A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’unité n°3 du Queen Victoria Hospital d’East Grinstead, au sud de l’Angleterre accueille les grands brulés de l’aviation. Ces gueules cassées ont perdu tout espoir de retrouver une vie normale. Mais un médecin, Archibald McIndoe, va tester sur eux de nouvelles méthodes de chirurgie esthétique. Plongée au sein du Guinea Pig club.

 

Nous sommes en 1940. Les blessés de guerre remplissent les hôpitaux de campagne britanniques. Mais, parmi ces multiples blessés, certains mettent mal à l’aise les médecins. Il s’agit des grands brulés de l’aviation. A cette époque, on savait mal comment les soigner, et, surtout on n’avait aucune idée de comment cacher ces blessures qui les ont défigurés. Ces anciens pilotes se retrouvaient alors enfermés dans des unités spécialisées où ils étaient protégés du regard des autres.

Dans ce contexte, l’unité 3 du Queen Victoria hospital est une exception. Ce service était dirigé d’une main de maître par un néo-zélandais, Archibald McIndoe. Il refusait de laisser enfermer ses malades et, surtout, œuvra pour leur procurer une chirurgie qui n’était pas seulement réparatrice mais aussi purement esthétique. McIndoe voulait offrir à ses patients un nouveau visage avec lequel ils pourraient de nouveau se confronter au monde extérieur.

 

Le Dr McIndoe organisait des sorties au pub

Déjà, il redonna espoir à ses patients en faisant de l’unité 3, un vrai lieu de vie, bien loin d’un service hospitalier militaire. Ici, la bière était servie à volonté. Les malades chantaient, jouaient… Tout était fait pour que les convalescents se sentent au mieux, oubliant l’odeur dans laquelle ils vivaient, et les terribles souffrances qu’ils devaient endurer.

Archibald McIndoe organisait même des sorties en ville, au pub. Les habitants d’East Grinstead, s’étaient habitués à voir ces ex-pilotes déambuler dans la ville. La plupart des commerçants avaient même ôté les miroirs des magasins et des restaurants pour éviter que les brûlés n’aient à se confronter à leur propre image.

Et pour faire passer le temps, interminable, de la convalescence, les malades de l’unité 3 décidèrent de monter un club. D’abord appelés les “Maxillonians”, ils choisirent plus tard un nom qui reflétait mieux, selon eux, la réalité de leur situation : le Guinea Pig Club, le club des cobayes… Au sein de la petite organisation, l’humour noir primait. Le trésorier n’avait pas de jambes… pour ne pas s’enfuir avec la caisse. Le secrétaire n’avait pas de doigts… pour ne pas rédiger de comptes rendus.

 

Le chirurgien utilisait la méthode du “tube cutané”

S’il ne comptait qu’une poignée de membres au début de la guerre, le Guinea pig club se retrouva avec plus de 600 adhérents en 1945. Autant de blessés meurtris qui cherchaient à se vider l’esprit alors qu’ils subissaient de terribles et longs soins.

Car le docteur Archibald McIndoe, n’agissait pas seulement sur le moral de ses blessés. Il était bien chirurgien plastique. McIndoe reprenait les méthodes de Harold Gillie, un pionnier de la chirurgie plastique durant la première guerre mondiale. Il fera progresser ses techniques.

Pour greffer d’importantes parties de peau, le chirurgien utilisait la méthode du “tube cutané”. Le problème était qu’il était impossible qu’un morceau de peau découpé du corps puisse vivre assez longtemps pour pouvoir être connectée au réseau de vaisseaux sanguins sur une autre partie du corps. C’est pourquoi, McIndoe coupait une partie de peau saine, de la cuisse par exemple, en la laissant attaché d’un côté. Ensuite, il roule le lambeau de peau en un tube. Pour transporter ce tube de peau, il incise le bras du patient pour former une fente dans laquelle sera inséré le bord libre du lambeau. Le lambeau est ensuite cousu sur son site receveur, ce qui relie par la même occasion la cuisse au bras.

 

Rendre à ces grands blessés une apparence normale

Le temps de la cicatrisation, qui peut prendre des semaines, le patient doit vivre dans cette nouvelle étrange position. Une fois que le greffon a pris ses quartiers dans sa pochette, ses liens avec la cuisse peuvent être rompus. Cette laborieuse procédure permet à un morceau de peau, originaire de la cuisse, d’être alimenté en sang sur le bras du patient, il pourra alors être transféré vers n’importe quel autre endroit du corps que le bras est capable d’atteindre.

“Ce ne sera pas une partie de plaisir, mais cela en vaudra la peine”, expliquait le médecin à ses malades. Le traitement durait des mois et des mois, et causait des souffrances atroces. Et alors que les grands brûlés affluaient dans son service, lui, œuvrait à perfectionner, sur le tas, les techniques de chirurgie, avec toujours ce même objectif : essayer, autant que possible de rendre à ces grands blessés une apparence un peu plus normale. Et, malgré peu de succès et beaucoup d’erreurs, le travail de McIndoe sur ces cobayes allait révolutionner la chirurgie plastique.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : A.B.

 

[D’après un extrait de Extreme Medicine : How Exploration Transformed Medicine in the Twentieth Century (Médecine extrême : comment l’exploration a transformé la médecine au XXe siècle), publié par Slate.fr]