Candidat à la primaire de la gauche, Vincent Peillon dévoile pour Egora.fr ses propositions santé. Pour lui, il faut en finir avec l’idée d’un médecin par commune et accompagner le regroupement des professionnels. Il entend proposer des incitations financières aux retraités et remplaçants pour qu’ils exercent en zones sous-dotées. Il encourage enfin les libéraux à proposer des solutions pertinentes dans les territoires, et s’engage à les accompagner.
 

 

Egora.fr : Vous président, quelles sont vos trois priorités en santé ?

Vincent Peillon : Ma première priorité, c’est de redonner à l’hôpital public des moyens budgétaires suffisants pour qu’il puisse assumer ses missions. Les personnels sont en souffrance et la qualité des soins est en jeu, il a urgence.

Ma seconde priorité, c’est d’accompagner la métamorphose que connaît l’exercice libéral, en proposant un plan d’urgence contre les déserts médicaux et en donnant aux jeunes professionnels l’envie de s’installer.

Ma troisième priorité, c’est de réaffirmer le rôle central de l’assurance maladie comme pilier de notre République sociale, en étendant ses champs d’action et de prestations par la création d’une assurance santé complémentaire publique, opérée par elle.

Au 1er mai prochain, la consultation des généralistes sera revalorisée à 25 euros. Est-ce suffisant ? Quel est le mode de rémunération le plus adapté aujourd’hui ?

Le passage du C à 25 euros, c’est une mesure d’égalité tarifaire pour tous les spécialistes, je m’en félicite. Pour l’avenir, les aspirations professionnelles des jeunes praticiens doivent être accompagnées par de nouveaux modes de rémunération. C’est une des clés de la réussite des maisons de santé, qui doivent d’abord répondre à des projets portés par le terrain, par les professionnels de santé. J’ai envie de dire aux professionnels libéraux de pousser la logique libérale jusqu’au bout : créez des entreprises médicales, regroupez-vous, proposez des solutions de santé pertinentes pour un bassin de population, engagez vous sur des actions concrètes de prévention, sur la prise en charge des maladies chroniques, sur l’enseignement et de recherche clinique en ville ! L’État et l’Assurance Maladie sauront vous accompagner.

Le tiers payant est inscrit dans la loi de santé. Maintiendrez-vous cette disposition qui se heurte toujours à l’opposition des médecins libéraux ?

Oui, le tiers payant est une mesure de progrès social, je veux l’accompagner et l’étendre. Mais j’entends aussi les médecins, qui craignent une nouvelle usine à gaz administrative. La France a besoin des médecins pour soigner, pas pour gérer de la paperasse ! L’assurance maladie et les complémentaires doivent travailler sur les simplifications nécessaires pour que le système soit simple, efficace et rapide pour les professionnels. L’informatique ne doit pas être un frein au progrès social !

La loi Le Roux écarte les médecins des réseaux de soins mutualistes. Est-ce satisfaisant ou bien faut-il aller plus loin ?

L’indépendance professionnelle des médecins doit être préservée des intérêts privés. La loi de Bruno Le Roux répond à cette logique en excluant les médecins des réseaux de soins mutualistes.

Comment lutter contre la désertification médicale ? Que répondez-vous à ceux qui demandent une plus grande régulation dans l’installation des médecins ?

Nous n’obtiendrons aucun résultat en utilisant des mesures autoritaires. La coercition creuserait la défiance entre les médecins et les pouvoirs publics : j’écarte cette solution. Sur la démographie, je veux faire preuve d’un grand pragmatisme : nous manquons de médecins, en particulier généralistes, et la nouvelle génération de praticiens n’arrivera sur le marché que dans cinq ans au plus tôt. Les deux seuls viviers de médecins actuellement disponibles sont les médecins retraités qui voudraient cumuler emploi et retraite, et les médecins remplaçants. Pour ceux deux catégories, je veux proposer de fortes incitations fiscales et réductions de charges si ils décident d’exercer dans des zones ou des structures définies comme prioritaires par les ARS. Sur le long terme, l’idée n’est pas de mettre un médecin par commune, mais un groupe de professionnels de santé là où ils répondront à un besoin de santé : cela passera nécessairement par un projet médical porté par les professionnels et une contractualisation entre les autorités de santé, les médecins, les patients et les autres offreurs de soins. Le pilotage régional de l’offre de santé et le respect de l’autonomie des acteurs sont deux principes auxquels je crois beaucoup.

