Ce moment était attendu depuis six mois. Le Conseil national de l’Ordre des médecins a dévoilé ce mardi matin ses 10 propositions pour faire évoluer le système de santé. Des suggestions élaborées à partir des réponses données par les 30 000 médecins participants à la Grande Consultation. Ces propositions sont également le fruit des multiples rencontres de l’Ordre avec les professionnels sur le terrain. Un livre blanc pour l’avenir de la santé a été publié.
“Ces propositions ne sont pas celles d’un Ordre des médecins qui aurait réfléchi en vase clos, elles sont le fruit d’une vaste réflexion engagée avec tous les acteurs du système de santé et de multiples rencontres avec les professionnels sur le terrain. Elles ont été conçues dans le souci de la préservation du principe de solidarité du système de santé, de la garantie de l’indépendance de la profession médicale et du maintien du libre choix du patient dans le parcours de soins. Notre objectif est de nourrir le débat public et politique pour les prochaines échéances électorales, en vue d’aboutir enfin à la réforme tant attendue de notre système de santé”, a expliqué d’emblée le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins.
“Le constat est sévère, mais il est unanimement partagé : depuis plusieurs décennies, les réformes du système de santé ont été tantôt incomplètes, tantôt partiellement mises en œuvre, souvent d’une prodigieuse complexité… et jamais à la hauteur des enjeux. (…) Il nous faut aujourd’hui débloquer ces puissants verrous, en mettant sur pied une réforme à la fois ambitieuse et profonde, mais aussi réaliste et opérationnelle. (…) Les médecins doivent être la cheville ouvrière des futures réformes”, estime l’Ordre dans son livre blanc.
Les réformes prônées par l’institution s’orientent autour de trois axes majeurs : simplifier l’organisation territoriale des soins avec une gouvernance partagée entre acteurs et usagers, alléger et décloisonner l’exercice professionnel des médecins et ouvrir et professionnaliser la formation des médecins. 10 propositions s’articulent autour de ces trois thèmes. (Voir encadré en fin d’article)
Un Bassin de proximité santé
Pour sortir du millefeuille administratif actuel et rationaliser l’organisation territoriale des soins, l’Ordre préconise la mise en place d’un bassin de proximité santé (le BPS). Il disposerait d’une capacité d’autonomie de prise en charge ambulatoire de sa population, incluant soins, prévention, dépistage, éducation sanitaire, médico-social, prévention au travail et en milieu scolaire. Le BPS devra comporter les moyens ambulatoires et d’hospitalisation sans plateau technique lourd, indifféremment publics et privés, permettant sa capacité d’autonomie de prise en charge ambulatoire. Le regroupement des professionnels autour des Bassins de proximité santé, devra se faire à partir de l’existant (moyens et compétences) et sur la base du volontariat.
“Ce nouvel échelon territorial aura pour objectif de faire émerger un projet global de santé au service de la population de chaque territoire, en utilisant toutes les ressources existantes et en simplifiant leur articulation, tout en répondant à des critères de proximité et d’efficience, en incluant la prévention et le médico-social aux côtés des soins, tant de premier que de second recours”, indique le livre blanc.
Ces bassins de proximité seraient pilotés à l’échelle locale, régionale et nationale. Les comités de pilotage regrouperaient tous les acteurs de santé du territoire aux côtés de l’ARS. Un portail d’information unique entre acteurs de santé et usagers au niveau de chaque bassin de proximité santé serait mis en place de manière à identifier les besoins et attentes de la population, anticiper la formation de déserts médicaux, recenser les solutions territoriales et les offres de soins et informer acteurs de santé et patients.
Alléger et décloisonner l’exercice professionnel des médecins
C’est le deuxième axe fort choisi par l’Ordre. Alors que 98% des 30 000 médecins interrogés dans le cadre de la grande consultation avaient demandé à retrouver du temps médical, cette proposition a été mentionnée dans le livre blanc. “Préserver du temps médical est le meilleur moyen de proposer un système de santé efficient pour tous”, a jugé le Dr Bouet. Il demande donc que soit proposée aux médecins “une mise à disposition financière, humaine et matérielle”. “Il ne faut pas tergiverser. Il faut mettre en route des priorités d’investissement”, a martelé le président.
“46 % des médecins sont insatisfaits de leurs possibilités d’évolution de carrière, et près d’un médecin sur cinq s’en dit très insatisfait, pour seulement 40 % de médecins satisfaits. Pour remédier à cette situation, près de 8 médecins sur 10 se disent notamment favorables à la création de passerelles entre différentes spécialités”, indique le livre blanc qui propose d’instaurer une couverture sociale unique pour tous les médecins, afin de supprimer les disparités existantes en termes de droits sociaux.
