Sexologue reconnu, le Dr Gérard Leleu vient de publier le livre Confidences d’un sexologue dans lequel il retrace son parcours. Agé aujourd’hui de 83 ans, le Dr Leleu a eu plusieurs existences. D’abord anesthésiste-urgentiste puis médecin généraliste de campagne avant de s’orienter définitivement vers la sexologie. Auteur du célèbre Traité des caresses, vendu à plus d’un million d’exemplaires, l’octogénaire retrace son parcours pour Egora.
 

 

Lire un extrait du livre du Dr Gérard Leleu.

 

Egora.fr : Pourquoi avoir écrit vos mémoires ?

Ce n’est pas une volonté narcissique du tout. Mais mon existence, du fait du contexte historique, a été exceptionnelle. C’était la guerre de 39/45, puis celle d’Algérie. Pendant ma première partie de vie, à savoir mes 45 premières années, j’ai été urgentiste à l’hôpital. Puis j’ai fait un grand virage vers la psychologie et la sexologie, en passant par la médecine de campagne. J’ai eu l’impression d’avoir 10 vies. Ce sont mes amis qui m’ont conseillé d’écrire mes mémoires.

Votre premier virage médical a été de passer de médecin anesthésiste à généraliste de campagne. Pourquoi ?

Etant petit, je voulais être médecin de campagne. J’avais entre 8 et 14 ans pendant la guerre 39/45 et j’ai vu des choses complétement atroces. J’ai habité à Lille qui était une ville bombardée pendant la guerre. Toutes les nuits il y avait des centaines de morts. J’ai pataugé dans le sang. C’est pour cela que j’ai voulu devenir médecin réanimateur. Je voulais être dans les chairs écrabouillées. Puis la piqure de rappel est venue avec l’Algérie. Etre ainsi à la frontière de la vie et de la mort était passionnant. Paradoxalement, dans ce métier d’urgentiste, on sent vraiment la vie. Notre fonction est de sauver des vies.

Puis à 45 ans, j’en ai eu marre de cette absence de relation avec les patients. Avant ils sont très mal, pendant ils dorment et après ils sont encore mal. Moi qui aime parler, je regrettais de ne pas échanger avec mes patients. J’ai donc quitté les hôpitaux et j’ai vissé ma plaque en médecine générale à la campagne. Je me suis installé deux ans dans le Périgord et je me suis rendu compte que j’étais né trop tard et que le médecin à la Balzac n’existait plus. Les gens étaient des affiliés de la sécurité sociale, laquelle bradait le prix des consultations. Bref, pratiquer de la médecine générale était décevant. 85 % des gens n’avaient rien. Quant à la psychologie, on n’a pas le temps, on court toujours…

A ce moment-là vous choisissez donc d’abandonner la médecine générale pour la sexologie ?

Cela ne s’est pas tout à fait passé ainsi. Je me suis dit que j’allais continuer à faire de la médecine générale mais sans aller à domicile. J’ai donc précisé sur ma plaque que je ne me déplaçais pas mais que chaque patient avait une heure. A la fin de l’année j’étais au SMIC ! Au bout d’un an, je me suis mis en honoraires libres. Les gens se sont mis à venir de Lille, Tourcoing, Roubaix, Amiens, Paris… Ils venaient de toute la France pour voir un pauvre médecin au milieu des vaches ! En réalité mes consultations étaient fondées sur le fameux livre de Michael Balint qui a inventé la médecine psychosomatique. Pour les patients, le meilleur des médicaments, c’est l’écoute du médecin.

Comment en êtes-vous arrivé à la sexologie ?

Sauf rares cas de lésions organiques, la plupart des plaintes des patients sont psychosomatiques. Les gens sont malheureux. Ils manquent d’amour. Dès que l’on écoute les plaintes des gens, ils en arrivent très souvent à parler de leur amour et des relations avec leur conjoint.

Mais vous n’étiez pas formé à la sexologie ?

Effectivement, au début je n’étais pas formé du tout. J’ai toujours été passionné, voire fasciné par les femmes. Après avoir vécu la guerre, vu des femmes tuées ou rasées, j’ai toujours éprouvé une sorte de besoin de réparation vis-à-vis d’elles. D’ailleurs, 80% de ma patientèle étaient constituée de femmes. Entre-temps je me suis formé à la sexologie, notamment auprès du grand sexologue Michel Maignant qui a été mon maître. Je me suis inspiré de lui, notamment sur la notion d’”amourologue”. En sexologie le plus grand des problèmes est l’incapacité érotique.

Comment en êtes-vous arrivé à écrire le Traité des caresses ?

Ce livre a été un miracle. J’ai eu beaucoup de chance. J’ai écrit ce livre d’inspiration. Je me suis fiancé à 18 ans et marié à 23. Je n’avais pas connu beaucoup de femmes, je n’avais pas vraiment d’expérience. Mais je n’avais pas besoin d’avoir connu 10 femmes pour connaître LA femme. Elles sont toutes différentes. Le secret, c’est d’être à l’écoute.

J’ai écrit ce livre en 1983 sans vraiment vouloir l’éditer. Il s’agissait en fait d’une lettre ouverte. A l’époque j’avais une relation extra-conjugale fascinante. Mais c’était moi qui devais en permanence la toucher et la caresser. Elle me répondait, “moi je ne suis pas obligée. Je suis une femme libérée, je ne suis pas ta geisha. Ce n’est plus le rôle des femmes de caresser.” Un jour, vexé parce qu’une fois de plus elle ne voulait pas me toucher, je l’ai quitté et je lui ai écrit une lettre dans laquelle je lui prouvais qu’elle avait tort et que les caresses étaient importantes. Finalement j’ai proposé ce texte à un éditeur qui l’a pris tout de suite en me disant, “Ça ne marchera pas mais je le prends”. La semaine qui a suivi, toute la presse parlait du livre !

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin