Face à la pénurie médicale rampante, les médecins tardent de plus en plus à prendre leur retraite. Et quand ils se décident enfin à sauter le pas, certains sont rappelés par leurs communes en détresse pour reprendre du service. Sur Egora vous aviez pu découvrir les histoires du Dr Micheline Foucry, encore en exercice à 87 ans, mais aussi du Dr Thierry Lorette qui a repris son exercice par “devoir” après trois mois de retraite ou encore des généralistes retraités de Malestroit qui se sont organisés pour exercer dans un cabinet provisoire. Des situations qui n’ont pas manqué de vous faire réagir. Nous publions les meilleurs commentaires.

“A la retraite à 68 ans, je reprends mon exercice par devoir” (publié le 10 mars 2017)

Le Dr Thierry Lorette, qui avait pris sa retraite après 40 ans d’exercice en libéral à Mûr-de-Bretagne (Côtes-d’Armor), vient de reprendre du service en tant que salarié de l’hôpital de Kério (Morbihan). Un choix qui n’a pas été motivé par des questions financières ou par ennui, mais pour rendre service à sa commune en mal de médecin.

“En août 2016, après avoir pris ma retraite, le local de notre maison médicale s’est retrouvé vide. Il n’y avait plus de médecin dans la commune. Les gens sonnaient à ma porte. Les infirmières m’appelaient pour faire des ordonnances. Je me suis retrouvé en porte-à-faux vis-à-vis du conseil de l’Ordre. Le mieux pour moi était de reprendre une activité à mi-temps, en tant que médecin salarié pour m’éviter les galères de la CARMF ou de l’URSSAF. L’hôpital de Kério, à 15 kilomètres de chez nous, a accepté la proposition de la commune de me salarier.

Aujourd’hui, je travaille officiellement le lundi et le mardi en deux fois 9 heures. Le mercredi, je m’occupe de faire les visites, mais je ne le facture pas. Je n’ai aucune exigence financière vis-à-vis de l’hôpital. Je n’ai pas l’intention de faire ça pendant 10 ans. Un an serait idéal et je n’irai pas au-delà de deux ans. Moi qui m’étais très bien acclimaté à la retraite, j’ai eu le sentiment d’avoir le devoir de reprendre mon travail de généraliste. Ça n’a pas été facile de se remettre aux horaires, de reprendre l’idée de la responsabilité. Retravailler m’apporte moins que prévu.”

Les commentaires

as81

“Bravo, mais tout comme moi vous appartenez à la classe des dinosaures voués à disparaître. Hélas, votre témoignage ressemble au roman “l’adieu aux armes”. Les habitants de votre commune sont contents mais la SS, l’ARS, le ministère de la Santé s’en moquent”

Marc_H le ven

Chacun fait ce qu’il veut et c’est bien. Mais d’un côté il y a le libéral qui prend des risques, paye de lourdes charges et de l’autre côté, il y a le médecin salarié qui a ses congés payés, arrêts de travail si maladie ou accident de travail. Ce n’est pas la même chose. Le vrai challenge aurait été de reprendre une activité en libéral avec ses contraintes, mais oui, il y a la Carmf, l’Urssaf…

Critiquer les confrères qui partent en vacances sans être remplacés, et bien c’est la même chose pour nos confrères salariés. Une anecdote avec un patient qui a eu le bonheur de voir son arrête de travail prolongé car le médecin du travail était en vacances!

Je prendrai bientôt ma retraite avec bonheur et, après réflexion, je stopperait totalement mon activité pour faire ce que je n’ai jamais pu faire depuis mes études. Je considère que j’ai suffisamment donné depuis cette époque et je ne me sens redevable de rien.

Baspeyre

Quand il aura fait 1 AVC ou 1 infarctus, il aura tout gagné: même pas la légion d’honneur sur son cercueil.

1204

Conclusion de ce “modèle” les médecins généralistes en France ne devraient plus prendre de vacances et ne plus prendre leur retraite …ils ne devraient pas être malades et ne pas mourir … bref retour au sacerdoce … on se demande comment les autres européens font pour vivre … pauvre Médecine Générale aucun avenir sans un plan de sauvetage valorisant ce qui ne semble pas être d’actualité alors que l’hôpital ne pense qu’à l’ambulatoire et au retour au domicile …ah la santé au temps des Gaulois!

“Je ne sais pas lire les scanners mais je fais des visites” : Portrait d’une généraliste de 87 ans (publié le 22 mars2017)

Installée depuis 1959 à Muron comme médecin de campagne, le docteur Micheline Foucry continue d’exercer à 87 ans passés et n’a aucune intention d’arrêter. “Je continuerai tant que les gens auront besoin de moi. Je ne peux pas les laisser tomber”, lance, la voix sûre et le débit vif, la praticienne qui semble incapable de rester assise dans le fauteuil de son cabinet, installé au rez-de-chaussée de sa maison.

Micheline Foucry s’estime “pas trop bête” mais l’admet, sa pratique de la médecine ne correspond plus aux usages d’aujourd’hui. Elle ne prend pas la carte Vitale, rédige toujours les feuilles de soin à la main et travaille sans ordinateur. Et c’est vrai qu’elle ne sait pas non plus lire un scanner ou une IRM : les spécialistes lui rédigent si nécessaire “un compte-rendu écrit” et elle peut aussi compter sur son fils, médecin lui aussi et installé à sept kilomètres d’elle. Ce dernier envisage toutefois de prendre sa retraite d’ici deux ou trois ans !

Elle juge la médecine actuelle “épouvantable, sans cœur”. “Les médecins sont en nombre là où on peut faire du bateau, mais on manque de médecins de campagne”, affirme-t-elle, déplorant que trop de jeunes praticiens rechignent à effectuer les gardes.

Les commentaires

Petibobo

D’un autre temps…

Je n’ai pas 87 ans, mais moi-aussi je continue, à mon rythme, et je ne suis pas le seul, dans mon quartier il y a quantité de septuagénaires, ils se sont installés en même temps que moi début 70.

Sur le plan professionnel, pas de problème, On fait confiance au compte rendu du radiologue (mais les plus jeunes aussi) Avec une petite patientèle, on a du temps pour actualiser nos connaissances médicales. On a eu un collègue, un parent pour nous initier à l’informatique, internet etc

C’est dur de lâcher.

La vie des anciens généralistes était entièrement axée sur l’exercice de la médecine, et sur la famille avec plus ou moins de réussite (divorces)

Peu de temps pour le reste, les loisirs, les amis (en dehors des confrères)…

Du coup quand ça s’arrête, au début on sent un grand vide…

Les patients tentent leur chance et vous demandent de passer quand même… Toute sonnerie de téléphone vous mobilise…

La famille bien intentionnée vous suggère de rejoindre une structure humanitaire locale, de refaire du bateau, de voyager (retraite carmf…), de lire, d’aller au ciné, de vous occuper de vos petits-enfants… Le pire, ce sont ceux qui vous suggèrent de marcher le dimanche (entre vioques) ! Ou du faire du scrabble ! Ou du bridge ! Ou les mots fléchés !

Et le pire du pire ! ils ajoutent -égrillards- que ça me permettra sûrement de rencontrer une énième compagne, une âme sœur, une veuve ou une divorcée, pour pas être seul, une de mon âge (pas une jeune, j’ai déjà donné) sans risquer de faire une énième pension alimentaire, une avec qui regarder la télé le soir et l’accompagner au super marché ou pire chez Morgan, Camaïeu et l’entendre dire à ses copines que j’aime bien faire les magasins !

Non merci,

Bon, 9h, c’est l’heure, je m’y remets

MT1971

Ce n ‘est pas parce que ce témoignage est ” touchant” qu’il est forcément juste et pertinent….

Un des gros problèmes des générations de médecins qui nous ont précédés c’est qu’ils ont été pour beaucoup :

– “incapables de construire une vie en dehors de la médecine (qui n’est qu’un métier sachez le enfin…)

– ils se sont tous pris pour des prophètes, des sages ou des curés de village…et on les a encouragés puisque chaque humain ” aime bien qu’on s’occupe de sa petite personne…

Ces médecins en ont peut-être tiré une espèce de ” gloire christique ” une espèce de gloriole qui flatte leur ego et console leurs derniers jours lorsque qu’eux aussi ils vieillissent…

MAIS TOUT ÇA NE SERT A RIEN… Sauf pour l’autosatisfaction personnelle… A tous les médecins les confrères, consœurs qu’ils soient trentenaires, quadra, quinquas je donne cet ultime conseil que je m’applique chaque jour… CARPE DIEM CARPE DIEM CARPE DIEM

donbonetti

Eh bien moi je trouve ce témoignage admirable de simplicité, de véracité, de bonne humeur, d’énergie, de modestie mêlée de juste satisfaction pondérée par le sens du temps qui passe.

