Evolution épidémiologique, tests sérologiques, chronicité…, les vingt sociétés savantes qui se sont réunies pour établir de nouvelles recommandations sur la maladie de Lyme répondent point par point aux préconisations publiées il y a un an par la Haute Autorité de santé.

 

Particulièrement attendues dans un contexte polémique, l’objectif des nouvelles recommandations établies par la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), à la demande de la Direction générale de la Santé, en association à une vingtaine d’autres sociétés savantes françaises (CNGE, Collège des universitaires de maladies infectieuses et tropicales, et plusieurs sociétés savantes de dermatologie, rhumatologie, neurologie, etc.), était de ne pas “laisser les professionnels de santé et les patients sans repère”. La société était chargée de faire le point sur la prévention, le diagnostic, et le traitement de la borréliose de Lyme.

Le nouvel opus vient donc de paraître sous forme de deux articles publiés sur le site de la revue Médecine et maladies infectieuses les 14 et 31 mai derniers. Le premier document est consacré à la prévention, l’épidémiologie, et au diagnostic, tandis que le second porte sur le diagnostic biologique, le traitement, et les symptômes persistants.

Alors, qu’apportent ces nouvelles recommandations ? Elles font tout d’abord un point épidémiologique susceptible de mettre tordre le cou à de nombreuses idées reçues. Ainsi, les auteurs du texte affirment que l’incidence de la borréliose de Lyme n’a pas augmenté comme il est souvent affirmé, mais “a été stable en France entre 2009 et 2017, avec une moyenne de 53 cas/100 000 habitants par an”, qui ont engendré 1,3 hospitalisation/100 000 habitants en moyenne par an. Ces chiffres ont été établis à partir des données du réseau Sentinelles et des codages des séjours hospitaliers. Et si un pic d’incidence a été observé en 2016 avec 84/100 000 habitants, “on ne peut ni confirmer ni infirmer une tendance ascendante en France”, est-il remarqué dans le texte.

 

 

Sur le plan clinique, les experts rappellent que les principaux points d’appel pour une borréliose de Lyme sont les manifestations cutanées à type, la plupart du temps, d’érythème migrant, et beaucoup plus rarement, de lymphocytome borrélien ou d’acrodermatite chronique atrophiante. Les signes neurologiques ne sont présents que dans moins de 15% des cas à type de méningoradiculite ou d’atteinte d’un ou plusieurs nerf(s) crânien(s) (surtout le facial). Il peut aussi exister des manifestations articulaires (principalement mono-arthrite récidivante du genou), ou encore cardiaques, et ophtalmologiques, mais qui restent “exceptionnelles”.

 

Tests biologiques validés

Autre sujet de controverse, le diagnostic biologique de la maladie. Les auteurs des recommandations précisent les modalités et les indications de réalisation du sérodiagnostic. Ils réaffirment ainsi la pertinence des tests, qui étaient pourtant critiqués par les associations de patients. Le diagnostic doit être mené en deux temps. Ainsi, un test Elisa est tout d’abord effectué, puis en cas de positivité, une confirmation par Western blot, de meilleure spécificité, est effectué.

Cependant, cette sérologie ne doit pas être pratiquée en cas d’érythème migrant, qui est une manifestation précoce de la maladie et entraine donc une trop faible sensibilité des tests (30–40 %) dans cette situation. En revanche, six semaines après l’apparition des symptômes, le test sérologique est associé à une sensibilité et à une spécificité supérieures à 90%”, précisent les experts.

Par ailleurs, en cas de manifestations précoces disséminées accompagnées de symptômes neurologiques survenant dans les six semaines suivant la morsure de tique (neuroborréliose de Lyme précoce), le test sérologique sanguin peut être négatif. Les auteurs recommandent donc de faire simultanément une recherche d’anticorps dans le sang et le liquide cérébrospinal (Elisa) avec recherche de synthèse intrathécale.

Sur le plan thérapeutique, les recommandations préconisent en première intention la doxycycline en cas d’érythème migrant du fait de “la continuité entre les formes localisées et disséminées précoces et de l’efficacité de la doxycycline en cas de neuroborréliose”. La durée du traitement est de 14 jours. L’amoxicilline constitue une alternative. En cas de neuroborrélioses la durée sera de 14 jours si l’atteinte est précoce, mais sera portée à 21 jours en cas de symptomatologie plus tardive (alternative: ceftriaxone). Enfin, pour les atteintes articulaires, le traitement repose sur la doxycycline, la ceftriaxone ou l’amoxicilline, et sera d’une durée de 28 jours.

Autre point majeur de discorde, les auteurs réfutent l’existence d’une forme chronique de la maladie. Ils reconnaissent que certains patients peuvent présenter des “symptômes persistants somatiques” après une borréliose de Lyme documentée ou supposée, qui sont généralement polymorphes. Il peut s’agir d’asthénie, d’arthralgie, de myalgie, de maux de tête, de troubles cognitifs, de paresthésie, etc., avec un impact fonctionnel non négligeable. Cependant, les spécialistes soulignent que, dans ce cas, “un autre diagnostic est porté chez 80 % d’entre eux”. En conséquence, ils recommandent de ne pas répéter ou prolonger l’antibiothérapie. Ils soulignent cependant l’importance d’informer les patients sur le fait que leurs symptômes sont non spécifiques et peuvent être liés à diverses causes (stress, détresse émotionnelle, troubles du sommeil…), et d’éviter les simplifications excessives et stigmatisantes du type “tout est dans votre tête”.

 

 

Le suivi sérologique n’est pas recommandé et le succès thérapeutique est évalué sur l’évolution clinique.

Enfin, concernant la prévention, les auteurs rappellent  que “le risque de développer une borréliose de Lyme après une piqûre de tique est <5%, même dans les zones de forte endémicité et après attachement prolongé de la tique”. En conséquence, la sérologie n’est pas recommandée systématiquement, et “il n’existe aucune situation justifiant une antibioprophylaxie post-piqûre de tiques en France”, précisent les spécialistes.

 

La discorde s’amplifie

“Sur le terrain, ça va semer la confusion. Les médecins vont être perdus et c’est les malades qui vont trinquer”, craint Christian Perronne, chef de service en infectiologie au CHU de Garches (Hauts-de-Seine). “Il s’agit d’ ‘avis d’experts’ qui s’autoproclament ‘recommandations’, mais il n’est pas question de les reconnaître“, a déclaré à l’AFP celui qui préside le collège scientifique de la Fédération française des maladies vectorielles à tiques (FFMVT), collectif de médecins et chercheurs créé en 2015 pour soutenir les associations de malades.

“La Spilf foule au pied” le travail “officiel” de la HAS, s’emporte aussi Bertrand Pasquet, président de l’association ChroniLyme, qui craint que les sociétés signataires du texte ne diffusent ces recommandations à leurs membres et qu’elles s’imposent de fait. “Ça va être la loi du plus fort.”

Deux réunions de concertation sur la maladie de Lyme auront lieu début juillet, a indiqué à l’AFP le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon. D’une part, un “comité de pilotage” va être convoqué au ministère. D’autre part, la HAS a invité les experts qui viennent de publier leurs propres “recommandations” à présenter leurs travaux. La publication de ces nouvelles recommandations “s’intègre dans l’objectif d’actualisation régulière des travaux de la HAS”, assure Jérôme Salomon, qui réfute l’existence d’une “confusion”.

 

[Avec AFP : Médecine et maladies infectieuses 14 mai 2019 et 31 mai 2019]

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Marielle Ammouche

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