Entre la promesse d’un été et d’un automne annoncés “caliente” et la préparation fébrile des élections aux unions régionales des professions de santé (URPS), les syndicats médicaux en piste pour le renouvellement de leurs élus s’observent. Avec un ennemi désigné, la loi de Santé et son tiers payant généralisé, examinée en septembre, par les sénateurs.

 

“S’ils s’imaginent qu’ils vont passer l’été tranquille, ils se trompent profondément”, rigole le Dr Jean-Paul Hamon, le président de la FMF. Un œil sur le calendrier électoral – la date des élections est confirmée au 12 octobre et les listes doivent être finalisées au 3 août – et un autre sur les fermetures sporadiques de cabinets de médecine générale, qui commencent à se répandre dans l’hexagone, le généraliste de Clamart (92) met la dernière main à son plan de campagne. “Ces mouvements sont spontanés, ils expriment un véritable ras le bol. Nous ne voulons pas les récupérer, mais les aider à se coordonner.” Des mouvements seraient en cours de constitution en Bretagne (grève tournante), dans l’Ain, les 3 et 4 juin, en Midi-Pyrénées, en Ile de France…

 

“Le pire moment que l’on pouvait imaginer pour une élection”

Mouvements salués d’ailleurs par les membres du BLOC, qui présenteront des candidats dans le troisième collège (collège regroupant les chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes, que le gouvernement veut supprimer pour les élections de 2020…). “Le syndicat invite tous ces collectifs à s’unir à l’opération de blocage sanitaire qu’il organisera à l’automne 2015, avant le vote définitif du projet de loi Touraine prévu fin 2015, écrit le BLOC. Ce blocage sanitaire est l’ultime recours à disposition des médecins libéraux pour empêcher le vote d’une loi ouvertement mortifère pour la médecine libérale” prévient-t-il, comme une sonnerie de tocsin.

Car – pour que la fête soit plus belle – hormis le fait que la campagne électorale sera coupée en deux par les vacances d’été, elle viendra se télescoper avec le vote du projet de loi de santé au Sénat, prévu au mois de septembre.

“Franchement, c’est le pire moment que l’on pouvait imaginer pour une élection”, maugrée le Dr Claude Leicher, le président de MG France. Sa demande officielle de report de date au ministère n’a pas été entendue, et il enrage. “Cela complique la vie de tout le monde, nous devrons être aux manettes durant l’été car il y a des dates impératives, fixées en août par le calendrier électoral. C’est vraiment très compliqué, le temps est très court. Et la campagne va percuter la lecture de la loi de santé au Sénat…”

De fait, tout va se mélanger. Avec, en bonus, des élections qui vont se dérouler dans une nouvelle France des régions où la constitution de méga-régions, va bouleverser bien des habitudes. Comment les choses vont-elles s’organiser en Centre-Val de Loire, en Alsace, Champagne-Ardennes et Lorraine, en Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, en Auvergne et Rhône-Alpes, en Bourgogne et Franche-Comté, en Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, en Nord-Pas-de-Calais et Picardie ou en Basse et Haute Normandie ? On sait juste que le siège de l’URPS sera celui de l’ARS, mais pour le reste, c’est encore le mystère.

“Cela va nous obliger à revoir notre mode de fonctionnement”, reconnaît le Dr Luc Duquesnel, le président de l’UNOF (CSMF). “Il faut que les anciennes régions soient bien représentées, tout comme les départements. Cela ne va pas nous faciliter les choses.” Un syndicat, la FMF, avoue se trouver avantagé par ces nouvelles mega-régions, mais c’est le seul. “Nous allons pouvoir présenter des candidats partout, ce qui n’aurait peut-être pas pu être le cas dans l’ancienne configuration géographique”, reconnaît Jean-Paul Hamon.