Et je regrette ainsi, bien qu’il puisse y contribuer comme une lueur, que ce ne puisse plus être un message partageable et réaliste d’espoir car les temps actuels vont du plus en plus désespérant au plus en plus détestable, du plus détestable au plus cynique, et du médecin compétiteur scientiste au plus prolétarisé ou au plus planqué.

Je remercie Egora de cet interview : ça existe et ça fait du bien.

Et je fais une bise épistolaire à cette consœur ainée si pleine de vie quand tant d’entre nous sont des demi-morts mentaux incapables d’avoir su gérer ni leur vie (ça les “regarde”), ni surtout ce qui devrait la dépasser et lui donner sens : l’avenir de leur profession.

Ciao, ciao

Retraités, cinq toubibs reprennent du service pour secourir leur commune en détresse (publié le 6 avril 2017)

Ces dernières années à Malestroit (Morbihan), deux médecins ont pris leur retraite et les trois généralistes restant ont pris en charge, tant bien que mal, les quelques 15.000 personnes situées dans leur bassin de vie. Mais fin septembre, la petite ville bretonne a perdu l’un de ses praticiens, parti précipitamment “pour des raisons personnelles”.

Dans la cité médiévale, le maire et son 1er adjoint, médecin à la clinique voisine, réunissent les deux médecins restant et les pharmaciens pour un conseil de guerre. Trouver un généraliste prêt à s’installer est déjà difficile en soi, en dénicher un “du jour au lendemain” relève de l’impossible. Une idée a germé : pourquoi ne pas faire appel, temporairement, aux cinq médecins retraités de la ville ? Un appel au secours auquel les jeunes retraités, âgés de 70 ans en moyenne, ont tous répondu.

Restait à trouver le statut juridique adéquat pour ces futurs ex-médecins retraités, qui n’ont plus de numéro RPPS. La solution est imaginée en concertation avec l’ARS, la CPAM et le CDOM : ils seront “collaborateurs salariés” du Dr Loïc Hervé, l’un des deux généralistes restant à Malestroit, et exerceront jusqu’à ce que la maison de santé pluridisciplinaire en construction ouvre ses portes, au printemps. Ils prescriront sur les feuilles de soin du Dr Hervé (tout en mentionnant leur nom et prénom) ; ce dernier encaissera… les actes, paiera l’Urssaf et les charges salariales et versera à ses collaborateurs un salaire forfaitaire de 800 euros par mois, pondéré en fonction de l’activité de chacun. A cela s’ajoutera une part des recettes.

Gmed

Je croyais que c’était illégal d’avoir plusieurs collaborateurs pour un seul médecin. La souplesse institutionnelle est à géométrie variable… Souple pour fermer les yeux pour servir des intérêts particuliers, mais moins pour encourager et favoriser des initiatives bouleversant l’ordre établi … par d’autres intérêts particuliers !!!

J’hallucine quand je lis que rien n’a été prévu, c’est à dire changer de pion, quand un médecin cesse brutalement son activité. Où est l’humanité ? Oui c’est sur quand un médecin se suicide, on pense d’abord au désert médical qu’il créé et au jeune qui doit le remplacer pendant X année… Et quid du couple ? des enfants ? de la famille ? Où est la cellule psychologique ? Est-il possible de déclarer un accident du travail ?

Il ne faut pas se tromper, les institutions ne sont pas la solution, elles sont le problème !

Marc H

Oh, que c’est beau l’altruisme !

Mais il ne faut pas se tromper de cible : la situation était prévue de longue date et les responsables sont bien nos élus. Alors qu’ils prennent leur responsabilité et les recettes sont connues : moins de paperasse, plus de liberté et ouverture du secteur 2

Vulcan07

Rien n’empêche ces confrères de reprendre un statut de Retraité à activité libérale réduite, sans remettre en cause leurs retraites qui ont été liquidées

Par contre si on leur permettait d’avoir les conditions d’un médecin nouvellement installé (comme les jeunes) avec dispense totale ou partielle de cotiser a URSSAF – CARMF etc il y aurait beaucoup plus de volontaires !!

Source :
www.egora.fr
Auteur : S. B.