Le Dr Bernard Coadou n’a jamais apprécié l’Ordre des médecins. Alors, une fois à la retraite, il a fait savoir qu’il ne paierait plus sa cotisation. C’était sans compter sur l’obstination du conseil départemental de Gironde qui a demandé au retraité de faire un choix : s’il ne paie pas, c’est qu’il demande sa désinscription. Une solution inenvisageable pour le retraité, qui a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux.

 

“Après 40 ans d’exercice, je pensais bien en avoir enfin fini avec l’Ordre des médecins !”, s’insurge, amer, le docteur Bernard Coadou, ancien généraliste girondin. A la retraite depuis le 31 mars 2011, il a de suite écrit à son conseil départemental de l’Ordre, pour leur signifier qu’il ne paierait plus sa cotisation. “Je n’avais plus d’activité rémunérée, alors je pensais sincèrement qu’il allait me laisser tranquille. Au pire qu’on me proposerait un rendez-vous pour trouver un arrangement à l’amiable.” Ce ne fut pas le cas. Le conseil département de Gironde lui a bien rappelé ses devoirs : l’adhésion à l’Ordre est obligatoire, même pour les médecins retraités dont la cotisation est minorée.

 

“Si j’aide quelqu’un, on va m’accuser d’exercice illégal de la médecine ?”

Ainsi, depuis 2011, le Dr Coadou n’a cessé de recevoir des rappels à l’ordre. “J’ai reçu des lettres, des recommandés, des lettres d’huissier, un appel d’huissier à mon domicile. Ça n’arrête pas.” Et ce qui a fait déborder le vase, c’est une lettre recommandée indiquant au généraliste que s’il ne voulait payer, il pouvait demander sa radiation à l’Ordre. “Ils veulent que je fasse une demande d’auto exclusion de la communauté médicale ! Vous vous rendez compte ?” Une solution inenvisageable pour Bernard Coadou. “Qu’est-ce que je fais de tous mes diplômes ? Et, en cas d’urgence, si j’aide quelqu’un, un proche, on va m’accuser d’exercice illégal de la médecine ?”

Alors pour mettre fin à ce qu’il appelle un “harcèlement” de la part du conseil de l’Ordre, le Dr Coadou a donc décidé de refuser, par l’intermédiaire de son avocat, l’injonction à payer. L’affaire ira donc devant les tribunaux. Et, “ce ne sera pas seulement le procès d’un non cotisant, ce sera aussi le procès de l’institution”, prévient le médecin qui promet de faire ressortir des “choses dont l’Ordre devra s’expliquer”.

 

“Pourquoi l’Ordre doit parler au nom de tous les médecins ?”

Car, bien plus qu’une simple histoire de cotisation non payée, c’est bien d’une affaire de principe qu’il s’agit. Le Dr Bernard Coadou n’a jamais caché son hostilité envers l’Ordre des médecins. Dans les années 80, il faisait partie d’un groupe d’une cinquantaine de médecins, les “disciples d’Hippocrate”, qui ont tenté, en vain, de passer outre l’adhésion à l’Ordre. “J’exerçais en cabinet de groupe. Alors, vis à vis de mes confrères, et de mes patients, j’avais finalement décidé de ne pas faire de zèle et de payer.”

Cette fois-ci, il ne cédera pas. “Je suis fermement opposé à l’idée de cotiser à l’Ordre. J’ai vécu toute ma carrière avec cet organisme comme une sorte de syndicat obligatoire. Pendant toute ma carrière, je les entendu donner des avis, sur des sujets sociétaux qui étaient totalement opposés à mes idées, s’énerve le Dr Coadou. Dernièrement, on a eu une déclaration comme quoi l’Ordre était contre le tiers payant généralisé et qu’il faut que chaque acte soit payé. On peut très bien ne pas être d’accord avec ça. Pourquoi l’Ordre doit parler au nom de tous les médecins ? Est-ce normal qu’il nous oblige à payer pour que, nous les médecins, financions cette propagande ?”

Le retraité en est certain, c’est bien à cause de cette hostilité affichée que l’Ordre aujourd’hui, lui cherche des noises. “Ils me connaissent bien. Et ce que je constate depuis que cette affaire commence à se faire savoir, c’est qu’il y a beaucoup de médecins retraités qui ne paient pas et qu’on laisse tranquille.”

 

Une pétition a déjà recueilli plus 400 signatures

Décidé à mener son combat jusqu’au bout, le Dr Bernard Coadou médiatise son affaire, recueille des témoignages d’autres médecins, en appelle aux politiques… Un comité de soutien a été créé et une pétition a déjà recueilli plus 400 signatures. Et il attend de pied ferme la tenue de l’audience prévue en fin d’année. “Si l’Ordre veut aller vers l’épreuve de force, il devra aussi donner des explications sur ce qu’il est réellement. Et on devra se poser la question de sa légitimité.”

Lancer le débat sur la toute-puissance de l’Ordre, c’est tout ce qu’espère Bernard Coadou, qui se fait peu d’illusions sur l’issue judiciaire de ce conflit. “J’espère juste que ça faire avancer le débat. Je ne demande pas la suppression de l’Ordre. Je veux juste que nous, médecins, ayons la liberté d’y adhérer ou non.”

 

Trois questions à Dr Albert Roche, président du conseil départemental de l’Ordre des médecins de Gironde

Egora.fr : Le Dr Bernard Coadou semble déterminé à ne pas lâcher son combat contre l’Ordre. Quelle est votre réaction à ce sujet ?

Dr Albert Roche : Le docteur Coadou est un médecin retraité qui a toujours très bien travaillé. Mais il est depuis longtemps dans une démarche contre l’Ordre des médecins. Il avait déjà essayé de ne pas payer sa cotisation il y a plusieurs années, mais la justice l’a contraint à le faire. Maintenant qu’il est retraité, il a trouvé un autre biais pour contester. Or, pour mener notre mission, qui est une mission de service public, nous avons 10 à 11 salariés qui sont payés uniquement grâce aux cotisations. Et chaque médecin doit payer, même les retraités qui ont une cotisation minorée. C’est dans la loi, dans le code de santé publique, et personne ne peut y déroger. Maintenant, le Dr Coadou est dans un conflit contre l’institution. Il accuse l’Ordre d’être vichyste, nous reproche la radiation du Dr Bonnemaison. Il mélange tout et donne des informations erronées.

Lui, dit que l’Ordre le vise personnellement…

Non, je connais très peu le Dr Coadou. Cela fait plus de 4 ans qu’il ne paie pas. Nous avons attendu quatre années pour lui envoyer une lettre d’huissier. Il aurait pu demander son exonération, ce qui se fait parfois, mais pour lui ce n’est pas un problème financier. Il a voulu en faire une question de principe. Et nous aussi.

Vous n’êtes pas inquiet quant à l’issue de la procédure judiciaire ?

La justice ne peut pas lui donner raison. C’est comme quelqu’un qui roule sans permis de conduire. Il peut le faire, mais la loi est là pour le sanctionner.

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Aline Brillu