35 heures de consultation hebdomadaires dans un vaste cabinet de groupe au cœur de Paris, avec du personnel pour les tâches administratives, du matériel informatique de qualité pour partager les dossiers et du matériel médical pour les petits actes techniques… Ces trois jeunes généralistes en rêvaient. Elles ont tout fait pour y arriver. A commencer par mettre la main au portefeuille…

 

A l’heure où le manque de médecins généralistes se fait sentir jusqu’en plein cœur de Paris, un cabinet étonnant a ouvert ses portes dans le chic troisième arrondissement de la capitale. Depuis bientôt un an, trois jeunes médecins libéraux occupent 400 m², entièrement accessibles, ouvert en semaine de 7h30 à 22h30, mais aussi samedi et jours fériés. Le tout en secteur 1.

“Après ma thèse en 2011, j’ai fait des remplacements. C’était très sympa, très formateur, mais j’avais envie de me poser un peu, tout en me questionnant… Aujourd’hui, je sais que je ne me serais jamais installée en dehors de ce projet. Et je ne changerai pour rien au monde”, assure le Dr Marie Benque.

 

“Dépolluer les médecins de tout ce qui n’est pas médical”

Pendant ces années de remplacements et de questionnements sur son futur exercice, le Dr Benque fait la rencontre de deux diplômés d’HEC qui travaillent depuis quatre ans dans un cabinet de conseil en santé. Benjamin Mousnier-Lompré est l’un d’eux. “Je viens d’une famille de médecins. Je vois que le système de santé subit des pressions démographiques, sociétales, énormes. On a réfléchi au sujet, on pensait pouvoir faire quelque chose, explique-t-il. Notre pari de départ, c’est d’investir dans du matériel de qualité, du personnel bien formé pour les tâches administratives et paramédicales, pour dépolluer les médecins de tout ce qui n’est pas médical.”

Aujourd’hui, le Dr Benque et ses deux consœurs consultent 35 heures par semaine, à raison de trois consultations par heure, en horaires décalés. A côté, s’ajoutent des temps de réunion au sujet des patients ou de l’organisation du cabinet. “L’idée c’est de faire en tout 40 heures par semaine Pour l’instant on les dépasse largement”, indique Marie Benque. Pour les aider, trois assistantes se relaient à l’accueil et aux tâches administratives. “A terme, nous aimerions avoir deux salles de consultation en parallèle, où elles installeraient les patients et prépareraient la consultation suivant un protocole que nous aurions défini”, explique le Dr Benque. A côté de ce volet médical, trois associés non médecins se penchent sur l’évolution du projet, assistés par deux développeurs qui travaillent sur le site Internet permettant la prise de rendez-vous en ligne, sur un logiciel de partage des dossiers médicaux sur iPad entre les médecins et sur le développement d’un accès très sécurisé des patients à leur dossier médical en ligne.

 

Capital de départ de 500 000 €

“Nous ne sommes pas encore à l’équilibre”, reconnait volontiers Benjamin Mousnier-Lompré. “Quand on a commencé à travailler sur le projet, en 2012, je ne me payais pas du tout. Depuis qu’on a ouvert, en avril 2015, je suis au Smic, comme les deux autres associés non médecins”, ajoute-t-il. “C’est dur, mais c’est un vrai challenge. Un projet d’entrepreneurs. On veut prouver que notre pari peut marcher. On devrait être à l’équilibre d’ici la fin de l’année.”

Pour se lancer dans le projet, les associés ont puisé dans leurs économies personnelles, ont sollicité familles et amis, et ont obtenu un prêt bancaire. “Le capital de départ était de 500 000 euros”, indique Benjamin Mousnier-Lompré. Des subventions publiques leur ont permis d’ajouter 100 000 euros à leur somme de départ. Ensuite il a fallu trouver un local. “Nous avons parlé de notre projet à notre bailleur, qui est un particulier. Il s’est montré intéressé, a voulu nous aider. Il nous a fait un prix de 30 à 50% en dessous du marché”, poursuit le diplômé d’HEC.

Reste qu’avec des charges “se rapprochant de celles d’un centre de santé”, à hauteur de 50% du chiffre d’affaire, les salaires des médecins ne sont pas mirobolants. “Moi, je suis à 2 500 euros net. Mais je rentre de congé maternité, mes consœurs doivent être un peu au-dessus”, confie le Dr Marie Benque. “C’est un vrai défi. En étant bien organisés, avec les outils adaptés, nous pourrons faire plus de médecine et la structure sera plus rentable”, veut croire la jeune généraliste. Leurs horaires élargis permettent des majorations de garde sur la consultation, ainsi que pour certains actes techniques.

 

“Je suis un meilleur médecin depuis que je travaille comme ça”

Face aux médecins libéraux en burn-out, aux semaines de 60 heures, à la solitude, aux journées plombées par des activités non médicales, à une certaine routine, à la précarité des remplacements… ces médecins ont voulu “prendre les avantages du libéral et de l’esprit d’équipe de l’hôpital”, explique le Dr Marie Benque. “Ce que je sais faire, c’est de la médecine. La comptabilité, l’administratif, la gestion des stocks, ça prend beaucoup de temps. Là, on se sent soutenu. Et en terme purement médical, on trouve de l’aide, on échange sur nos pratiques. Je suis un meilleur médecin depuis que je travaille comme ça. Et puis notre objectif est de faciliter l’accès aux soins. Un enfant qui a de la fièvre à 21 heures, ce n’est pas la peine qu’il aille aux urgences. On pourra le recevoir”, détaille la généraliste. “Au final, je suis contente d’aller travailler tous les matins. La qualité d’exercice vaut l’investissement.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier