Généraliste remplaçant depuis 7 ans, le Dr Gral* n’a aucune envie de s’installer. Par choix, il ne travaille que la moitié de l’année et dégage environ 2 700 euros mensuels de revenus nets. Une somme suffisante pour bien vivre à ses yeux et une qualité de vie qui lui permet de s’occuper de son fils, de profiter de sa piscine et de jouer aux jeux vidéo.

 

J’ai 35 ans passés et je suis remplaçant depuis 7 ans. Par choix, je ne travaille que la moitié de l’année. J’ai aussi les gardes. J’ai calculé que je faisais à peu près autant d’heures qu’un salarié aux 35 heures et qui a ses congés. Cela dit, comme je suis à la campagne, je dois être joignable tous les jours de 8 heures à 20 heures, et le samedi de 8 heures à midi. On ne peut pas se permettre de rompre la permanence des soins.

 

2 700 euros nets mensuels

J’ai gagné 5 500 euros mensuels bruts en 2015. En revenu net après impôt, ça fait autour de 2 700 euros mensuels. Mais en fait, ce n’est pas comme ça que je calcule. Je pense que la plupart des remplaçants font comme ça : j’ai un revenu brut que j’encaisse sur un compte professionnel. Je divise cette somme en deux. Avec 50% de mon revenu brut, je paye toutes mes charges, qu’elles soient déductibles ou pas. Les 50% restants, c’est mon salaire hors impôts. J’essaie de m’y tenir, mais c’est parfois difficile de ne pas empiéter sur les 50% de salaire pour payer les charges.

 

26 semaines de remplacement et 14 gardes en 2015

Il y a naturellement plus de demande l’été. Mais depuis cette année, j’essaie de travailler davantage l’hiver. Au-delà du temps de travail, on doit se poser la question de ce que l’on fait pendant qu’on travaille. Si je vais dans un cabinet l’hiver, avec 35/40 personnes par jour parce qu’il y a des épidémies, j’ai possiblement un montant plus important après deux semaines qu’après quatre semaines en plein été où il n’y a personne. C’est une grande différence quand le but, c’est d’être à temps partiel.

En 2015, j’ai travaillé 26 semaines. Et j’ai fait 14 gardes, dont 6 de nuit, notamment le 1er janvier. En gros, je travaille à temps plein de juin à fin septembre, sauf une semaine ou deux. Les mois de mi-saison, c’est une à deux semaines par mois. Et décembre-janvier, c’est deux semaines sur les deux mois.

Les cabinets où je travaille sont essentiellement ruraux. Il y a deux cabinets où je vais qui sont à 45 kilomètres de tout centre hospitalier. Et même quand c’est en ville, c’est plutôt semi-rural.

 

Des semaines à 4 500 euros

Pour pouvoir travailler une semaine sur deux, il faut quand même que je fasse un minimum. Quand j’ai moins de 2 500 euros de rétrocession par semaine, je considère que ce n’est pas assez pour moi. Peu importe comment ils sont obtenus, si c’est parce que la rétrocession est bonne ou parce qu’il y a beaucoup de monde. C’est d’ailleurs très variable. La semaine dernière, j’ai eu un peu moins de 2 000 euros parce que la rétrocession est faible et qu’il n’y a pas eu beaucoup de monde. Mais c’est une semaine, de temps en temps. Il y a aussi des semaines où les médecins me rendent 3 000 ou 3 500 euros, parce que la rétrocession est à 100% et parce qu’il y a beaucoup de monde. J’ai fait des semaines à 4 500 euros, en travaillant de 7 heures du matin à 21 heures 30 sans s’arrêter, avec une rétrocession à 100%. Il faut se préparer physiquement et psychologiquement, mais pour moi c’est le top. On peut travailler un mois et s’arrêter trois mois.

Je ne serai pas d’accord de remplacer un médecin qui n’a absolument aucun frais et qui veut quand même reprendre 20 ou 30%. J’ai fait ça au début de ma carrière : un médecin sans secrétariat, sans informatique et avec un local de la mairie me demandait 30%. Ce n’était pas acceptable, ça devient une location de clientèle et non plus une compensation des frais. D’ailleurs, la plupart des frais courent quand même quand un médecin s’arrête. Il ne peut pas cesser de payer sa secrétaire et son loyer quand il part en vacances. La rétrocession, dans tous les cas, reste une location de patientèle. Je vois ça comme un juste retour pour service mutuel. Donc j’accepte 80/20 quand il y a un secrétariat. Je prends aussi en compte le volume de travail.

 

“Je ne compte pas mes dépenses personnelles”

Je paye dans les 10 000 euros à la Carmf, ça fait 26% du BNC. C’est beaucoup. Et encore 7 000 euros à l’Ursaff. J’ai aussi une assurance pour l’arrêt de travail, que je paye 130 euros par mois. Ça me permet d’être pris en charge dès 15 jours de carence au lieu de 90 jours en cas d’arrêt maladie.

Je suis marié, avec un enfant en bas âge. Il a 16 mois. Ma femme est infirmière, elle gagne 1 600 euros nets par mois.

On a acheté une maison il y a deux ans. On paye 1 350 euros de crédit par mois. L’emprunt court encore sur plus de 20 ans. Nous avons une voiture chacun. La mienne a 12 ans, je l’ai achetée d’occasion il y a quelques années. Tant qu’elle roule, je la garde.

Je pense qu’on dépense dans les 700 euros mensuels pour la maison. Je ne fais pas de budget. Pour moi, 2 700 euros nets c’est un très bon salaire. Je commence à compter, mais au début de mon activité je ne comptais pas du tout mes dépenses personnelles. C’était open-bar. Moi qui viens d’un milieu modeste, qui n’ai jamais eu d’argent de ma vie, j’étais super à l’aise.

On ne part pas en voyage, parce qu’on ne le souhaite pas. Si on voulait, on ferait les économies adéquates. On est bien chez nous, on a la maison, la piscine… Pendant mon temps libre, je fais de l’informatique, du sport, je joue aux jeux vidéo, je m’occupe de la maison, de mon fils. Il m’arrive même de m’ennuyer, mais ce n’est pas grave.

Je paye environ 9 000 d’impôts sur le revenu. C’est assez variable. Les premières années, c’était 12 000. Cette année, ce sera 8 000.

J’ai autour de 20 000 euros d’épargne, grâce à mes premières années d’activité. J’ai eu une année à 82 000 euros bruts, toujours en travaillant une semaine sur deux. J’avais fait des semaines de folie.

 

Les forfaits ne sont pas répercutés sur les remplaçants

Depuis le début de mon activité, je considère que mon pouvoir d’achat a reculé. Tout a augmenté, sauf les actes. La Sécu s’est dit qu’elle voulait bien payer les médecins un petit peu plus, mais elle le fait via les forfaits. Ca a permis aux médecins de souffler un peu, mais ça n’a pas du tout été répercuté sur les remplaçants.

Je ne compte pas m’installer. J’y gagnerai peut-être un peu économiquement. J’aurais plus de moyens, mais j’en ai déjà beaucoup plus que ceux que mes parents avaient et ça me suffit comme ça. Et c’est beaucoup trop pénible de s’installer.

 

* Le nom a été modifié.

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier