Dans le cadre de la lutte contre les dépenses inutiles, l’Assurance maladie a annoncé son intention de renforcer la lutte contre les dépenses inutiles et donc de renforcer les contrôles de médecins prescrivant des arrêts de travail ou abusant des mentions “non substituable”. Pour la première fois sur Egora, Pierre Fender, directeur de l’audit, du contrôle contentieux et de la repression des fraudes à la Cnamts s’explique sur les critères et les enjeux de ces contrôles.
 

 

Egora.fr : Dans le cadre du suivi des activités abusives, sur quels critères sont ciblés les professionnels ? La volonté affirmée par Nicolas Revel d’affiner les critères statistiques signifie-t-elle qu’aujourd’hui les outils de comparaison sont peu pertinents ?

Pierre Fender : En 2014, les actions nationales menées par l’assurance maladie pour lutter contre les activités abusives ont porté sur les prescriptions abusives d’arrêt de travail, l’usage abusif de la mention “non substituable” (NS), et la régulation des dépassements d’honoraires excessifs des médecins du secteur à honoraires libres (secteur 2). Les professionnels visés par ces actions présentent une activité significativement différente ou supérieure aux données moyennes constatées, pour une activité comparable. Différents critères sont pris en compte afin de disposer d’une base comparable et d’éviter les biais statistiques : le volume d’activité, la taille de la patientèle, l’implantation géographique mais aussi la nature de la patientèle, comme le nombre de patients en ALD ou la part des personnes âgées.

Les critères sont définis et ajustés à chaque thématique afin d’éviter les biais de ciblage (profils particuliers de patientèle, molécules n’étant pas substituables) et d’identifier de la manière la plus fine possible uniquement des professionnels dont les pratiques sont les plus atypiques (par exemple : utilisation de la mention NS supérieure à n fois la moyenne de leurs confrères). Les données sur lesquelles l’assurance maladie s’appuie pour la réalisation de ces ciblages révèlent des atypies statistiques, et l’entretien entre le médecin-conseil et les médecins ciblés est dans tous les cas nécessaire pour compléter cette analyse statistique. L’entretien permet de prendre en compte certaines réalités de la pratique qu’il est impossible de connaître par les bases de données, et qui peuvent parfois expliquer les atypies identifiées.

Les médecins libéraux se plaignent beaucoup de lourdeurs administratives, dans leur quotidien comme dans les procédures. Y aurait-il des moyens plus souples de les accompagner dans l’amélioration de leurs pratiques ?

En tant que régulateur du système de santé, il est de la responsabilité de l’assurance maladie d’identifier et d’alerter les professionnels qui ont des pratiques qui semblent dépasser le besoin de soins des patients au regard des recommandations et des pratiques moyennes observées. Le contrôle des activités abusives permet, en premier lieu, d’informer le médecin sur l’atypie de sa pratique et participe de ce fait à l’accompagner pour l’améliorer. Seuls les médecins qui refusent de faire évoluer leurs pratiques confirmées comme abusives font l’objet de mesures plus contraignantes. Il est important de rappeler que ces actions s’adressent à une minorité de médecins dont les pratiques se distinguent significativement.

En 2014, 550 médecins ont fait l’objet d’une analyse de leur utilisation de la mention NS et 500 médecins ont fait l’objet d’une mise sous objectif pour leurs prescriptions d’indemnités journalières (acceptée par 85 % d’entre eux), soit moins de 1 % des médecins en activité. Parallèlement aux activités de lutte contre les abus et la fraude, les médecins-conseils du service médical de l’assurance maladie rencontrent régulièrement leurs confrères pour échanger sur leurs pratiques et les accompagner au mieux dans le cadre d’échanges confraternels. En 2014, plus de 60 000 entretiens confraternels de ce type ont été réalisés. Différents éléments comme les nouvelles recommandations en vigueur, les objectifs de santé publique (Rosp), les nouveaux enjeux sont abordés à cette occasion.

Les médecins libéraux se sentent souvent incompris par les praticiens-conseils. Comment créer une vraie confraternité entre ces professionnels, sans remettre en question la nécessité du contrôle ?

Il ne faut pas faire une généralité de quelques échanges difficiles. La très grande majorité des entretiens confraternels avec les médecins-conseils du service médical relèvent de l’accompagnement. Ils permettent des échanges sur des thématiques diverses et se passent généralement dans de bonnes conditions. Les échanges qui relèvent de la procédure de contrôle, moins nombreux, sont, par nature, souvent moins bien perçus. Il est important de rappeler qu’ils ont pour vocation première d’exposer la situation identifiée au professionnel et de comprendre sa situation individuelle et ses pratiques.

Une charte du contrôle de l’activité a été élaborée en partenariat avec les représentants des professions de santé afin de définir le cadre de ces contrôles. Les règles définies par cette charte sont respectées par les caisses, les médecins-conseils de l’assurance maladie et les médecins ciblés afin que cela se passe dans les meilleures conditions. Enfin, l’assurance maladie met en place de nouveaux dispositifs et développe de nouveaux outils et méthodes pour améliorer et affiner le ciblage mais également renforcer l’accompagnement des médecins sur certaines pratiques qui présentent des enjeux forts. À titre d’exemple, depuis juin 2015, de nouveaux entretiens confraternels sont organisés sur le thème des arrêts de travail pour apporter une aide concrète aux médecins.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Cécilie Cordier