Si vous aviez tous les pouvoirs, quelle serait votre toute première réforme ? C’est la question qu’Egora a posé à plusieurs personnalités du monde de la santé. Médecin et écrivain à succès, le Dr Christian Lehmann est le premier à se prêter à ce jeu de politique fiction. Avec férocité et humour…

 

“Si je suis élu président de la République, sans appareil mais avec le soutien de la population, la première pensée qui me vient est de fuir par la fenêtre pour qu’on ne me retrouve pas… mais bon, j’endosse l’habit car je suis là pour prendre quelques mesures.

La première d’entre elle, c’est de séparer les activités de spéculation des activités de banque, pour qu’il ne soit plus possible de spéculer avec l’argent du pékin moyen. Hollande l’avait promis, mais cela n’a jamais été fait. Ensuite, je souhaite que la sécurité sociale mette en place, en parallèle de son activité sur le régime obligatoire, une activité sur le régime complémentaire. Il s’agira d’une complémentaire qui fait la différence entre les tarifs Sécu et le 100 %, qui pourra prendre en charge les dépassements raisonnables, en concurrence avec les instituts de prévoyance, les assureurs et les mutuelles. Elle le fera moins cher, les gens pourront choisir.

 

45 euros par patient et par an

Ensuite, je remets en route de manière immédiate et facultative, l’option médecin référent pour la médecine générale, à un tarif au moins équivalent à ce qu’il était lors de sa disparition il y a dix ans : 45 euros par patient et par an. Cela permettra aux généralistes de se payer des aidants administratifs, des infirmiers, etc. Où vais-je trouver tous ces aidants administratifs ? En fermant toutes les ARS de France, ces bras armés de l’Etat qui imposent fermetures et austérité en ne connaissant rien de la réalité du terrain, mais en suivant simplement la feuille de route donnée. Cela permettra à ce gigantesque potentiel de gens de sortir de leurs bureaux et de venir travailler en médecine générale ou ailleurs, dans la vraie vie. Car il y a quelques règles que j’édicterai, dont celle-ci : personne n’a le droit d’évaluer un boulot qu’il n’est pas foutu de faire. Alors, évidemment, à l’ARS, il n’y aura plus grand monde. Cela va évidemment jeter sur le carreau des évaluateurs qui aiment les cases à cocher, et qu’il va falloir nourrir…

Il en ira de même pour la sécurité sociale : pour évaluer les médecins, il faudra être capable de faire leur boulot. Alors, on va se retrouver avec un afflux de gens, ce sera formidable. On pourra tous être maîtres de stages, on pourra créer des espèces de mini maisons de santé informelles que l’on pourra payer avec l’option médecin référent nouvelle manière. Ces médecins vont apprendre à bosser. Et cela risque même de leur plaire.

La disparition des ARS n’empêche pas la constitution, sur le terrain, à l’échelle d’un territoire, de comités régionaux regroupant des médecins, professionnels de terrain, patients, qui se retrouveront pour réfléchir et discuter entre eux.

Le numerus clausus ? Déjà, on se retrouve avec plus de médecins. Ensuite, il est certain que la sélection ne se fera plus de la même manière : avec des amphis bondés où sur 3 amphis, il y a deux vidéos et un professeur…. Il y aura un oral, avec motivation, culture générale, pas uniquement les notes de physique ou biochimie.

 

Plus de calculs pourris comme pour la ROSP

En matière de rémunération, il y aura l’option médecin référent, facultative. C’est ce que j’aurais choisi si j’étais resté médecin. Mais je suis Président… Et pour les gens qui veulent être conventionnés, j’instaurerai une renégociation des tarifs tous les trois ans – nous aurons des mutuelles qui prennent bien en charge, y compris la mutuelle sécu – avec une garantie de cohérence économique. Donc, on arrête le gag de penser qu’un médecin peut se déplacer pendant 45 minutes pour 33 euros à domicile. Certains confrères voudront être uniquement en paiement à l’acte, d’autres préfèreront avoir une partie de rémunération forfaitaire, mais il n’y aura plus d’évaluateurs qui nous demandent de faire des calculs pourris avec des indicateurs obsolètes, comme pour la ROSP.

A la Justice, je nomme Renaud Van Ruymbeke et je lui demande en premier lieu, de lancer un mandat d’arrêt international pour escroquerie en bande organisée contre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Il pourra être un peu plus précis sur les différents chefs d’inculpation, mais escroquerie en bande organisée, me paraît être un bon début. Car ce qui se passe sous le quinquennat Hollande, “l’ennemi de la finance” y réfère : Cahuzac, Morel, Thévenoud, Moscovici, le lien avec les mutuelles, etc. Il y a un tel reniement ! Mais ce sera à Van Ruymbeke de creuser et de trouver. Je ne suis pas le ministre de la Justice. Je demande au ministre des Affaires étrangères de mettre en place les procédures permettant d’accueillir en France s’ils le désirent Julian Assange et Edward Snowden (à l’origine des fuites sur les écoutes de la NSA et actuellement en exil).

Je nommerai à la Culture, Alexandre Astier. Cela nous fera au moins pour une fois, un ministre de la Culture qui lit des livres, ce qui va vraiment nous changer. Ensuite, on verra les passerelles que l’on peut construire entre les ministères de la Culture et de l’Education nationale. Car à priori, on va dans le mur. Notre société considère l’intelligence ou l’empathie, comme une valeur mineure et il y aura tout un travail à faire pour apporter aux jeunes d’autres valeurs que celles véhiculées par les chaînes télévisuelles, sur le modèle Loft story ou Big Brother, où on demande à des groupes de gens de s’éliminer les uns les autres.

 

Une véritable politique familiale

Je ferai en sorte que l’Etat soutienne un maximum le tissu associatif, et développe les crèches associatives sur l’ensemble du territoire. Elles seront ouvertes 24 h sur 24, sur le modèle de Baby Lou et permettront aux gens qui ont des horaires décalés, parents isolés ou précaires, personnes qui cherchent du travail, d’avoir un mode garanti de prise en charge de leurs enfants lorsqu’ils ne sont pas là. Cela représentera une véritable politique familiale, autant qu’une sécurisation et un maintien de l’emploi.

Et puis, bien entendu, quelqu’un qui détient un mandat électif et se rend coupable de malversations financières, sera déchu de toute possibilité élective et de tous ses droits électoraux à vie, car en agissant ainsi, cette personne en qui on avait placé notre confiance, a prouvé sa capacité à se servir au lieu de servir.

Et enfin, comme les gens ont besoin de pain et de jeux, avant que l’on soit parvenu à récupérer Hollande et Sarkozy qui sont en fuite, les chaînes pourries qui passaient jusqu’alors de la téléréalité passeront la réalité de la vie des députés et sénateurs qui ont voté la loi sur le renseignement. Car leurs bureaux, leurs domiciles, leurs salles de bain seront munies de micros et caméras, et comme ils n’ont rien à cacher, ce qui va amuser une partie du peuple. Il se passera plein de choses crapuleuses et on pourra faire de l’audimat, cela vaudra largement Kim Kardashian.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine Le Borgne