Organiser la première manifestation de patients contre la loi de santé, c’est le défi que s’est lancé Réjane Thomasic. Ex aide-soignante, elle agit aujourd’hui en tant que patiente et entend créer un large mouvement de soutien aux médecins en lutte contre le texte de Marisol Touraine. Partage des données de santé et remise en cause du libre choix du médecin par le patient sont ses plus grandes craintes.

 

Jusqu’à présent, Réjane Thomasic ne s’était jamais vraiment engagée pour une cause. “Je ne suis pas une militante”, reconnait-elle volontiers. Tout au plus, elle a adhéré un temps à l’UDI “pour voir”. Une expérience a tourné court dès l’annonce de l’alliance du parti centriste avec Nicolas Sarkozy. Mais la loi de santé de Marisol Touraine a changé bien des choses. Depuis qu’elle a pris conscience, dit-elle, des dangers de ce projet pour les patients, Réjane Thomasic passe le plus clair de son temps à organiser le premier mouvement de patients contre la loi de santé, qui se tiendra le 20 juin à Nantes.

 

On ne parle pas des contreparties de ce tout gratuit

A 45 ans, cette ex aide-soignante qui a dû arrêter son travail à cause de problèmes articulaires, a commencé à s’intéresser au projet de Marisol Touraine grâce à son médecin traitant. “Dans la salle d’attente, il y a des informations à ce sujet, sur le tiers payant généralisé. Pendant la consultation, il prenait le temps de m’expliquer”, se souvient Réjane Thomasic. Alertée, elle a ensuite pris l’initiative d’aller chercher plus de renseignements sur le sujet. Rapidement, elle trouve des groupes Facebook de médecins en colère, la page de l’UFML et adhère rapidement à l’association. C’est alors qu’elle s’est rendu compte que ce qu’elle comprenait ne collait pas avec le discours de Marisol Touraine vantant “une loi pour les patients”.

“Quand il y a un sondage pour voir si les Français sont d’accord avec le tiers payant, les questions sont formulées de manière à ce qu’ils disent oui ! On leur demande ‘Seriez-vous favorable à ne pas avancer le prix de la consultation chez votre médecin ?’ Evidemment que les gens vont dire qu’ils sont favorables. Mais on ne parle pas des contreparties de ce tout gratuit. Personne n’a posé la question ‘Seriez-vous favorable à ce que nous partagions vos données confidentielles de santé ?’, dans le sondage ça n’apparaît pas”, s’indigne Réjane Thomasic. “Il y a clairement une manipulation de l’opinion publique.”

Le partage des données de santé est la plus grande crainte de cette patiente. “La généralisation du tiers-payant et le partage des données de santé est indissociable, c’est inévitable, assure-t-elle. Or, mon médecin traitant et moi, on doit être les deux seuls à avoir un regard sur mon dossier médical. Point. Pas les banquiers, les mutuelles et tout ça. C’est hors de question. Quand vous voulez faire un crédit, les banques posent des questions sur votre état de santé… Ca a toujours été le cas, mais demain on n’aura plus la garantie qu’elles n’ont pas eu accès à votre dossier médical.”

 

“Les patients ne veulent pas être soignés par des complémentaires, ni par l’administration”

Autre point d’inquiétude pour Réjane Thomasic, la liberté de choix du médecin par le patient. Elle est convaincue que, demain, les mutuelles imposeront les praticiens aux patients. “Les patients ne veulent pas être soignés par des complémentaires, ni par l’administration, mais par des médecins libres et indépendants. J’ai peur que ma complémentaire me dise que j’ai le droit d’aller dans tel ou tel cabinet. Je ne veux pas que ma mutuelle choisisse pour moi, c’est hors de question. Je veux être libre.”

Mi-avril, elle crée alors un groupe Facebook “Patients, médecins et autres soignants unis contre la loi de santé”, qui réunit aujourd’hui plus de 800 personnes. Difficile de savoir, pourtant, combien de patients suivent le mouvement. “C’est un groupe de patients, mais les médecins sont venus se joindre au groupe”, assure sa créatrice. Aujourd’hui elle entend passer à l’étape suivante. “On ne pouvait pas continuer à mettre des commentaires sur Facebook, il fallait passer à l’action.”

Réjane Thomasic est convaincue que les patients pourraient massivement se retourner contre la loi de santé, “s’ils étaient bien informés”. Elle regrette surtout que les médias ne jouent pas leur rôle correctement. “Si on disait vraiment aux patients ce qu’il se passera avec ce texte, si on leur disait la vérité, si on leur expliquait bien les choses, ils seraient contre !” Et c’est donc la mission qu’elle s’est donnée.

Pour ses débuts dans l’action militante, elle s’est lancé un défi de taille. “Au début, je voulais lancer un mouvement national, mais c’est difficile à organiser. Donc je commence par un mouvement régional de patients sur Nantes”. Le 20 juin, elle appelle donc à venir protester contre la loi de santé dans une première manifestation où les patients prendront la tête du cortège. Les médecins qui se joindront seront relégués en deuxième ligne. “Ça permet de montrer que les patients sont capables de s’organiser contre la loi de santé, et peut-être que d’autres feront la même chose sur d’autres villes.” Défi de taille, d’autant qu’elle s’est engagée seule dans cette mobilisation, sans association de patient ou autre collectif. Elle est en contact avec une autre patiente, secrétaire médicale et épouse de médecin en région parisienne, qui la soutient en créant des affiches qu’elle diffuse. “Ça me prend beaucoup de temps, mais quand c’est quelque chose d’important, tant pis. C’est important de bien préparer ce mouvement.”

 

Les patients aussi peuvent dire non à la loi de santé

Elle se réjouit surtout de pouvoir compter sur le soutien de l’UFML dans son action. Depuis le début de son engagement, elle est proche de cette structure, s’est beaucoup renseignée sur leur site et est régulièrement en contact avec le Dr Jérôme Marty. “C’est même lui qui a financé la banderole des patients pour la manifestation du 20 juin, c’est vraiment adorable de leur part”, souligne Réjane Thomasic. D’autres organisations de médecins mobilisés contre la loi de santé l’ont aussi assuré de leur soutien. “Je suis aussi en contact avec les médecins de Roanne. Ils ne pourront pas venir le 20 juin, bien sûr parce que c’est loin, mais on discute au téléphone. Ils me soutiennent. Je dis d’ailleurs qu’on prend le relais des médecins de Roanne. Eux ça s’appelait ‘le printemps des médecins de Roanne’, et bien nous c’est ‘le printemps des patients à Nantes’.”

Aujourd’hui, cette patiente devenue militante entend mobiliser le maximum de patients et créer un vrai élan national. “Il faut montrer que les patients aussi sont contre la loi de santé, qu’on soutient les médecins. Les patients aussi peuvent dire non à la loi de santé, et ça on veut le montrer à Marisol Touraine”, assure Réjane Thomasic avant de lâcher, comme un slogan déjà rôdé : “Les patients veulent une vraie réforme de la santé, et non pas une mascarade en faveur des complémentaires.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Fanny Napolier