Néanmoins, le télescopage avec l’examen de la loi de santé par les sénateurs, pourra booster les programmes électoraux de tous ses contestataires. C’est en tout cas l’avis de Luc Duquesnel. “Nous sommes contre le tiers payant généralisé (TPG), ce qui n’est pas le cas de tous les syndicats qui défendent les médecins généralistes. Si le TPG est dans la loi de santé, c’est bien “grâce” à eux”, signale-t-il. Entendez, MG France. “C’est dans leur programme, dans leur idéologie depuis le médecin référent”, rappelle-t-il. En revanche, le patron de l’UNOF se méfie d’une surenchère des professions prescrites auprès des sénateurs, car il redoute, du fait de leur lobbying, un “démantèlement du métier de médecin généraliste” contre lequel la profession s’était élevée depuis novembre dernier.

 

Après l’élection, la négociation conventionnelle

L’ennemi est aussi désigné du côté de la FMF, arc-boutée contre la loi de santé, où l’on promet de produire des vidéos très récentes où des cadres de MG France vantent la mise en place du tiers-payant. Mais on y vise aussi la CSMF, qui a signé pour le contrat d’accès aux soins et l’avenant N° 8 “et qui semble maintenant, à l’orée de la campagne, trouver le bébé un peu encombrant”, ricane le Dr Hamon.

“Nous avons prôné l’unité contre la loi de santé, mais il faut que les médecins comprennent que nous avons de grosses différences entre nous, insiste le président de l’UNOF. Au moment de mettre leur bulletin de vote dans l’enveloppe, ils doivent se souvenir qu’après cette élection, il y aura une négociation conventionnelle très dure. S’ils ne veulent pas y retrouver ce que nous avons rejeté dans la loi de santé, ils doivent bien réfléchir avant de voter.”

Les résultats électoraux seront pris en compte pour désigner les syndicats représentatifs habilités à négocier la convention. Un bon classement aux élections régionales, garantit honneurs et considération nationales et une tribune de choix. Deuxième élément que veut souligner l’UNOF : les URPS sont utiles sur le terrain, elles font du bon boulot, pour la PDSa ou l’aide à l’exercice regroupé par exemple.

 

“J’ai perturbé un peu les lignes, et cela me plaît”

Et pourtant, MG France, contre qui les tirs semblent se concentrer, ira lui aussi en campagne sur le mot d’ordre du rejet du TPG, et de la spécificité de la crise de la médecine général, où les conditions d’exercice ne sont pas décentes, faute de moyens. “Les médecins généralistes ont une problématique spécifique, s’ils ne se bougent pas, personne ne le fera pour eux”, lâche Claude Leicher, en visant les syndicats poly catégoriels, qu’il accuse régulièrement de servir prioritairement les intérêts des médecins spécialistes.

Critique que réfute le Dr Eric Henry. Le président du SML se dit prêt à travailler avec “tous ceux qui veulent travailler, sont pro-actifs et rejettent la politique politicienne. Le SML est un syndicat de l’unité. Il y a un nouveau mode de gouvernance depuis mon arrivée”, tient-il à souligner.

Ainsi, alors que le SML et la CSMF furent de longues années des compagnons de route et de bagarres syndicales, passant alliance pour les élections ou les négociations conventionnelles, “plus personne ne sait où je me situe, j’ai perturbé un peu les lignes, et cela me plaît”, sourit le Dr Henry.

Sa campagne, à l’entendre, est en ordre de route, entièrement dirigée contre la loi de santé. Une charte a été écrite pour l’organisation et la planification du fonctionnement de la campagne et des URPS. Des ordres de priorité ont été fixés à chaque région, et les candidats du SML ont été désignés en vertu d’une balance entre leur nombre d’adhérents et le nombre d’électeurs. “Il y aura moins de candidats, nous avons mis du formalisme partout. C’est ma troisième campagne aux URPS, et je ne voulais plus voir se reproduire toutes les trahisons ou mauvaises alliances du passé”, se réjouit le généraliste d’Auray. Il se dit même “pas du tout perturbé par les vacances. Tout est calé.”

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Catherine le Borgne