Dans les années 80, le médecin sud-africain Wouter Basson était le chef du terrible “Project Coast”, un programme de recherche sur les armes chimiques pendant l’Apartheid. Dans son labo, il élaborait des armes bactériologiques pour stériliser, empoisonner et exterminer la population noire. Acquitté par la justice en 2002, il a finalement été reconnu coupable en 2013 par l’Ordre des médecins. Aujourd’hui, il enseigne encore à des étudiants dans une clinique privée.
 

 

“Je n’ai tué personne, je n’ai blessé personne. Il ne s’est rien passé. Absolument rien.” En 2002, alors qu’il est interrogé par la Haute cour de Pretoria, le Dr Wouter Basson persiste à nier. L’ancien chirurgien en chef des armées sud-africaines est jugé pour 67 chefs d’accusation, notamment pour meurtre, fraude et trafic de drogue. On l’accuse, à partir de 1981, d’avoir été à la tête d’un programme top secret de guerre chimique et biologique contre les opposants au régime d’apartheid : le “Project Coast”. “Nous étions en guerre civile”, rappelle pour le justifier le général Knobel, ex-ministre de la Santé. Au terme de 30 mois d’un procès éprouvant, au cours duquel le médecin n’a montré aucun remord, il a finalement été acquitté de tous les faits.

Ce n’est que 11 ans plus tard qu’il sera reconnu coupable. L’Ordre des médecins qui a étudié le cas de Wouter Basson pendant sept ans, l’a finalement déclaré coupable de violation à l’éthique médicale en 2013, quelques jours seulement après le décès de Nelson Mandela. Il encourt la révocation à vie, mais l’Ordre ne cesse depuis de reporter l’annonce de la sanction.

 

Un “vaccin ethnique” pour stériliser les femmes noires

Si le docteur Basson est toujours resté muet, beaucoup ont témoigné sur le Project Coast. Un organisme qui symbolise l’horreur de la politique de l’apartheid menée par le régime sud-africain de Pieter Willem Botha dans les années 80. Ce programme top secret devait trouver “des solutions médicales et biologique à un problème politique”, celui des émeutes et des révoltes de la population noire contre l’apartheid. Deux cents chercheurs et biologistes sont placés sous les ordres du Dr Basson.

Parmi leurs missions, ils devaient mettre au point un “vaccin ethnique” pour stériliser les femmes noires, à leur insu. Dans son laboratoire, Wouter Basson était également chargé de développer la “bombe noire”, une arme chimique qui ne toucherait que la population noire. Pour mener à bien ces projets effroyables, le médecin qu’on a surnommé le “Dr Mengele sud-africain”, a testé une trentaine de poisons. Il a concocté plusieurs dizaines d’armes mortelles comme des cigarettes et des enveloppes à l’anthrax, des cigares et des chocolats au cyanure de potassium, du lait au botulium, des tournevis et des parapluies empoisonnés, des aliments au thallium ou du whisky au paraboxon. On aurait même retrouvé des fioles contenant des souches de choléra et des poches de sang contaminé par le virus du Sida ou Ebola.

 

Enlevés et drogués par les scientifiques

200 personnes au moins ont été tuées dans le cadre du programme dirigé par le docteur Basson, en Afrique du Sud mais aussi en Namibie et en Angola. Parmi elles, le révérend Frank Chikane, proche de l’ANC est tombé dans le coma après avoir enfilé des vêtements contaminés. Les victimes les plus emblématiques du Project Coast sont 10 jeunes militants d’une branche extrême de l’ANC qui ont été enlevés et drogués par les scientifiques. Ces derniers se seraient débarrassés des corps en les plaçant dans un véhicule qui a été projeté contre un arbre.

A partir de 1990, le programme, par l’intermédiaire de sociétés-écran, était également à la tête d’un immense réseau mafieux de trafic de drogue. LSD, cocaïne, ecstasy ou mandrax, un dérivé de valium, étaient développés dans les laboratoires dirigés par le docteur Basson. Ces substances devaient être amalgamées aux gaz lacrymogènes pour “anesthésier” les émeutiers. Elles ont également certainement été largement diffusées au sein des quartiers noirs.

Le gouvernement sud-africain n’a pas été le seul à “bénéficier” des recherches de Wouter Basson. Ce dernier s’est notamment rendu en Iran, Irak ou en Corée du Nord pour éclairer les dirigeants sur son “savoir-faire” en matière d’armes chimiques.

 

“Psychopathe”, “menteur compulsif”, “narcissique”

En 1996 la commission Vérité et Réconciliation confronte les victimes aux bourreaux offrant à ces derniers la possibilité de demander une amnistie en échange de leur confession publique. C’est ainsi que les rapporteurs de la commission découvrent alors le Project Coast, et mènent l’enquête. Beaucoup choisissent de dénoncer le Dr Basson qui est tour à tour décrit comme “psychopathe”, “menteur compulsif”, “narcissique” ou “schizophrène”.

Wouter Basson est finalement arrêté en 1997 avec sur lui d’importantes quantités d’ecstasy. Refusant l’amnistie, son procès s’ouvre en octobre 1999. Retraité de l’armé, il ouvre un cabinet de cardiologie au Cap où il exercera encore normalement pendant plus de 11 ans.”Le jour où ma fille sera gouvernée par des Noirs, elle demandera ce que j’ai fait pour empêcher ça. Je saurai quoi répondre”, aurait-il confié à un ami. Aujourd’hui, il nie avoir tenu ces propos, mais, en 2012, il déclarait à une journaliste de Libération que le “développement séparé est dans la nature de l’homme”.

Cette semaine, le médecin âgé de 65 ans a de nouveau fait parler de lui. Les étudiants en médecine de la prestigieuse université de Stellenbosch se sont insurgés que le Dr Basson enseigne à des étudiants de quatrième année, au sein d’un groupe d’hôpitaux privés. “Tout en reconnaissant que Basson n’est pas directement employé par l’université de Stellenbosch, l’Association des étudiants de Tygerberg lance un appel clair à la direction pour qu’elle lui interdise tout contact avec les étudiants”, indique l’association des étudiants.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[Avec l’AFP, Libération, RTL et Parismatch.fr]