Un rapport de l’Assemblée nationale fait 20 propositions pour limiter l’errance thérapeutique et améliorer la prise en charge de la fibromyalgie. Cela passe, en particulier par le remplacement du terme “syndrome” par celui de “maladie” pour la définir.

Le rapport d’enquête de l’Assemblée nationale sur la fibromyalgie a été présenté le 12 octobre par Patrice Carvalho, député de l’Oise (Front de gauche). Il constitue un pas en avant important dans la reconnaissance et la prise en charge de cette pathologie méconnue, insuffisamment comprise, et qui toucherait cependant 1 à 2% de la population mondiale, et 1,2 à 2 millions de personnes en France, essentiellement des femmes (87%). “Si notre commission a contribué à modifier le regard de nos concitoyens sur les souffrances des malades de la fibromyalgie en leur donnant la parole dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, elle aura atteint un de ses objectifs” déclarait devant la Commission d’enquête Patrice Carvalho qui dénonce aussi les insuffisances de notre système de santé dans ce domaine.

 

Reconnaissance en tant que maladie

Le rapport présente 20 propositions destinées à améliorer la prise en charge de la maladie. La première d’entre elles est constituée par la reconnaissance de la fibromyalgie en tant que maladie, ce qui passe par la substitution du mot maladie au mot syndrome dans la terminologie employée par les autorités sanitaires françaises. “Il m’est apparu que le fait que les médecins parlent de syndrome ne contribuait pas à crédibiliser la souffrance subie par les patients auprès de leurs proches et de leur entourage professionnel”, explique le rapporteur de la commission. Il considère que la fibromyalgie est encore largement sous-estimée au niveau épidémiologique, de même qu’au niveau des souffrances qu’elle engendre.

Le rapport propose aussi de renforcer la recherche, “qui semble très en deçà […] de ce qui est pratiqué dans certains autres pays occidentaux”. Une expertise collective de l’Inserm en cours de réalisation devrait permettre d’approfondir les connaissances. Mais ses résultats ne seront disponibles qu’en 2018. La formation initiale et continue des médecins doit aussi être améliorée. Cela passe en particulier par une plus grande sensibilisation aux outils de repérage (questionnaires) pour réduire l’errance médicale.

 

Un parcours de soins et des recommandations

Le rapport propose aussi que la Haute autorité de santé (HAS) définisse un parcours de soins servant de référence aux médecins généralistes et spécialistes, avec élaboration de recommandations et de référentiels “susceptibles d’aider les médecins généralistes à coordonner la prise en charge et à mieux orienter les patients vers les spécialistes et les centres de traitement de la douleur, qu’il faut conforter et développer“. La Cnamts a déjà sollicité la HAS, par un courrier daté du 16 juin 2016, afin d’établir des recommandations de prise en charge.

Sur le plan thérapeutique, en absence de traitement spécifique, “il faut donc encourager une approche pluri-professionnelle de la prise en charge des patients afin de promouvoir la réadaptation à l’effort sans créer d’addiction à des médicaments dont l’effet durable est fortement sujet à caution”, suggère Patrice Carvalho, ainsi que l’éducation thérapeutique. Il propose aussi que soit défini un panier de soins (balnéothérapie, consultation d’un psychologue, activités de retour à l’effort, éventuellement compléments alimentaires) “éligible à une prise en charge, peut-être forfaitaire, plus adaptée aux besoins des patients fibromyalgiques que les médicaments”. Il propose enfin d’inclure la fibromyalgie dans la liste des pathologies complexes ouvrant droit à une majoration de tarification pour les consultations de généralistes, comme le prévoit la future convention, ainsi que la reconnaissance de l’ALD pour cas sévères et coûteux en soins.

Le rapport est basé sur 20 auditions au cours desquels 36 personnes ont été entendues, auxquels se sont ajoutés de nombreux témoignages spontanés. Il a été adopté à l’unanimité par les membres de la commission le 12 octobre et sera rendu public dans son intégralité le 19 octobre.

 

Des associations de patients partagées

L’idée d’une Commission d’enquête parlementaire ne convient pas à toutes les associations qui regroupent les malades. Plébiscitée par le collectif d’associations Fibro’Actions, la Commission parlementaire est critiquée par l’association Fibromyalgie France, qui redoute une politisation du dossier et doute de la neutralité de ses membres. Sa présidente déplore surtout que la Commission ait présenté ses propositions avant les résultats officiels de l’expertise de l’INSERM, “qui aurait dû être considérée comme une étape initiale nécessaire pour aboutir, à terme, aux prises de décisions”.

Mais les conclusions de l’INSERM ne sont pas attendue avant 2018, au mieux, rétorque Fibro-Actions, et la commission parlementaire ne fait pas doublon, en se préoccupant aussi de la prise en charge des patients “qui est au mieux problématique, au pire inexistante (…) Il est inadmissible de demander aux malades atteints de fibromyalgie de patienter encore plusieurs années pour avoir une prise en charge sociale décente !“, y affirme-t-on. “L’expertise collective de l’INSERM donnera l’impulsion pour favoriser la recherche sur la fibromyalgie dans notre pays”, espère Fibro-Actions.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Dr Marielle Ammouche

 

[Assemblée nationale, 12 octobre 2016.]