Comment redonner du temps médical aux médecins qui se plaignent d’être envahis par les contraintes administratives ?

Les médecins ont raison de vouloir limiter leur temps administratif, nous avons besoin d’eux pour soigner. Je propose un choc de simplification pour l’hôpital public, il doit aussi avoir lieu en ville, en particulier dans les rapports entre les médecins et l’assurance maladie. Les outils numériques nous permettent aujourd’hui d’être plus performants. Il faut absolument avancer sur le dossier médical partagé en misant d’abord sur l’interopérabilité des systèmes existants. Ceci fera gagner un temps précieux à tous les professionnels et sera facteur de nombreuses économies pour le système de santé.

La politique engagée par la gauche a été d’accorder des moyens supplémentaires à l’hôpital tout en engageant un virage ambulatoire. Comptez-vous suivre cette voie alors que la médecine libérale demande plus de moyens pour assurer cette transition ambulatoire ? 

Opposer hôpitaux et médecine de ville n’a aucun sens. Aujourd’hui, l’hôpital assume aussi une partie des soins primaires parce que la médecine de ville n’a pas assez de praticiens pour faire face à la demande de soins. Ses moyens doivent être accrus, simplement parce qu’il n’arrive plus à assumer ses missions de service public avec des budgets si contraints. Mon objectif demain est de redonner une place pertinente à chaque acteur : à l’hôpital, les soins aigus nécessitant réellement un lit ou une place d’hôpital de jour. Aux structures regroupées pluri-professionnelles, tout le reste, c’est à dire l’essentiel ! 

Le numerus clausus se heurte à la mobilité européenne des étudiants en médecine. Quelles sont les solutions ? 

Le numerus clausus n’est plus le seul outil pertinent de régulation de la démographie médicale, même s’il fixe le cap du nombre de médecins formés en France, c’est à dire l’immense majorité des médecins exerçant dans notre pays. Son augmentation ou sa suppression aurait des effets dans 20 ans : c’est un mauvais levier de lutte contre les déserts médicaux. Je considère par contre qu’il est un outil essentiel de respect des capacités de formation de nos facultés médecine. Quand je donne la priorité à l’enseignement supérieur et à la recherche, j’inclus bien entendu la filière médicale, reconnue dans le monde entier pour sa grande qualité. Je ne suis pas favorable à la suppression du numérus clausus, parce que je veux défendre la qualité de la filière universitaire médicale française, riche de son compagnonnage et de son apprentissage clinique précoce.

François Fillon entend faire des économies en désengageant l’Assurance maladie du petit risque. Les complémentaires doivent-elles prendre plus de place dans le remboursement des soins ? Marisol Touraine s’était engagée durant le quinquennat à ne pas dérembourser les patients tout en accroissant l’accès aux soins. Poursuivrez-vous dans cette ligne ?

Aucun déremboursement n’aura lieu et l’assurance maladie restera le pilier solidaire de notre République sociale. Je ne sais pas ce que c’est qu’un petit risque, cette notion n’a pas de sens. Les médecins que j’ai rencontrés m’ont donné un exemple simple : une angine peut révéler une infection par le VIH ou une leucémie aigüe ! Je veux étendre les prestations de la sécurité sociale, et en particulier lui permettre de proposer une complémentaire publique, de qualité, à prix modéré, pour tous les non-actifs et les personnes modestes qui ne sont pas concernés par l’ANI, qui accorde une complémentaire aux seuls salariés. Je pense en particulier aux chômeurs, aux retraités, aux étudiants. Si cette expérience fonctionne, la Sécu pourra proposer une complémentaire à tous les Français qui en font le choix.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier