Epouse de Louis XIV, Marie-Thérèse décède à 44 ans, épuisée après trois jours de saignées et lavements. En réalité la reine souffrait d’un simple abcès au bras que les brillants médecins de Versailles n’ont pas réussi à diagnostiquer. Seul un modeste chirurgien-barbier préconise d’inciser la grosseur. Mais personne ne le prend au sérieux.

 

Infante d’Espagne, la reine Marie-Thérèse n’aura pas connu un destin aussi flamboyant que son illustre mari. Petite, boulotte et pas très belle, elle n’a jamais réussi à parler correctement le français et ne brille pas par son intelligence. Très vite après leur mariage en 1660, Louis XIV délaisse donc son épouse pour les magnifiques mesdames de Montespan ou de Maintenon. Tout juste se contente-t-il d’assurer de temps à autre le devoir conjugal, qui permet à la reine de donner naissance à six enfants dont un seul, le Grand dauphin, atteint l’âge adulte.

Sans cesse moquée à la Cour, Marie-Thérèse s’efforce quand même d’assurer ses devoirs de reine. En 1683, à 44 ans, elle accompagne son mari en déplacement en Bourgogne et en Alsace. Mais le voyage est fatiguant, elle prend beaucoup de poids et se plaint de nombreux petits maux. De retour à Versailles en juillet, elle sent une grosseur sous son bras gauche. Quelques jours plus tard, alors qu’elle est fortement fiévreuse, elle fait appeler les médecins royaux.

 

Une saignée préconisée

C’est Fagon, médecin de la reine qui l’ausculte en premier du bout des doigts et sent, vaguement, une sorte de tumeur sous l’aisselle. Ne sachant trop quoi faire, il convoque D’Aquin, le premier médecin du roi, et son second, Moreau. Les trois scientifiques se réunissent pendant quelques heures puis finissent par se mettre d’accord : la reine souffre d’un “rhumatisme tombé sur l’épaule” et ils préconisent une saignée, l’un des seuls remèdes qu’ils connaissent alors.

Mais, au cours de la nuit, l’état de la reine empire, elle est de plus en plus fiévreuse, rendant les médecins impuissants. Le lendemain, c’est le roi qui s’inquiète de l’état de son épouse et prie ses soignants de faire quelque chose. Les trois médecins, qui par ailleurs ne s’apprécient pas du tout, se réunissent encore une fois en conciliabule. D’Aquin préconise une nouvelle saignée, mais du pied cette fois. Fagon n’est pas convaincu, mais se range à l’avis du médecin du roi, qui lui est hiérarchiquement supérieur.

Pour administrer cette saignée de la dernière chance, on fait venir Pierre Dionis, chirurgien de la reine. A cette époque, aucun médecin ne s’abaisse à effectuer le moindre acte sur son patient, aussi confie-t-on à un subalterne, un “barbier-chirurgien”, le soin de s’en charger. Dionis, lui, n’a pas peur d’ausculter la reine et constate bel et bien un abcès sous son bras gauche. Il est inquiet. Selon lui, il faut inciser la tumeur pour faire évacuer le pus. Une saignée ne serait en revanche d’aucune utilité, pire, elle aggraverait encore l’état de la reine en l’affaiblissant. Dionis tente de rendre son diagnostic à D’Aquin, qui ne veut rien entendre. “Faites ce que je vous ordonne !” Dionis, qui préfère encore que ce soit lui qui opère la reine plutôt qu’un autre inconnu, accepte. “Vous voulez donc que ce soit moi qui tue la reine ?”

 

Le tout pour le tout avec un lavement

Le matin du 30 juillet, il réalise donc cette saignée du pied de la Reine, qui tombe immédiatement en syncope. Fagon tente alors le tout pour le tout et prescrit un lavement. D’Aquin, lui, préconise un émétique pour faire vomir la souveraine. Cela fonctionne, mais quelques heures seulement. En milieu d’après-midi, Marie-Thérèse s’éteint en prononçant de bien tristes dernières paroles : “Depuis que je suis reine, je n’ai eu qu’un seul jour heureux.” Louis XIV, lui, rend un étonnant hommage à sa défunte épouse : “C’est le premier chagrin qu’elle me cause.”

Après la mort de la reine, certains de ses proches ont pointé du doigt l’incapacité des médecins royaux. C’est le cas de Madame Palatine, belle-sœur de la reine, qui écrit : “Vendredi dernier, à trois heures de l’après-midi, elle est morte, et cela par l’ignorance des médecins qui l’ont fait mourir comme s’ils lui avaient passé l’épée au travers du cœur. […] Le vieux méchant diable Fagon l’avait fait à dessein, afin d’assurer par là la fortune de la vieille guenipe”. La Palatine surnomme ainsi, madame de Maintenon, dont Fagon était aussi le médecin personnel.

Le lendemain de la mort de Marie-Thérèse, une autopsie est réalisée. Elle montre que c’est bien un abcès à l’aisselle qui a tué la reine en déclenchant une septicémie. Une simple incision aurait suffi à sauver Marie-Thérèse. Pierre Dionis avait raison.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

D’après De quoi sont-ils vraiment morts ? du dr jacques Deblauwe (Pygmalion) et lepoint.fr