Luc Duquesnel, le président des Généralistes de la CSMF, considère que les cinq années passées n’ont en rien amélioré la situation de la médecine générale et qu’elle s’est, à bien des égards, dégradée. Entretien.
Au terme de ce quinquennat, quel bilan pour la médecine générale ?
Dr. Luc Duquesnel. Si l’on se reporte cinq ans en arrière, les attentes des médecins généralistes étaient fortes. Bien que spécialité médicale, la médecine générale demeurait peu attractive auprès des jeunes médecins. On connaissait déjà des problèmes d’accès aux soins sur le territoire et l’on remarquait que, depuis des années, du fait du vieillissement de la population, notre patientèle nécessitait des consultations de plus en plus complexes. Et puis bien sûr, il y avait en médecine générale libérale, ce problème global d’une spécialité où l’on travaille le plus, tout en étant la moins bien rémunérée.
Cinq ans après, la situation n’a pas changé, elle s’est même aggravée. Depuis 2007, nous avons perdu 13 % de médecins généralistes, et le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) nous annonce que, d’ici à 2025, on va encore perdre 13 % de médecins généralistes libéraux. Ce qui veut dire que ce quinquennat n’a pas rendu notre spécialité plus attractive. Et ce n’est pas la perspective d’un C à 25 euros au 1er mai qui va la rendre plus attractive. En parallèle, on ne peut pas dire que la convention médicale ait permis de prendre en compte toutes les modifications liées à ces consultations complexes.
Donc le bilan est globalement négatif, avec une convention médicale qui, comme l’annonce à chaque fois le directeur de la CNAM, a mis une somme importante sur la table, plus orientée vers la médecine générale. Mais à partir du moment où l’on n’a rien fait durant le quinquennat puisque les seules majorations que nous avons connues sont liées à la ROSP, le retard est toujours aussi considérable. Cela concerne les dispositions qu’il aurait fallu prendre pour rendre cette spécialité attractive, les revenus et la tarification, qui ne correspond pas au contenu de nos consultations, mais aussi leur permettre d’adapter leurs organisations aux enjeux de demain.
Néanmoins, les spécialistes considèrent que cette convention fait la part belle aux médecins généralistes, à leur détriment…
La convention ne peut pas être destinée uniquement aux médecins généralistes. Près de 400 millions d’euros sont destinés aux autres spécialités médicales mais il est vrai que, depuis 20 ans, les parents pauvres de la médecine libérale sont les spécialités cliniques. Il y a donc la médecine générale, mais d’autres spécialités cliniques qui ont été oubliées dans cette convention. La résultante des quatre dernières conventions c’est là où en est la médecine générale aujourd’hui. Cette nouvelle convention ne prépare pas l’avenir, elle essaie de rattraper une partie du retard pris. Voilà pourquoi elle génère de telles frustrations parce qu’elle n’est pas tournée vers l’avenir et qu’elle ne va pas attirer les jeunes.
Qu’aurait-il fallu faire pour enrayer la spirale de désaffection des jeunes vis-à-vis de la spécialité ?
Je pense qu’on doit se poser la question des limites de la négociation conventionnelle avec un financeur qui est l’Assurance Maladie et, quelque part, l’Etat qui enferme cette négociation dans une enveloppe financière sans prendre en compte les besoins de santé de la population en ambulatoire. On doit poser la difficulté à prendre en compte la complexité de la prise en charge de patients atteints de pathologies chroniques, dans le cadre du seul paiement à l’acte, avec la peur du directeur de la CNAM, que les médecins généralistes ne cotent plus qu’en consultation complexe.
La question est posée aujourd’hui d’expérimenter, éventuellement dans le cadre d’une option conventionnelle, d’autres modes de prise en charge et donc éventuellement d’autres modes de rémunération complémentaires. Il faut explorer de nouvelles pistes. On a très bien compris, lors de la négociation conventionnelle l’an dernier, que l’on ne pourrait pas, dans le cadre d’une seule tarification à l’acte, obtenir une tarification correspondant au contenu de nos consultations quotidiennes. C’est ce qui fait que les jeunes ont taxé cette convention de “convention de vieux” puisqu’aujourd’hui, la seule voie offerte c’est, pour essayer de payer nos charges, la multiplication des actes avec un C à 23 euros qui passe à 25. Une autre piste concerne les limites du financement par l’Assurance Maladie.
A l’issue de l’assemblée générale de la CSMF, Jean-Paul Ortiz a été mandaté pour prendre contact officiellement avec les organismes d’assurance complémentaire pour voir comment il serait possible d’envisager de travailler ensemble.
Oui. Nous discutons avec les assureurs complémentaires et je pense particulièrement à la partie Prévention où elles pourraient jouer un rôle de premier plan. La Prévention était dans la loi de Marisol Touraine, mais au final il n’y a presque rien dans la convention médicale. Beaucoup de candidats à la présidentielle en parlent dans cette campagne mais qu’en restera-t-il, dans quelques mois ? Très clairement, cette convention a montré ses limites, dans le cadre des dernières négociations. Elle a généré d’énormes frustrations tout particulièrement auprès des spécialités cliniques et notamment la médecine générale.
Vous plaidez pour la négociation d’un nouvel avenant pour la médecine générale ?
Il faut que l’on puisse explorer de nouvelles pistes, tout particulièrement pour les médecins généralistes, afin de prendre en compte la complexité de leurs consultations.
Le quinquennat qui s’achève a été marqué par l’agitation entourant l’élaboration de la loi de santé. Les médecins libéraux ont manifesté, protesté, et au final, que reste-t-il ?
Oui, on nous a mis devant les yeux des chiffons rouges comme le tiers payant généralisé. On s’est battu sur ce type d’éléments, tout çà pour voir qu’il y a 99 % de chances qu’il ne soit jamais appliqué. Globalement, les médecins généralistes ont dépensé beaucoup d’énergie pour pas grand-chose. C’est un quinquennat pour rien, notre spécialité n’est toujours pas plus attractive et notre rémunération est déconnectée de notre quotidien.