Alors que la loi santé a commencé son examen en séance plénière à l’Assemblée nationale, des professionnels de santé, des représentants des patients, des chercheurs et des universitaires emmenés par Didier Tabuteau, signent la “Charte pour une santé solidaire”. Douze objectifs pour orienter le système vers plus de solidarité.

 

En ces temps pour le moins conflictuels, réunir une grande diversité d’acteurs de la santé autour d’un “socle” de principes communs est le pari des signataires de la Charte pour une santé solidaire. Lancée mardi 31 mars par Didier Tabuteau, responsable de la Chaire Santé de Sciences-Po, aux côtés de plusieurs grands noms, dont André Grimaldi, Jean-Paul Vernant et Bernard Granger (membres du Mouvement de défense de l’hôpital public), elle est le fruit d’une journée de travail collectif le 11 mars dernier entre une centaine de participants : professionnels de santé libéraux, salariés ou hospitaliers, associations de patients, responsables administratifs, chercheurs et universitaires. Le texte énonce douze principes constitutifs “du système de santé de demain”, protecteur et égalitaire.

 

“On parle rarement santé et assurance maladie en même temps”

“Le débat public sur la santé fait toujours ressortir les oppositions et les conflits, explique Didier Tabuteau. Or, beaucoup de points communs et de valeurs nous unissent. Nous avons essayé de les définir dans cette charte de la façon la plus simple possible”. Hasard du calendrier ; son lancement en pleine ouverture du débat de la loi santé à l’Assemblée nationale ? “Nous profitons du fait que l’on parle de santé en ce moment. La coïncidence est bonne, répond Didier Tabuteau. Nous voulons surtout souligner le fait que l’on parle rarement santé et assurance maladie en même temps, alors que les deux sont indissociables.”

Parmi les douze objectifs généraux énoncés d’une phrase par la charte, sont listés des points plutôt consensuels tels que “le respect des droits des malades”, “la formation à la santé” durant la scolarité, ou encore “la liberté de choix par les patients du médecin ou de l’établissement de santé”.

D’autres objectifs clivent davantage, comme celui concernant le tiers-payant, dont la généralisation prévu par la loi de santé, s’oppose au refus des médecins. Le texte prône ainsi la “liberté de choix du tiers-payant par le patient”. “Nous renversons les termes du débat sur le tiers-payant en nous plaçant du point de vue du droit de l’assuré social, indique Didier Tabuteau. Il doit pouvoir décider, et en bénéficier dans tous les cas.”

 

La Sécu doit rembourser au moins à 80%

Autre principe d’un système plus solidaire : la Sécurité sociale doit financer au moins à 80% les soins pris en charge, et 100% au-delà d’un plafond. “C’est un objectif de reconquête de la Sécurité sociale sur le remboursement des soins, face à la place croissante des complémentaires. Il n’est pas inatteignable. Aujourd’hui, ce financement est en dessous de 50%”, précise Didier Tabuteau. Les signataires de la charte appellent également à “la liberté de choix de la Sécurité sociale pour la protection complémentaire”. En clair, la possibilité pour qui le souhaite d’avoir une complémentaire via la Sécurité sociale, à l’instar de ce qui s’applique dans le cadre de la CMU Complémentaire.

“En consultation, nous rencontrons beaucoup de patients qui n’ont pas d’assurance complémentaire, témoigne Mady Denantes, médecin généraliste à Paris et signataire de la charte. Ils se retrouvent à devoir régler le reste à charge. On assiste à des renoncements de soins. On a l’impression d’aller vers un système de moins en moins solidaire”.

Même constat s’agissant de l’hôpital public. “20% des actes restent à la charge des malades. Nous sommes obligés d’adapter les soins aux moyens des patients, ça n’est pas acceptable, dénonce Anne Gervais, médecin à l’hôpital Bichat. Par cette charte, nous appelons à un système plus vertueux et plus universel”.

Ni programme politique, ni manifeste syndicaliste, le texte se veut être “une boussole, une ancre solidaire face à des dérives qui auront pour conséquences le délitement de la solidarité”, souligne Frédéric Pierru, sociologue, chercheur au CNRS et co-auteur, notamment avec Didier Tabuteau et André Grimaldi, du Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire, en 2011.

Pour les quelques 72 premiers signataires de cette nouvelle charte, l’objectif est bien “d’engager le débat” dans la perspective de 2017, et d’ici là, de “faire vivre la charte” en invitant citoyens et organisations syndicales et associatives à prendre position.

 

Les 12 points de la Charte :

· Respect des droits des malades
· Formation à la santé à l’école, au collège et au lycée
· Prévention et éducation à la santé tout au long de la vie en lien avec le médecin traitant
· Garantie d’un accès effectif à une médecine de ville universelle et au service public hospitalier
· Accompagnement médical, médicosocial et psychologique et éducation thérapeutique, en particulier pour les malades chroniques
· Droit à l’information sur la qualité des soins
· Liberté de choix par les patients du médecin et de l’établissement de santé
· Indépendance professionnelle et déontologique des professionnels de santé et accès à des formes diversifiées de rémunération
· Liberté de choix du tiers payant par le patient dans le parcours de santé pour les soins remboursés par la Sécurité sociale
· Sécurité sociale finançant au moins à 80 % les soins pris en charge par la solidarité et à 100 % au-delà d’un plafond en cas de dépenses élevées restant à la charge du malade
· Liberté de choix de la Sécurité sociale pour la protection complémentaire
· Equilibre obligatoire de l’Assurance maladie solidaire dans la loi de financement de la sécurité sociale

 

Source :
www.egora.fr
Auteur : Sandy Berrebi-Bonin