Après deux départs à la retraite et le décès d’un généraliste, 3 000 patients se retrouvent sans médecin traitant à Bergerac (Dordogne). C’est 10% de la population de la ville. Pour faire face à l’urgence, les libéraux ont mis en place des consultations à l’hôpital. “Ces consultations sont limitées aux renouvellements d’ordonnance et n’ont pas vocation à remplacer un médecin traitant”, assure le Dr Benoît Blanc, qui préside le pôle de santé. Une initiative rassurante pour les patients, mais qui ne saurait être suffisante.

 

Egora.fr : Quel est ce nouveau dispositif que vous avez mis en place ?

Dr Benoît Blanc : Nous avons décidé, pour les patients qui n’avaient plus de médecin traitant et des pathologies nécessitant des renouvellements d’ordonnance, de mettre en place des permanences d’été. Les consultations sont limitées aux renouvellements d’ordonnance et sont réalisées hors permanence des soins. Elles sont faites au tarif conventionnel et n’ont pas vocation à remplacer un médecin traitant. Elles ont lieu à l’hôpital tous les samedi matin au mois de juillet et août. Ce sont les médecins libéraux de la ville qui assurent les permanences. Nous avons de bonnes relations avec l’hôpital de Bergerac, et c’est dans le cadre du réseau Ville-Hôpital que l’hôpital a mis en place très rapidement un numéro dédié, un secrétariat, une salle d’attente… En 24 heures on avait réglé les problèmes de logistique. Huit médecins sont impliqués dans ce dispositif cet été, un par samedi.

Quel est le contexte démographique qui vous a conduit à mettre en place ces consultations ?

Nous avons eu trois départs de médecins cette année. Deux départs à la retraite précipités pour des raisons de santé, et un décès. Nous avons perdu les trois médecins qui avaient les plus grosses patientèles de la ville. Aujourd’hui, on est 20 médecins sur la ville de Bergerac, qui compte 30 000 habitants, et 30 médecins sur la communauté d’agglomération qui compte 60 000 habitants. Nous étions encore une cinquantaine en 2007. On a perdu 40% des médecins en 10 ans. Aujourd’hui, il y a environ 3 000 patients qui n’ont plus de médecin traitant dans notre ville.

Comment s’est passée la première journée de consultation ?

La première, c’était samedi dernier. On a eu 15 patients, un par quart d’heure. Ça c’est très bien passé. Les patients avaient l’air content, on a eu des retours très positifs. Nous n’avons pas eu de mal à remplir les rendez-vous, il y a une forte demande. Le problème, c’est que l’offre fait aussi la demande. Les gens regrettent un peu qu’on ne les prenne pas tout de suite comme médecin traitant. Mais quand vous avez 1 médecin pour 1 800 patients, on arrive à un stade où ça devient difficile. On veut aussi préserver les médecins libéraux qui exercent sur notre territoire. Il ne faudrait pas qu’ils soient tentés, un jour ou l’autre, d’arrêter l’exercice libéral à cause de la trop grande pénibilité de leurs taches.

Les patients acceptent le fait que ces consultations soient limitées au renouvellement d’ordonnance ?

On a fait une grosse campagne de communication. A en croire la première journée de consultation, le message a été compris. Il n’y a pas eu de débordements. Les patients sont compréhensifs. Ça a même apaisé un peu l’angoisse de certains patients. Pour ceux qui souffrent de pathologies lourdes, des cancers, des diabétiques, des hypertendus, et qui se retrouvent sans médecin traitant, c’est totalement anxiogène. Ils se sentent délaissés. Pour eux, c’est rassurant.

Ces consultations ne règlent pas le problème de démographie. Quelles sont les solutions à plus long terme ?

Deux médecins qui sont des remplaçants de longue durée, à mi-temps, envisagent une installation. Ils seront à temps complet à la fin de l’année. On va donc récupérer un temps plein supplémentaire. Et il y a deux autres jeunes, avec qui on négocie âprement pour qu’ils viennent à partir du mois de septembre. Nous avons lancé un pôle de santé il y a trois ans qui réunit les médecins généralistes de la ville. Nous sommes en cours de recrutement. Le cas n’est pas désespéré, on arrive à avoir des jeunes. Malgré tout, ça ne suffit pas.

Par ailleurs, la mairie lance un centre de santé…

La mairie a effectivement pris la décision unilatérale et sans concertation avec les libéraux de créer un centre municipal avec deux médecins salariés. A ma connaissance, ils n’ont pas encore été recrutés. Nous avons pris acte de cette décision, mais elle n’engage absolument pas les médecins libéraux. Nous, on met à peu près deux ans pour faire venir un médecin. Il faut créer des liens, ce sont souvent des internes qu’on a eu en tant que maître de stage. Nous avons une politique d’accueil, on s’occupe d’eux. On arrive à en avoir, malgré l’érosion qui est d’ailleurs nationale. On va donc voir en combien de temps ils y arrivent. La mairie a annoncé en mai que les médecins seraient disponibles au 1er août et que le centre de santé serait monté en trois mois. Pour nous c’est un test. On va voir si la mairie arrive à avoir en trois mois un médecin salarié, alors qu’il nous faut deux ans pour avoir un libéral. On attend. On ne nous a pas demandé notre avis, donc cela ne nous concerne pas directement. Il ne faut pas oublier que sur les 1 500 centres de santé en France, il y en a 1 200 en difficultés financières. Donc nous sommes très perplexes quant à la faisabilité du projet et sur son intérêt en termes de soins de proximité sur le long terme.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur :  Fanny Napolier