Passer au contenu principal

Le TPG, totem de la Mutualité et du gouvernement

Le 41ème congrès de la Mutualité française, à Nantes, a été un sacre. L’ultime congrès d’Etienne Caniard – le président de la FNMF ne briguera pas un nouveau mandat – a en effet donné lieu à des assauts de compliments et politesse vis-à-vis de cet “acteur incontournable” qu’est la Mutualité, tant de la part de Marisol Touraine que du Président de la République lui-même, venu annoncer la généralisation de la protection complémentaire aux retraités, chômeurs, fonctionnaires et indépendants au 1er janvier 2017.
 

“Vous jouerez un rôle clef” dans la généralisation du tiers payant, “une mesure de progrès” a lancé la Ministre de la Santé en direction des 2 000 délégués mutualistes, tous revigorés d’entendre de tels propos, dans un contexte où les parts de marché des mutuelles reculent face aux bacassureurs, tandis que s’ouvre l’eldorado hyperconcurrentiel de la généralisation des complémentaires à tous les Français.
 

A l’occasion de ce congrès, Etienne Caniard a rappelé son ambition d’inclure les médecins dans les réseaux de soins, avec tarifs et remboursements différenciés, ce que la loi Leroux interdit en n’y envisageant que les opticiens et les dentistes. Dans Les Echos, le Président de la Mutualité avait précisé son propos : “les dépassements d’honoraires continuent à croître en volume, le renoncement aux soins s’accroit, l’implantation sur le territoire demeure inégale… les rémunérations des médecins ne peuvent pas être les mêmes à Paris et à Guéret, les coûts d’installation étant différents”. Sa solution : “la contractualisation entre les complémentaires avec les professions de santé”, qui permettrait de fixer “le bon niveau de rémunération des soins et les pratiques à encourager (…). Au lieu de se focaliser sur un taux de remboursement qui ne veut plus rien dire, nous privilégions la maîtrise du reste à charge” avait-t-il développé.
 

Marisol Touraine a eu beau garantir, à Nantes, que la loi Leroux représentait un bon équilibre, l’ambition de la Mutualité française d’entrer de plain-pied, et non plus à la marge, dans le financement du système de santé ne fait plus l’ombre d’un doute. La même ambition anime ses alter ego parmi les complémentaires, assurances privées et organismes de prévoyance.
 

Côté CSMF, Jean-Paul Ortiz a fait part de son rejet “d’une américanisation de la médecine via les réseaux de santé”.
 

Côté FNMF, Thierry Beaudet (président de la MGEN et vice-président de la Mutualité) et Stéphane Junique (secrétaire général d’Harmonie Mutuelle et secrétaire général adjoint de la FNMF) ont rappelé les souhaits de la Mutualité sur l’accès aux données de santé, la réforme du système conventionnel.
 

Invités par l’Association des journalistes de l’information sociale (AJIS), Guilllaume Sarkozy, délégué général de Malakoff-Médéric, a mis les pieds dans le plat : “Les complémentaires, qui sont en concurrence, devraient pouvoir se différencier en contractualisant avec ceux qu’elles choisissent” a-t-il asséné. Le frère du président des Républicains est même allé jusqu’à souhaiter que les complémentaires aient le pouvoir d’aiguiller leurs assurés vers les praticiens les plus performants. Pire, qu’elles aient un accès aux données personnelles non anonymisées afin de “construire une transversalité dans l’offre de soins”, en dépistant, par exemple, les risques iatrogéniques au sein des assurés.
 

A noter que Mutualité, assurances privées et organismes de prévoyance se sont constitués en association, afin de coordonner leurs actions et parler d’une même voix pour la mise en place du tiers-payant généralisé, en 2017.
 

Si l’on se remémore enfin les propos de la titulaire de la chaire d’économie de la santé Paris Dauphine, Brigitte Dormont, sur France Culture, se félicitant que la mise en place du tiers-payant généralisé sonne la “mort annoncée de la médecine libérale” et que c’était “une bonne chose”, on peut se dire que la messe est dite. Du moins, aux yeux du gouvernement, qui n’a jamais été clair sur les finalités du TPG, pour les médecins libéraux.
 

Car, explique Brigitte Dormont, par ailleurs membre du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et de Terra Nova, le think tank du PS, l’intérêt principal du TPG est que “les circuits financiers ont changé (…). Le TPG rend les médecins dépendant des financeurs (…). Si l’assurance maladie veut faire pression sur les médecins, elle a les moyens financiers de faire pression sur les médecins (…). Les médecins recevront leurs rémunérations de la sécurité sociale ou de l’organisme qui sera chargé du paiement (…), les médecins vont dépendre pour leur niveau de vie, pour leur rémunération, du financeur” a-t-elle énuméré sur France Culture. A noter que le sponsor principal de la Chaire Paris Dauphine est la MGEN, qui épouse évidemment totalement cette vision des choses…
 

Dans le contexte du désengagement progressif de l’assurance maladie, la montée en charge du tiers payant contribuera à brouiller les cartes, car bien malin qui pourra dire qui rembourse quoi dans le système de santé. “Le système deviendra illisible pour le patient et les médecins seront piégés”, redoute le Dr Duquesnel, plus motivé que jamais, pour combattre avec l’UNOF-CSMF le TPG et la loi de santé, examinés au Sénat du 14 au 18 septembre, puis du 5 au 9 octobre prochain.