire, la possibilité de mettre en place les organisations souhaitées par les médecins.

Globalement, au niveau national, on a des organisations pour la PDSA, les ponts, les jours fériés, qui fonctionnent relativement bien. Comment peut-on, à partir de cela, réfléchir à des organisations pour garantir, aux horaires d’ouverture des cabinets, un accès aux soins aux patients qui n’ont pas de médecin traitant ou qui ont des difficultés pour y accéder ? Elles existent déjà, parfois dans le cadre de CPTS récentes ou sur d’autres territoires : dans le Bas-Rhin, Metz, Giens, Maubeuge, à l’échelon de MSP dans d’autres endroits…

Il ne faudra pas que le rapport rendu par le groupe de travail fin novembre mette à mal ces organisations territoriales mises en place pour répondre aux demandes de soin non programmé. On ne doit pas aller vers un modèle unique.

Et il y a aussi un enjeu politique…

 

C’est-à-dire ?

Dans le système de santé, il y a trois acteurs : l’Hôpital, qui jusque-là avait intérêt à ce que plein d’usagers arrivent dans son service d’urgence pour faire tourner la radiologie, la biologie, la chirurgie… ; les médecins libéraux, soucieux de ne pas trop perturber leur journée ; et le patient qui a son check-up complet pour zéro euro.

L’ensemble des syndicats de médecins défendent un numéro d’accès à la médecine générale : le 116-117 ; c’est essentiel pour éduquer les patients à une bonne utilisation de notre système de santé. Mais là où cela devient un enjeu politique, c’est que les pompiers et les présidents de conseils départementaux (présidents des Services départementaux d’incendie et de secours – SDIS), sur une promesse présidentielle de novembre 2018, militent pour un seul numéro : le 112. Cela va complètement à l’encontre de notre demande.

Par ailleurs, les pompiers veulent récupérer la plateforme de réception des appels d’urgence médicale en prétendant que la régulation médicale est inutile… Nous y sommes totalement opposés.

 

Pour quelles raisons ?

Il faut une plateforme sanitaire pour réceptionner ces appels, comme c’est le cas aujourd’hui dans les Centres 15. On ne peut pas aller sur une plateforme pompiers car cela entraînerait une confusion entre appels sanitaires et appels pour le chien tombé dans le puit, pour la fuite d’eau dans la maison ou l’accident de voiture sans blessé…

Surtout que l’on va devoir réceptionner les appels de soins non programmés. C’est ce que permet l’ACI-CPTS, soit au sein d’une CPTS importante, soit par une mutualisation des moyens de plusieurs CPTS. Tout cela doit être rendu possible par le rapport sur le SAS.

Bien sûr, comme on l’a déjà évoqué, cela nécessite une revalorisation de l’acte de soins non programmé, en déterminant quand il est revalorisé et quand il ne l’est pas – il ne s’agit pas de déboucher sur des abus par effets d’aubaine.

C’est un sujet majeur pour les médecins généralistes. Car, avec la diminution démographique, tout ce qui peut rendre l’exercice plus contraignant est un frein majeur à l’évolution des organisations professionnelles. C’est ce que je constate aujourd’hui avec l’ACI-CPTS, qui définit deux missions socles à démarrer dans les 6 ou 12 mois – soit moins de patients sans médecin traitant, soit prendre en charge le soin programmé. Je vois de plus en plus de médecins qui refusent de s’engager dans les CPTS… Il est donc important que l’on donne les moyens aux médecins généralistes de prendre en charge le soin non programmé, en lien avec la PDSA. Il faut leur laisser mettre en place leur propre organisation territoriale, en définissant les besoins, en recensant les ressources humaines disponibles, en montant le projet et en déterminant les besoins de financement. Dans certains endroits, il faudra du temps infirmier en plus du temps de secrétariat financé par l’ACI-CPTS, donc des financements complémentaires via le Fonds d’intervention régional (FIR) avec l’ARS.

 

Avez-vous déjà été auditionné ?

Nous avons été auditionnés le 8 octobre. L’ensemble des acteurs seront à nouveau auditionnés courant novembre, une fois récoltées les premières propositions.