Préserver les droits sociaux des médecins lors d’un changement d’exercice est une piste également citée. “Il faut aménager des passerelles entre les modes d’exercice, permettant de préserver les droits sociaux déjà acquis”, estime le Dr Bouet qui souhaite également diversifier les modes de rémunération pour reconnaître la mission de santé publique des médecins, indépendamment de leur mode d’exercice. Les débuts de carrière doivent être également revalorisés, annonce l’Ordre.
Conserver un système de santé solidaire est un point capital aux yeux de l’Ordre des médecins. “Les organismes complémentaires ne doivent en aucun cas se substituer à l’Assurance maladie obligatoire dans la gestion du système de santé”, prévient le Dr Bouet qui souhaite que l’Assurance maladie soit l’interlocuteur unique des médecins et des patients.
Ouvrir et professionnaliser la formation des médecins.
Dans ce domaine des réformes fortes sont envisagées par l’Ordre qui souhaite notamment réformer le numerus clausus et la PACES est la première. “Le numerus clausus est un échec en matière de régulation. C’est aussi un énorme gâchis humain”, a déploré le Dr Bouet qui propose créer un numerus clausus régionalisé, en fonction des besoins des territoires par spécialité, des capacités de formation des établissements universitaires et des possibilités d’organisation de stages durant la scolarité sur les territoires.
L’Ordre souhaite également élargir la PACES à tous les professionnels de santé en définissant de nouveaux prérequis scientifiques, médicaux et juridiques pour le concours de fin de première année. Des stages interprofessionnels doivent être mis en place dès la deuxième année pour mieux connaître les autres professions de santé. “Ces stages ne se feraient pas seulement en milieu hospitalier mais dans l’ensemble des modes d’activité”, souligne le Dr Bouet.
Dans cet esprit d’ouverture, l’Ordre souhaite que plusieurs types de passerelles soient mises en place. Des passerelles précoces avant le concours de fin de première année orienteraient vers d’autres voies (sciences, droit, physique…) sur la base d’accords interuniversitaires. Des passerelles plus tardives au cours des études de médecine permettraient de rejoindre une autre spécialité.
Les ECN ne sont pas épargnées par le vent réformateur qui souffle à l’Ordre. L’institution souhaite remplacer les épreuves classantes nationales par la possibilité de passer trois concours inter-régioniaux. Une note éliminatoire avec redoublement autorisé une fois serait introduite. “Les places disponibles seraient définies pour chaque grande inter-région et pour chaque spécialité, en fonction des besoins démographiques régionaux”, souligne le livre blanc.
Autre nouveauté, l’Ordre propose le lancement d’un nouveau “parcours post-DES de territoire”, d’une durée de trois ans. Il serait proposé sur la base du volontariat, aux nouveaux diplômés, dans leur spécialité et dans une zone en tension de la grande inter-région dans laquelle ils auraient obtenu leur diplôme. En contrepartie d’un exercice de trois ans dans la zone définie, ces médecins bénéficieraient de compensations : avantages sociaux, progression de carrière plus rapide, accès automatique au secteur 2, etc.
Enfin, l’Ordre souhaite introduire le principe d’une recertification périodique, tous les six ans, permettant de valider les acquis de l’expérience, et d’assurer le maintien des connaissances et la sécurité des usagers. “Nous proposons cette recertification en nous inspirant du modèle néérlandais. Il s’agit d’une recertification de promotion et non de contrôle. L’idée est de consacrer l’exercice professionnel”, explique le Dr Bouet.
Ce nouveau système d’évolution des compétences aboutira à une évolution de carrière accélérée pour les médecins salariés et hospitaliers et des bonus de rémunération pour les médecins libéraux.
“Il y a urgence à mettre en œuvre le débat. L’avenir du système de santé doit être une priorité politique. Nous attendons beaucoup de la prise de position du Premier ministre lors de la clôture de la Grande conférence de santé”, a conclu le Dr Bouet.
1 : Mettre en place un échelon territorial unique pour améliorer la coordination des soins
2 : Instaurer la démocratie sanitaire à tous les niveaux territoriaux
3 : Créer un portail d’information unique entre acteurs de santé et usagers au niveau de chaque bassin de proximité santé
2ème priorité : alléger et décloisonner l’exercice professionnel des médecins
4 : Redonner du temps médical aux médecins
5 : Mettre en place un système social protecteur et un mode de rémunération valorisant pour tous
6 : Promouvoir et faciliter les coopérations inter et intra-professionnelles
7 : Simplifier les relations avec les organismes gestionnaires
3ème priorité : ouvrir et professionnaliser la formation des médecins
8 : Réformer le numerus clausus et la PACES pour une meilleure adaptation aux besoins des territoires
9 : Régionaliser la formation initiale et renforcer la professionnalisation du deuxième cycle à l’internat
10 : Renforcer la formation continue par la recertification
Calameo : Livre Blanc Grande Consultation Ordre
Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin