Ce mercredi, s’ouvre à la CNAM, la négociation pour la prochaine convention médicale dans le climat tonitruant d’une guerre tarifaire qui sévit depuis plusieurs mois sur le terrain autour du C à 25 euros. Les discussions, à l’issue desquelles les augmentations tarifaires seront négociées, doivent se prolonger jusqu’au 26 août au moins, la convention 2011 arrivant à son terme un mois plus tard.

 

L’occasion de rappeler les points de vue qui opposent (ou rapprochent) l’assurance maladie et les médecins libéraux liés par une plateforme commune de revendications. Plusieurs points chauds seront discutés : les tarifs, le mode de rémunération, le choix de secteur et la protection sociale. A noter que si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord d’ici la date butoir fixée, un arbitre nommé pourra prendre le relais pour rédiger un règlement arbitral et minimal.

 

Tarifs : dépasser le blocage

Le sujet étant tellement “chaud”, y compris pour les cinq syndicats médicaux, qu’aucune mention du prix de l’acte idéal ne figure dans la plateforme commune de revendication finalisée le 18 février et signée par la CSMF, la FMF, le SML, MG France et Le BLOC. Des montants très élevés ont été évoqués, avant cette offensive commune, tels 80 euros pour le SML ou la FMF par exemple, tarif tout compris incluant la prévention, la permanence des soins, le suivi de patients en ALD, la maîtrise de stage et les moyens d’un forfait structure…

Néanmoins, le contexte est parlant, marqué par le mot d’ordre du C à 25 euros, a priori respecté sur le terrain, alors même que la CSMF et l’UNOF considèrent que 30 euros est un minimum pour revaloriser la médecine libérale et lui permettre de négocier le tournant ambulatoire cher à la ministre. Tous, hormis MG France, accepteraient dans un monde idéal, la suppression de tous les forfaits, en contrepartie d’une augmentation très substantielle du C… Dans la réalité, ils savent très bien que ce grand soir est impossible sous ce gouvernement et que les contraintes financières de l’assurance maladie rendront la partie extrêmement difficile.

Unanimement, les syndicats demandent une augmentation du C, bloqué depuis le 1er janvier 2011. “2 euros sur le C ne sont qu’un simple rattrapage”, martelle MG France. Ils demandent également la mise en place d’une nomenclature des actes cliniques valorisant les actes d’urgence, longs, spécifiques aux médecins traitants et aux médecins correspondants, encourageant la coordination entre généralistes et spécialistes, et rémunérant la télémédecine. Pour les actes techniques, ils recherchent une nomenclature valorisant les actes réalisés en ambulatoire, avec plateau technique, et permettant le cumul d’acte clinique et technique, à taux plein, ainsi que le paiement de la consultation post opératoire.

Pour la ministre et pour la CNAM, le véritable prix du C est de 31,50 euros en moyenne, en 2016, rappellent-ils à loisir, incluant dans le prix de la lettre clef, la prise en charge d’une fraction de protection sociale par les caisses, divers bonus qui augmentent le prix du C (urgences, nourrissons, enfants, personnes âgées), ou encore les forfaits médecin traitant, travail en équipe pluridisciplinaire, ALD, coordination ou permanence des soins. Et bien entendu la ROSP, qui représente environ 6 000 euros annuels par généraliste.

Rappelant que l’ONDAM 2016 est fixé à 1,75 %, taux qui traduit l’obligation de réaliser 3 milliards d’économies sur l’assurance maladie par an, d’ici la fin du quinquennat, le directeur de la CNAM Nicolas Revel, souligne que 2 euros sur le C équivalent à 550 millions d’euros de dépenses supplémentaires, et qu’”il faudra faire des choix, assumer des priorités et envisager peut être plusieurs étapes. Nous ne pourrons pas signer une convention à plusieurs milliards d’euros”, vient-il de déclarer récemment lors des Asclépiades de Décision santé.

Intervention au cours de laquelle il s’est dit d’accord pour des augmentations représentant un “mix” entre la hausse du C et les forfaits, “intelligentes et structurantes, valorisant les actes innovants, qui permettraient d’améliorer la rémunération forfaitaire”. Par exemple “en finançant une fonction de coordination lorsque plusieurs médecins d’un même territoire seront réunis au sein d’une plateforme pour prendre en charge des patients complexes”. Le directeur général s’est également montré ouvert à l’étude d’un montant de C “modulable” selon la complexité de la consultation – commande forte des syndicats – ou encore à accorder une égalité de traitement entre généralistes et spécialistes (idem), mais “il ne sera pas possible de tout prendre”.

Quant à la ministre de la Santé, elle avait fait parvenir sa feuille de route au directeur de la CNAM en décembre dernier, et c’est évidemment sans surprise que l’on y trouve tous les éléments cités par le DG. Interrogée ce week-end au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, Marisol Touraine a souligné qu’elle entendait lutter avec vigueur contre le tabagisme, et dans ce cadre ou dans le cadre d’une action ciblée de santé publique, valoriser l’action des médecins allant dans ce sens. “”La rémunération des médecins sera augmentée. La question est de savoir sous quelle forme, de quelle manière et à quel rythme” a-t-elle confié, sans entrer dans les détails.

Ne pas oublier que toute augmentation tarifaire approuvée par la tutelle, ne peut s’appliquer du fait des mécanismes de sauvegarde mis en place, que neuf mois plus tard. Soit, dans le meilleur des cas, en 2017.

 

Forfaits

Pour les médecins, la cause est entendue. Il faut revoir le contenu de la ROSP dont ils jugent les critères obsolètes. Les nouveaux critères doivent être élaborés par les collèges professionnels sur une base scientifique, exigent-ils.

Ils demandent par ailleurs, que le volet organisation du cabinet soit détaché de la ROSP, et réintégré dans un forfait structure, à construire. En revanche, la valorisation de la maîtrise de stage universitaire pourrait faire son entrée dans la ROSP, imaginent-ils.

De manière plus générale, les syndicats médicaux veulent une évaluation de tous les forfaits existants, et la réintégration dans la convention de tous les forfaits correspondant à la permanence des soins, maîtrise de stage universitaire, dépistage ou aide à l’assurance RCP.

Une évaluation est également demandée, de l’ensemble des mesures incitatives mises en place pour l’aide à l’installation. “Il y a des endroits où ces mesures fonctionnent, d’autres où elles ne marchent pas. On ne sait pas pourquoi, et parfois, il faut les associer pour qu’elles soient efficaces. On ne comprend pas tous les mécanismes en jeu”, commente le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF. Les mesures incitatives conventionnelles seront ensuite rapatriées dans la convention, demandent les signataires.

Du côté de l’UNCAM, selon la lettre de cadrage que les trois caisses nationales ont envoyé à Nicolas Revel, on est d’accord pour “refondre les forfaits existants afin de prendre en compte dans toute sa dimension, l’action des médecins dans le suivi de la patientèle”, est-il écrit dans ce document.

Les caisses se fixent pour premier objectif, de poursuivre la réorganisation de la médecine de ville, notamment par le biais du regroupement des professionnels de santé. Et de ce fait, la future convention devra se baser sur l’accord conventionnel interprofessionnel de février 2015, fixant une rémunération propre aux structures pluriprofessionnelles, informent-elles.

S’agissant de la ROSP, les caisses sont d’accord pour faire évoluer les indicateurs selon les “données de la science”, mais elles veulent également revaloriser les actes “particulièrement utiles”, de manière à ce que les médecins puissent accorder plus de temps aux patients atteints de maladies chroniques. Les actes spécialisés, particulièrement couteux à réaliser, sont également cités.

Enfin, elles envisagent de moduler certains éléments de rémunération, notamment forfaitaires, dans les zones d’installation.

 

Secteurs d’exercice

La plateforme syndicale est claire : le choix de secteur doit être libre pour tout médecin, quelle que soit sa spécialité, ses titres et sa date d’installation. Il en va ainsi pour les secteurs 1 et 2, et pour le contrat d’accès aux soins (CAS). Ce choix de secteur doit être réversible annuellement, ajoutent les signataires. On imagine bien que MG France a du approuver ces lignes du bout des lèvres, les dépassements d’honoraires “n’étant pas dans l’ADN des médecins généralistes”, a coutume de dire Claude Leicher, son président. Même prévention pour les généralistes de l’UNOF, qui admet le principe des dépassements “à condition que l’opération soit indolore pour les patients”… Aux mutuelles, donc, de jouer.

Pour les caisses, pas question de cette musique-là. Reconnaissant à demi-mot, que la réforme liée à l’avenant N°8 de la convention n’avait pas forcément donné tous les résultats escomptés en matière de limitation des dépassements d’honoraires, elles prévoient d’approfondir les efforts de maîtrise du montant des dépassements d’honoraires individuels, et veulent recruter encore plus de médecins en honoraires libres, qui souscriraient un CAS. Ce dernier serait simplifié et les médecins qui ont fait ce choix pourraient bénéficier d’une prise en charge partielle de leur protection sociale maladie ou maternité, sur le modèle des praticiens territoriaux de médecine générale ou ambulatoire.

 

Protection sociale

Les signataires de la plateforme demandent avec insistance le maintien de la prise en charge de l’ASV aux deux-tiers par l’assurance maladie, pour les médecins du premier secteur. “L’ASV est lié au contrat conventionnel”, font-ils valoir unanimement.

Ils revendiquent par ailleurs, la mise en place d’un avantage supplémentaire maternité (ASM), accessible à toutes les femmes, quels que soient leurs secteurs d’exercice. “La profession étant en passe de devenir majoritairement féminine, il est temps de revoir ce point si l’on veut que la médecine libérale conserve un peu d’attraction sur les jeunes générations”, ajoutent-ils.

Les syndicats veulent enfin que l’assurance maladie contribue à la réduction du délai de carence de 90 jours que supportent actuellement les médecins libéraux avant de toucher des indemnités journalières, de telle sorte que ce délai soit aligné sur celui du contrat des praticiens territoriaux de médecine générale (PTMG).

Lors de la grande conférence nationale de santé (boudée par les syndicats libéraux, qui tenaient en même temps leurs assises), Manuel Valls a confirmé les propos de Marisol Touraine, selon laquelle, dès la prochaine loi de financement de l’assurance maladie, les femmes médecins du premier secteur ou ayant opté pour un CAS, pourront bénéficier d’une somme de 3 100 euros maximum pendant trois mois, leur permettant de financer les charges de leur cabinet durant leurs congés maternité.

L’exclusion des praticiennes en honoraires libres de ce bonus a suscité un tel tollé parmi les spécialistes, que les jeunes médecins de la CSMF ont porté l’affaire devant le Défenseur des Droits.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne