Président du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l’Ordre des médecins et angiologue depuis 34 ans, le Dr Christian Hugue vient de publier Maux de médecins (édition Anfortas). Il y dévoile 30 histoires, toutes véridiques, de confrères s’étant retrouvés devant la chambre disciplinaire du conseil de l’Ordre.

 

Egora.fr : En tant que président d’un conseil départemental de l’Ordre des médecins, qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ?

Dr Christian Hugue : Ce qui m’a poussé à écrire ce livre c’est la surcharge des plaintes, qui sont parfois tragiques, parfois amusantes. On en reçoit environ 300 par an. Il s’agit de plaintes, de litiges, de doléances… Tout cela a fini par m’interpeler. Ça n’est pas toujours le malade qui se plaint de son médecin. C’est aussi parfois le médecin qui craque parce qu’il se sent harcelé dans des demandes qui sont inhabituelles… Ce livre est un regard sur la société actuelle, sur la faiblesse de l’homme. Je me suis dit que j’avais sans doute un message à apporter à nos concitoyens, qu’ils soient médecins, patients ou même des juristes, puisque j’ai assorti chaque histoire de commentaires juridiques pour justifier les sanctions qui sont données.

Sur les 300 plaintes que vous recevez par an, toutes sont-elles instruites ?

Dieu merci, elles ne passent pas toutes par la chambre disciplinaire de première instance. Le mot “plainte” est un peu abusif parce qu’il y a des litiges, des doléances, des différents et des plaintes. Seules les plaintes sont instruites et vont en chambre disciplinaire de première instance. Cela concerne environ 100 plaintes. Toutes les autres histoires sont gérées au siège du département. 

Est-ce qu’une affaire vous a particulièrement marqué ?

Les 30 que je présente dans ce premier recueil sont celles qui m’ont probablement le plus frappé. Il y en notamment une que j’ai appelé Le contrat, qui m’a beaucoup marqué. Il s’agit d’une maîtresse qui dit à son amant médecin qu’elle supporterait d’être veuve mais pas divorcée. Comme il avait envie de faire sa vie avec cette femme, il a passé un contrat pour supprimer son mari. C’est épouvantable. Cette histoire témoigne aussi de la “double peine” à laquelle sont soumis les médecins, par la déconsidération de la profession. Notre code de déontologie et d’éthique nous valorise et nous dessert. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. N’importe quel ingénieur commettrait un acte grave, il aurait une condamnation lourde mais en sortant de prison, il serait encore ingénieur. Nous, nous sommes radiés et puis c’est tout.

Comment justifier cette double peine ? Dans Le contrat, de nombreux patients écrivent à l’Ordre pour vanter les mérites du médecin.

Ce médecin a déconsidéré la profession très lourdement. Son acte a été misérable. Mon livre c’est d’ailleurs un peu les misérables. Les misérables patients qui vont démolir leur médecin pour des histoires qui n’en valent pas la peine et les médecins qui dérapent. Ce livre démontre toute la fragilité humaine. Je ne la condamne pas parce que je ne me place pas plus haut que les autres. Mais toutes ces histoires m’ont perturbé. Je repense à l’histoire d’un médecin envahi par un petit garçon turbulent qui saccageait son cabinet alors qu’il essayait de faire une échographie obstétricale à sa mère. Il a fini par prendre l’enfant sur ses genoux pendant qu’il faisait l’écho. Je me suis mis dans la peau de cet homme et je me suis dit que j’aurais fait la même chose. Jamais je n’aurais pensé que la maman allait porter plainte contre moi alors que le gamin gribouillait au feutre sur mes tentures et mes fauteuils en cuir et qu’elle ne lui disait rien. Je n’aurais pas non plus pensé à dire à la mère “On arrête l’examen et vous reviendrez un jour où mon assistante sera là pour que je n’ai pas à gérer l’enfant”. Le médecin a écopé d’un blâme.

C’est injuste…

Non, il a manqué de discernement. Il aurait dû réagir en annulant le rendez-vous. L’enfant a probablement été effectivement traumatisé de voir sa mère nue.

Elle n’avait peut-être pas à l’emmener chez un gynécologue…

Dans la tête des juges, à partir du moment où le malade se plaint, ça n’est pas lui qui est en tort. L’Ordre a longtemps été accusé d’être une confrérie. On jugeait les plaintes entre nous. L’Etat a considéré que ce n’était pas très sain. Nous avons donc obligatoirement un magistrat du conseil d’Etat qui siège avec nous pour écouter le confrère. Du coup, les peines sont beaucoup plus justes. Le magistrat est neutre.

Je n’ai pas à avoir de jugement critique sur les décisions de justice mais il est vrai qu’elles sont parfois sévères.

 

Retrouvez un extrait des bonnes feuilles de Maux de médecins (éditions Anfortas).

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi Bonin